Mondial 2015
Les Français aux commandes de la Goal-Line Technology
"Goal or no goal?", demande l'arbitre. Assis derrière la table de marque, les yeux rivés sur son écran et accompagné de l'un de ses cinq collaborateurs en mission sur le dernier mondial, Armand Steiger, l'entraîneur de Massy jusqu'à l'été 2011, transmet immédiatement les images de l'une des trois caméras placées dans chaque but au délégué du match. Ce dernier annonce alors à l'oreillette : "goal !" Les Allemands peuvent souffler, leur but est validé face à la Pologne (29-26 lors de la première journée du groupe D). Ce fût l'une des premières utilisations de la Goal Line Technology sur les derniers championnats du monde. Durant l'ensemble de la compétition, les caméras françaises ont été utilisées à trente-neuf reprises. Visite guidée.
A Doha, au Qatar, c'est l'association HandVision qui a supervisé l'ensemble des quatre-vingts-huit matchs du championnat du monde de handball. Une reconnaissance pour tout le travail abattu par Armand Steiger et ses collaborateurs depuis 1996. "Ce système de caméras a été mis en place pour la première fois lors du Tournoi de Bercy, il y a trois ans et demi, explique l'intéressé. Depuis, nous avons officié lors de différents Golden Globe, Golden League, mais aussi lors des Final Four des compétitions européennes. L'un des instants clés de l’existence de cette technologie remonte au Final Four de la Coupe EHF à Nantes, il y a deux ans. En demi-finale face à Holstebro, le Nantais Valero Rivera frappe la barre sur pénalty et la balle rebondit juste derrière la ligne de but du gardien danois. Dans le doute, les arbitres biélorusses ont immédiatement décidé d'arrêter le temps, sont venus nous voir, et nous avons validés le but ensemble."
Le système est composé de trois caméras disposées dans chaque but, collées à la barre transversale, et d'un logiciel d'analyse vidéo. "L'objectif était de permettre d'avoir une réactivité réelle en continu et donc d'aider les arbitres, explique Armand Steiger. Le travail d'un arbitre est difficile. S'il pense s'être trompé, à tort, cela peut influencer le déroulement de la suite de la rencontre. Grâce à cet outil, à ce troisième regard, nous espérions leur offrir une roue de secours afin de lui faciliter la tâche." L'EHF et l'IHF ne fonctionnent pas de la même manière. Ainsi, lors des compétitions européennes, ce sont les arbitres eux-mêmes qui viennent consulter les écrans de contrôle alors que, lors des rencontres internationales, c'est le délégué qui prend la décision après avoir visionné les images et qui la communique aux arbitres grâce aux oreillettes.
Cette technologie est co-financée par l'association HandVision, la FFHB, (la fédération française) et l'IHF (la fédération internationale). Depuis sa création en 2001, la société Vision Sport, présidée par le président du Massy Essonne HB, Gilles Desgrolard, contribue également grandement au développement de cette technologie. Cette dernière "est très sophistiquée mais elle coûte dix fois moins cher que la Goal Line Technology qui avait été utilisée durant la Coupe du Monde de football, explique Armand Steiger. La FFHB avait choisi de nous soutenir très tôt dans ce projet en vue du mondial 2017 qui se profile. Le même principe de caméras est utilisé sur du karting ou du dressage, en équitation."
Mais quelles ont été les réactions des différents acteurs des matchs de handball ? "Pour le moment, nous n'avons reçu aucun retour négatif, savoure Armand Steiger. Durant la conférence de presse de clôture du mondial, cette technologie a été évoquée plusieurs minutes. Je crois que tout le monde est satisfait, arbitres mais aussi joueurs." Cependant, le système d'HandVision ne traite pas uniquement des cas de buts validés ou non. "Une caméra plan large nous permet également d'avoir des images de tout ce qu'il peut se passer hors du champ des caméras de télévision comme les mauvais changements ou les petites tensions, dévoile celui qui est également directeur informatique à la mairie de Savigny-sur-Orge, dans l'Essonne. Lors du quart de finale entre le Qatar et l'Allemagne, par exemple, Bertrand Roiné et Uwe Gensheimer s'étaient bousculés mutuellement loin de l'action en cours. Après avoir demandé les images, le délégué a pu dire aux arbitres de sanctionner ces deux joueurs d'une exclusion temporaire. Les hommes en noir peuvent également demander les images si, dans le feu de l'action, ils ne sont plus sûrs du joueur à réprimander par exemple. Mais il faut toujours qu'on nous demande les images pour les transmettre. Ce n'est pas de l'arbitrage vidéo et, à terme, nous espérons encore améliorer notre offre d'images."
En 2016 se tiendront les Jeux Olympiques de Rio, point culminant de la réussite d'HandVision. "Cette aventure, c'est le plus haut niveau du bénévolat, savoure Armand Steiger. Nous sommes tous passionnés et se dire que notre travail sera reconnu aux Jeux est la plus belle des récompenses."