Perdu de vue
Rencontre avec le Barjot Denis Lathoud
Leader d’attaque des Barjots au cours des années 1990, Denis Lathoud a connu une belle et riche carrière en club et en équipe de France. Après sa retraite sportive, il a pris en charge pendant huit ans l’équipe de Dijon, l’amenant deux fois en première division. Entretien avec l’un des meilleurs joueurs que le handball français ait connu.
HandNews: Bonjour Denis, peux-tu nous parler de ton parcours en club ? Denis Lathoud: J'ai débuté le hand à l'âge de 12 ans au péage de Roussillon dans l'Isère. À 15 ans, je suis parti à Lyon en sport-études et de là, à 18 ans j'ai rejoint le club de Vénissieux qui était alors en N2. Nous avons gravi tous les échelons jusqu'à la victoire en coupe de France en 1991 puis l'année suivante nous avons fait le doublé en gagnant la coupe ainsi que la première division. Ensuite, je suis parti à Nîmes, au PSG et à Ivry.
HN: Pourquoi est-ce que tu t'es exilé à l'étranger au début des années 2000 ? DL: En 2000, j'ai eu l'opportunité de partir jouer en Italie et comme le pays m'a toujours attiré, j'ai privilégié la qualité de vie et la découverte de ce pays au côté financier et purement sportif car le niveau de jeu y est très moyen, même si nous avons quand même joué une demi-finale de coupe d'Europe avec le club de Bressanone. J'ai également eu des contacts avec l'Allemagne mais partir la bas ne m'a jamais attiré.
HN: Quel souvenir gardes tu des JO en 1992 ? DL: Les JO sont la plus belle vitrine pour un sportif. Pour un sport qui est encore dans l'ombre, tout est très médiatisé. Toutes les stars sont présentes, tu les côtoies tous les jours. Moi, j'étais comme un gosse que tu emmènes à Eurodisney pour la première fois. Repartir avec une médaille était inespéré pour nous mais maintenant on sait qu'on a posé la première pierre d'une longue histoire pour le handball français.
HN: 1995 est l'année de consécration pour les Barjots avec ce titre de champion du monde. Dis nous en plus sur le déroulement un peu particulier de ces championnats. DL: En 1995, nous partons aux mondiaux avec une étiquette d'outsider. Nous devons confirmer les résultats des JO de Barcelone en 1992 et la deuxième place au championnat du monde en Suède. La première semaine est très chaotique, on se qualifie de justesse. On se retrouve ensuite face à l'Espagne en huitième de finale. On est alors au pied du mur, soit on gagne et l'aventure continue, soit on perd et on rentre penaud à la maison. J'ai donc pris la responsabilité de faire une réunion pour savoir si on marchait tous dans le même sens ou pas, car j'étais persuadé que c'était à notre tour d'être champion du monde. Après, on connaît la suite.
HN: Un an plus tard marque la fin des Barjots, pourquoi ? DL: L'année suivante marque la fin des Barjots avec l'éviction des éléments forts comme Laurent Munier, Philippe Gardent, Thierry Perreux, Eric Quintin. De plus, on sait qu'au niveau international, les groupes sont souvent remaniés au moment des olympiades, donc tous les quatre ans. On a donc conscience que soit on gagne une médaille à Atlanta et on a des chances de rester en équipe de France, soit on perd et on part. C'est ce qui est arrivé avec une quatrième place qui a marqué la fin des trentenaires en équipe de France. Daniel Costantini a alors décidé de repartir avec une équipe rajeunie pour préparer Sydney.
Nous avons été les premiers en France à être champion du monde dans un sport collectif
HN: Quel bilan dresses tu de ton parcours en équipe de France ? DL: Un bilan plus que positif car passer de la 25e nation du monde à la première en cinq ans c'est une ascension extraordinaire. De plus, on a fait découvrir le hand en France et surtout on a démontré que la France pouvait gagner de grandes compétitions et qu'il faudrait désormais compter avec elle pour jouer les premiers rôles au plus haut niveau. Nous avons été les premiers en France à être champion du monde dans un sport collectif.
HN: As-tu un regret dans ta carrière ? DL: Oui un gros, de ne pas avoir joué une finale de coupe d'Europe. C'est la seule chose qui manque à mon palmarès.
HN: Que penses-tu de l'évolution de la LNH ? DL: C'est un championnat qui se densifie de jour en jour. Avant, il y avait deux équipes qui se battaient pour le titre, aujourd'hui elles sont six. Le championnat attire de plus en plus de stars, les salles sont de plus en plus remplies, le handball est de plus en plus médiatisé alors forcément cela tire tout le monde vers le haut et c'est tant mieux.
Un public de six à 8000 supporters, voilà peut être ce qui manque à Paris.
HN: Que manque-t-il à Paris ou Montpellier pour être au niveau de Kiel ou Barcelone ? DL: Pour Montpellier, ce n'est qu'une question de temps. Après leurs déboires, ils reconstruisent une équipe compétitive pour les années à venir. Pour Paris, cela devrait être plus rapide car ils ont le budget. Même si ce club est jeune, contrairement à Kiel, Vesprem ou Barcelone, ils peuvent très bien gagner la Ligue des Champions d'ici deux à trois ans. Les grands d’Europe ont un public de six à 8000 supporters qui poussent l'équipe à domicile, voilà peut-être ce qui manque à Paris.
HN: Tu as passé huit ans à Dijon quelle expérience en as-tu tiré ? DL: Une expérience riche avec beaucoup de pression. Soit on jouait la montée en LNH, soit on était en LNH et il fallait se battre pour ne pas descendre avec le plus petit budget (1,6 million d'euros). Alors quand on n’a pas de pétrole, il faut des idées, même si cela ne suffit plus aujourd'hui dans le sport professionnel. Qui plus est, à Dijon, c'est très compliqué d'exister car même si c'est une terre de handball avec un beau passé, il y a maintenant énormément de sports qui sont des concurrents au haut niveau comme le foot, le basket, le handball féminin, le rugby, le tennis, le hockey, la gym... Pour une ville moyenne, cela fait beaucoup.
J'ai hâte de retrouver les terrains
HN: Aujourd'hui tu es toujours à la recherche d'un club ? DL: Oui, je suis toujours à la recherche d'un club soit professionnel soit avec un projet ambitieux.
HN: Que dirais-tu à un président de club qui cherche un entraîneur d'expérience afin de le convaincre ? DL: J'ai maintenant une expérience de plus de 10 ans en tant qu'entraîneur. Que ce soit en Italie, à Vernon ou à Dijon, j'ai toujours rempli les objectifs qui m'ont été donnés. Cela fait plus de 30 ans que le handball rythme ma vie. Que ce soit en tant que joueur ou entraîneur, au niveau national ou international, je pense aujourd'hui avoir acquis au fil de ces nombreuses années une parfaite connaissance du handball. J'ai hâte de retrouver les terrains et qui sait peut-être emmener une équipe jusqu'à cette finale de coupe d'Europe qui me manque aujourd'hui.
Interview réalisée par Christophe Corion