Série US
Comment le hand veut se développer aux Etats-Unis
Peu pratiqué et méconnu des américains, le handball n’est pas encore vraiment né sur le continent nord-américain. La connaissance de l’existence même de notre sport relève du néant. Est-ce une fatalité ? Ou existe-t-il un réel potentiel pour installer le hand sur le devant de la scène ?
Le handball a pourtant tout pour séduire le public américain. Il présente en effet des caractéristiques assez proches du « sport entertainment » dont est si friand le public américain : vitesse, gestes techniques spectaculaires et dimension physique de plus en plus forte. « Nous manquons de culture handballistique aux Etats-Unis, reconnaît Michael D. Cavanaugh, le CEO de la fédération (photo ci-contre). Ce n’est pas un sport qui est pratiqué massivement dans les écoles. Il n’y a pas de filière éducative dans laquelle le handball est intégré. Beaucoup d’écoles américaines suppriment des sports de leur programme sans en ajouter de nouveaux, essentiellement pour des questions budgétaires. Il y a peu de ligues. Le pays est grand et cela représente un budget pour les clubs s’ils veulent s’affronter de manière régulière. »
Introduire le hand dans le système éducatif
L’absence de médiatisation, dans un pays où les medias ont une importance cruciale, est également un vrai handicap pour démocratiser le hand et le faire connaître au plus grand nombre. « Lorsque les américains regardent du hand, ils apprécient notre sport immédiatement et se demandent pourquoi ce n’est pas un sport plus connu aux Etats-Unis, relate le CEO de la fédération US. Mais je pourrais vous retourner la question : pourquoi le football américain et le baseball ne sont pas aussi populaires en Europe qu’aux Etats-Unis ? »
Pour le sélectionneur espagnol Javier Garcia Cuesta (photo ci-contre), qui a dirigé l’équipe masculine américaine en 1984 lors des Jeux Olympiques de Los Angeles, une deuxième fois entre 2008 et 2009 puis à nouveau depuis 2013, le réservoir de joueurs avec du vécu à haut niveau est aujourd’hui un frein majeur. « Il manque un nombre suffisant de bons joueurs qui peuvent s’entraîner régulièrement et jouer au niveau international. On manque de moyens financiers pour mettre en place notre programme. Pour avoir un renouvellement continu de joueurs, il est très important d’introduire le handball dans le système éducatif américain. Pour le moment, il en est complètement absent. »
Le système éducatif et universitaire constitue certainement le cœur du développement du hand aux Etats-Unis. C’est en son sein que le jeu à sept peut prendre son envol et former ainsi une génération entière. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, d’autant plus que le maillage du territoire demande temps et investissement. « De plus en plus d’écoles proposent le handball dans leur programme mais elles ne sont pas affiliées à la Team Handball (NDLR : la fédération américaine). Il y en a environ 600 actives » poursuit Michael D. Cavanaugh. Selon Javier Garcia Cuesta, l’université est la clé de voûte du développement du hand, d’autant plus que le sport y a une place bien plus forte qu’en France. « Cela permettra d’avoir un budget dédié, d’être présent dans les départements athlétiques et de pouvoir attribuer des bourses aux étudiants. Les joueurs pourront suivre leurs études en parallèle et sortir avec un diplôme universitaire. »
Certaines universités américaines commencent déjà à s’intéresser à ce nouveau sport, notamment l’UNC, l’UCLA ou encore l’United States Military Academy. Un signe que le jeu à sept étend progressivement son influence. Ces écoles et académies ont constitué des équipes qui s’affrontent dans un championnat national (« Club National Championships and Collegiate National Championships »). Il existe une compétition masculine et une autre réservée aux féminines. « Cette année, il y avait 13 équipes masculines et 4 équipes féminines en compétition », indique le CEO de la fédération.
Auburn, épicentre du hand US
Une ville cristallise tous les espoirs d’expansion du handball aux Etats-Unis. Il s’agit d’Auburn, situé dans l’Alabama (sud-est). Depuis 2013, la fédération américaine a mis en place un programme en collaboration avec l’université d’Auburn. Avec près de 25.000 étudiants, il s’agit de l’une des plus importantes de l’Alabama. Elle est notamment connue pour former de futurs nageurs de haut niveau. « Nous avons un groupe de joueurs masculins et un autre de féminines qui s’entraîne tous les jours et qui dispute des compétitions tous les 3-4 mois, explique Javier Garcia Cuesta. Ce sont des rencontres amicales ou officielles organisées par la fédération panaméricaine. Les conditions d’entraînement y sont excellentes. »
Les évènements se sont accélérés le 25 septembre dernier lorsque le comité olympique américain a désigné l’université d’Auburn comme site officiel d’entraînement olympique pour la Team Handball. « Nos sélections masculine et féminine peuvent bénéficier d’horaires adaptés et profiter d’excellentes conditions d’entraînement, se réjouit Michael D. Cavanaugh. Tout y est très professionnel. Nous avons notamment accès à un excellent encadrement médical. » Un programme va être lancé pour recruter de nouveaux athlètes, qui constitueront peut être l’avenir du handball US. « In fine, nous souhaitons développer les clubs dans l’état de l’Alabama et la vaste Conférence du Sud-Est qui propose des programmes puissants dans beaucoup d’autres sports, confie le CEO de la Team Handball. L’IHF soutient ce programme de développement. »
Un financement essentiellement privé
L’aide de la fédération internationale est d’ailleurs la bienvenue pour contribuer au développement de la petite balle pégueuse outre-Atlantique. Le budget de la fédération est tributaire quasi exclusivement du sponsoring privé, contrairement à la situation de nombreux clubs français qui bénéficient de subventions publiques. « La fédération reçoit une aide très réduite du comité olympique, regrette Javier Garcia Cuesta. Le reste provient de sponsors et de donations. Aux Etats-Unis, il n’y a pas d’aide du gouvernement fédéral pour le sport. Tout est privé. » Michael D. Cavanaugh confie quant à lui que les réseaux des dirigeants sont essentiels pour débloquer des fonds et pouvoir avancer sur le chemin de la médiatisation et du développement. « Le président de la Team Handball, le Dr Harvey Schiller, est très connu et un leader respecté dans le monde sportif américain. Il nous aide beaucoup à trouver des nouveaux sponsors. Heureusement car nous ne recevons pas d’aide du gouvernement. Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens à disposition. »
Sur bien des aspects, la place du handball aux Etats-Unis rappelle celle réservée dans d’autres pays en développement. La première puissance mondiale n’en est qu’aux prémices de l’exploration d’un sport qui plait à ceux qui le découvrent mais reste cantonné à quelques milliers de personnes. Pourtant, la sélection américaine tente de se faire une place sur le continent américain. Avec les moyens du bord mais non sans ambition.
Découvrez demain dans la 3ème partie de notre exploration du handball américain comment est organisée la sélection US et les espoirs placés en elle pour faire connaître ce sport aux Etats-Unis.
La première partie sur la découverte du handball aux Etats-Unis
Olivier Poignard