Pro D2 – Bordeaux

Les vérités des dirigeants

Andrieu Bordeaux
C’est un coup de tonnerre dans le handball français. Après plusieurs semaines d’indécisions, Bordeaux va finalement déposer le bilan. Le projet du club était pourtant ambitieux, mais le manque d’engagement de la ville de Bordeaux aura été fatal. Membre du Directoire de la SAS Girondins Handball, qui devait faire basculer le club dans le professionnalisme, Bruno Sibiril nous livre ses éléments d’explication.

Ervacanin BordeauxLe dépôt de bilan du club est-il lié à un manque de soutien des collectivités locales ?

Oui. D’après moi, c’est clairement un manque de soutien des collectivités locales au regard de ce qui est nécessaire à ce niveau de jeu. Avant d’avoir l’idée de monter une société d’investissement, nous avons fait un audit approfondi pour savoir ce qui se pratiquait dans le handball. Nous nous sommes inspirés du modèle allemand et de Barcelone pour avoir quelque chose d’adaptable à la France. La Pro D2 devient progressivement un championnat de grandes villes. La moyenne des subventions des clubs de D2 est à 770.000€ par an. La plus basse est à 300.000€ et la nôtre à 325.000€. Pourtant, Bordeaux est le premier club de Pro D2 en termes de bassin de population. Malheureusement, l’attractivité de la D2 au niveau médiatique et pour un sponsor national n’est pas suffisante. La jonction entre la LNH et la Pro D2 se fait par l’apport des collectivités. Les collectivités bordelaises sont défaillantes puisque nous avons l’une des plus basses subventions du championnat.

Lorsque vous avez créé la nouvelle société, étiez-vous au courant que les collectivités ne vous suivraient pas ?

On était au courant du problème, qui n’est pas un problème de gestion des dirigeants mais plutôt arithmétique. Nous avons monté un dossier que nous avons présenté à Mr Juppé. Nous avions eu une excellente écoute. Nous sommes quasiment certains que Mr Juppé a donné des directives puisqu’il y a eu un audit approfondi du club par la suite. C’est à la fois une chance et une malchance d’avoir un maire qui a des occupations nationales. Il a dû déléguer le dossier, et le simple fait de faire bouger les lignes pour les gens en place était impossible.

“Un sentiment d’énorme gâchis”

juppéAujourd’hui, le club peut-il mettre en place une réunion de la dernière chance avec Alain Juppé ?

Cela me semble bien difficile. En revanche, nous sommes en train de réfléchir à alerter l’ensemble du monde sportif pour exposer notre projet et pourquoi nous en sommes arrivés là. Le handball représente le meilleur rapport attractivité-qualité-coûts, tous sports de salle confondus. C’est peut-être le seul sport de salle qui peut ne plus dépendre des collectivités à moyen terme. Il y a besoin d’aide pour passer ce cap. A Bordeaux, tous les feux étaient au vert pour développer un projet d’envergure. Nous n’avons pas fait n’importe quoi, puisque nous avons été chercher le soutien de Jérôme Fernandez. Philippe Bernat-Salles est venu sur place se rendre compte du potentiel de l’équipe, et nous a fait une très chaude lettre de recommandation. Il ne l’avait jamais fait pour un club de LNH auparavant.

Quel sentiment prédomine aujourd’hui ?

C’est d’abord un sentiment d’énorme gâchis, mais aussi celui d’assister à un autisme des collectivités. Nous leur avons proposé un plan sur six ans qui leur aurait coûté moins cher que de donner des subventions en respiration artificielle pour le club. On leur demandait simplement de s’aligner sur la moyenne des subventions de Pro D2 pendant trois ans. Ensuite, nous nous engagions à rendre des comptes et à les amener à un désengagement progressif jusqu’en 2020. On ne peut rien faire face à des personnes qui ne veulent pas nous aider. Alain Juppé nous a dit qu’il nous aiderait à trouver des sponsors nationaux. Or, un peu après, les personnes en charge du dossiers nous affirmaient qu’ils ne connaissaient pas de sponsor.

“La différence se fait au niveau des subventions”

Mathe BordeauxQuelles sont désormais les prochaines échéances ?

Le club va se mettre dans un premier temps sous la protection de la justice commerciale. Aujourd’hui, Bordeaux ne peut pas repartir en Nationale 1 dans des bonnes conditions. Si c’est pour repousser le problème, cela ne sert à rien. On se dirige donc vers un dépôt de bilan. Nous devons nous réunir très prochainement pour étudier s’il est possible d’alerter les médias et la population, en dépassant le cadre du handball. Nous préparons une conférence de presse pour le début de semaine. C’est trop facile de dire qu’une mairie est là pour assurer un outil de travail et que le club s’est montré incapable de trouver des sponsors en nombre suffisant. Certes, le club aurait pu faire mieux, mais cela n’aurait rien changé au problème. Ce n’est pas à 100.000€ de sponsoring près que cela se serait joué. Nos chiffres de sponsoring sont d’ailleurs les mêmes qu’Istres, à 30.000€ d’écart. La différence se fait au niveau des subventions : près d’un millions d’euros pour Istres, seulement 325.000€ pour Bordeaux.

