
Crédit photo : Jean-Yves Lhors
Alors que la plupart des équipes s’apprêtent à reprendre le chemin de l’entraînement avant d’aborder les matches de préparation aux quatre coins de l’Hexagone, Handnews vous propose sa série d’été consacrée au métier d’entraîneur. Personnage central d’une équipe, il est aujourd’hui en première ligne pour atteindre les résultats attendus par ses dirigeants et actionnaires.
Ancien entraîneur de Tremblay qu’il a sauvé de la relégation cette saison, Dragan Zovko partage son point de vue sur son métier et ses évolutions. La première partie est consacrée à la définition d’un entraîneur moderne professionnel et à son rôle au sein d’un club.
Dragan, comment peut -on définir un entraîneur professionnel moderne ?
Ce n’est pas une question à laquelle il est facile de répondre, d’autant plus qu’aujourd’hui on utilise de plus en plus l’anglicisme « coach » pour s’adresser ou parler d’un entraineur. Cela peut prêter à confusion auprès du grand public mais aussi auprès des acteurs sportifs. Posez la question autour de vous : « Qu’est -ce qu’un entraîneur ? », et vous verrez que les gens ont du mal à y répondre. On sait que le médecin soigne les gens, que l’ingénieur construit, que le boulanger fait du pain, mais l’entraîneur, et qui plus est « l’entraîneur moderne » ?
Parmi toutes les idées et définitions que l’on peut lire ou entendre, je dirais que l’entraîneur est l’homme à qui on fait appel et qui est chargé d’amener une équipe ou un athlète à son meilleur niveau et à les préparer pour la compétition.
L’entraîneur a donc un large domaine d’action ?
Selon moi, l’entraîneur moderne est celui qui est capable, en arrivant dans un club ou en prenant un athlète, de faire progresser les choses, pour ne pas dire bouleverser les habitudes sur le plan de la pratique même de l’activité (tactique, technique, mentale, physique), mais également sur le plan économique, voire politique. Quand je parle de l’économie ou de politique, je pense à l’économie du sport et du club, par exemple tenir compte du budget, créer un véritable produit, ne pas empiler les joueurs, etc … Sur le plan politique, il peut aider les dirigeants dans la mise en place du projet et d’une stratégie, d’une philosophie peut être plus adéquate à la situation du club. Observez par exemple ce qui se passe chez nous dans le foot ou le rugby, avec Blanc, Bielsa, Laporte, …
“Gérer l’incertitude”
Cela repose sur des compétences bien précises …
L’entraîneur moderne est doté de compétences dans le cadre de la pratique de sa discipline sportive (tout ce qui est lié au processus de l’entraînement), mais également dans le domaine du coaching, du management et bien sûr de la communication. En NBA, nous n’avons pas des coaches européens, car les patrons des franchises tiennent beaucoup à la présentation de l’équipe et pensent que les entraineurs européens auraient l’air d’hommes de la préhistoire ! L’entraîneur moderne doit être capable de comprendre et de gérer l’incertitude et la complexité. C’est l’homme qui recrute, qui forme, qui décide, qui sait anticiper les évènements sur le terrain mais également en dehors, pour gagner, car seule la victoire est belle.
L’entraîneur de handball doit-il avoir des prérogatives élargies ?
Avec mes 25 années d’expérience, je sais ce qu’un entraîneur peut apporter à une équipe, ou à un club, même si mon expérience reste limitée par rapport à des Constantini, Onesta ou Rivera pour ne citer qu’eux. Que l’on soit dans une équipe nationale ou dans un club, ce n’est pas la même chose. En fonction des dirigeants ou du président, cela peut également être très différent. Vous avez aussi des entraîneurs qui n’aiment pas avoir des responsabilités, ou qui les fuient, car ils pensent qu’en ne faisant pas de vagues, ils peuvent durer plus longtemps dans un club. Certains vont peut-être penser qu’ils ont raison d’agir ainsi, car eux ont un job alors que moi, je joue au Don Quichotte ! (rires)
“Une ambiguïté concernant notre culture des résultats”
Les entraîneurs doivent-ils donc être davantage responsabilisés par leurs dirigeants ?
Si on part du principe qu’un entraîneur est chargé d’amener une équipe à son meilleur niveau et de la préparer pour une compétition, et si on considère qu’être entraîneur est un métier et non pas uniquement une fonction, je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas responsable d’un échec. Si tu veux viser plus haut, aller plus loin et entraîner au plus haut niveau, il faut structurer ses connaissances. Cela passe par un diplôme d’Etat. Mais cela ne doit pas être suffisant ! Il faut aussi avoir des résultats, être performant. On nous donne par exemple une F1 : vous allez conduire à 100 km/h, moi à 50 km/h et un vrai pilote à 300 km/h. Qui choisit-on pour la compétition ? Diriger une équipe sportive est beaucoup plus compliquée que conduire une F1 !
Cela serait donc avant tout un problème culturel ?
Oui. Il y a aujourd’hui une ambiguïté concernant notre culture des résultats en France. En Allemagne ou au Qatar par exemple, quand un entraineur n’a pas des résultats il s’en va. Chez nous, dans le handball en France, avoir des résultats n’est pas un gage de conserver son poste. Et je ne parle pas de mon cas personnel.
La tendance n’est-elle pas néanmoins en train de s’inverser dans le handball hexagonal ? Plusieurs entraîneurs ont été remerciés en cours de saison…
Oui, elle s’inverse progressivement, mais il manque encore une grille de lecture. J’ai commencé à travailler avec des amis sur ce que devrait être l’évaluation d’un entraîneur. Aujourd’hui, on évalue un joueur. Les statistiques peuvent prendre en compte de nombreux éléments qui permettent de lire son rendement et son efficacité. Tout peut être décortiqué : nombre de passes, distance parcourue, nombre de blocs réussis, etc. Mais un entraîneur, en fonction de quoi est-il évalué ? Comment peut-on dire s’il est bon ou mauvais, au-delà des résultats ? Les résultats comptent, bien sûr, mais il peut s’appuyer sur quelques joueurs qui le rendent intelligent ou bon, comme l’inverse d’ailleurs. On est d’accord sur les compétences qu’un entraîneur doit acquérir. Mais ensuite, les évalue-ton ?
très intéressant !