Ces 700.000€ de différence correspondent-ils à la somme qui manque aujourd’hui au club ?   

Non. Notre demande était que la mairie augmente la subvention pour se mettre davantage en adéquation avec les autres clubs, ainsi qu’une caution à apurer le passif qui n’est que l’addition des différences de traitement entre le sport à Bordeaux et le sport ailleurs.

“Avoir un repreneur du type Afflelou ou Tapie”

De La Bretèche BordeauxVous balayez donc l’argument de certains qui évoquent une mauvaise gestion du club ?

Je balaye cette affirmation en démontrant que nous avons les éléments objectifs pour montrer que cela n’est pas aussi simple que cela. Les dirigeants du sport associatif ne sont pas adaptés à un schéma professionnel. En ce sens, nous pouvons faire beaucoup mieux. C’est pour cela que nous avons eu le souhait de monter une société d’investissement, mais également de production du spectacle match. Nous sommes des professionnels pour cela. Alain Juppé nous a dit droit dans les yeux qu’il nous épaulerait pour la communication. Quelques jours après notre entretien, nous avions d’ailleurs été contactés par le service communication de la ville pour un rapprochement.

Si les choses n’évoluent pas dans les prochains jours, aurez-vous toujours un projet pour le handball girondin ?

Comment voulez-vous repartir sur ce projet- là si nous n’arrivons pas à avoir une sortie de secours ? Il faut remonter un projet sur cinq ou six ans en repartant à zéro. L’idéal pour ce club serait d’avoir un repreneur très solide, du type Afflelou, Lagardère ou Tapie. Nous n’avons fait aucune démarche en ce sens pour l’instant car ce n’était pas l’idée. L’objectif était que ce club appartienne à sa ville, où tout le monde peut y prendre une part. C’était très novateur en France, avec un modèle éprouvé à l’étranger.

Un mot concernant les joueurs ?

Je ne voudrais pas que l’on pense que les joueurs ont été laissés pour compte. Ce n’est pas la réalité. Il y a des points de détail qui ne leur ont pas été communiqués, car un sportif doit exercer son sport dans les meilleures conditions. Les difficultés du club étant récurrentes, les joueurs étaient au courant des problèmes. Jusqu’au dernier moment, nous ne pouvions pas imaginer que la mairie nous dirait non. Nous avons eu une vraie écoute tout en haut, mais ce n’était pas le cas à l’étage juste en dessous. C’est terrible, car je suis proche de la plupart des joueurs.

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22 CommentairesPoster un commentaire

  1. Filip - le 19 juillet 2014 à 19h36

    Merci le monopole du football !

  2. bibi - le 19 juillet 2014 à 19h59

    moi pas comprendre..Le dépôt de bilan du club est-il lié à un manque de soutien des collectivités locales ? ben oui , si ils nous donnent 1/2 million d'euro en plus on peut y arriver…"modele allemand? la part des collectivités dans le budget d'un club allemand se limite la plupart du temps a un rabais sur la location de la salle!potentiel de l'equipe? c'est sur qu'avec un budget X si je depense le double je vais pouvoir monter une equipe avec du potentiel :)!!Se comparer avec Istres c'est vraiment n'importe quoi ! Et si istres arrive a avoir 30000 euros de plus en sponsoring il faut vraiment commencer a se poser des questions, le bassin economique n'est vraiment pas le meme.Et les pauvres joueurs? On ne voulait pas tous leur dire pour les preserver de l'envie qu'ils auraient eu de chercher un autre club qui je l'imagine leur aurait permis de faire vivre pour certains toute une famille!

    Desole si cela choque certaines personnes mais se cacher derriere le manque d'interet connu des collectivites pour justifier des erreurs de gestion me fatigue… Quand on a 100 euro a depenser pour faire les courses , on en depense pas 200!

  3. breza9 - le 19 juillet 2014 à 20h56

    Bordeaux a surement voulu grandir trop vite (peut être qu'avec les résultats exceptionnels cette année pour un promu ils se sont un peu enflammer) mais je reste bouche bée devant cette nouvelle. Bordeaux avait un des plus gros projet de pro D2, il ne faisait aucun doute qu'à court terme il puisse monter en LNH et surement s'implanter durablement, surtout qu'ils peuvent s'appuyer sur de nombreux clubs d'un niveau intéressant pas loin (N1, N2, N3). Ce club me faisait vraiment penser au HBCN d'y il y 8 ans.

    Et puis niveau budget c'etait pas mal. 1M€ pour une 1ere année en D2, apparement il visait 1.5M€ c'était peut être malheureusement trop ambitieux. Si ce club doit disparaître, ca serait un énorme gâchis et une terrible nouvelle pour le handball en France. Ce club avait tout pour lui, et avoir un club en LNH à Bordeaux, 6e ville de France et totalement dépourvu de club dans le sud ouest ca aurait vraiment fait du bien au handball francais. C'est bien triste malheureusement

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