EdF (M)
Plongée dans la fournaise polonaise
Il ne reste plus qu'un match pour l'équipe de France avant d'accéder au tour principal du championnat d'Europe, pour lequel elle est déjà qualifiée. Mais cette dernière marche, face à une Pologne poussée par 15.000 supporters, sera de loin la plus haute à monter.
Soyons francs et directs. La Pologne n'a pas impressionné depuis le début de son championnat d'Europe. Passée par la petite porte face à la Serbie (29-28), elle a encore une fois frôlé la correctionnelle dimanche, face à la Macédoine. Menée en première période, avant de creuser le trou en seconde, elle s'est emmêlée les pinceaux sur la fin avant de manquer de se prendre les pieds dans le tapis. Heureusement pour elle, Kiril Lazarov n'a pas exploité la balle d'égalisation et la TAURON Arena a pu exulter. Cette salle, toute drapée de rouge et blanc, avec 15 000 spectateurs debout et s'époumonant pendant soixante minutes constitue sans doute la meilleure arme polonaise pour battre la France demain. Mais cette attente et cette ferveur semblent pour l'instant pousser les hôtes à déjouer. "Jouer devant 15 000 supporters, cela peut être fabuleux, mais il y a aussi la peur de les décevoir en permanence" analyse Claude Onesta. "Pour l'instant, ils subissent l'environnement, mais pour moi ils valent mieux que ce qu'ils ont montré. Quand ils vont gagner en confiance, qu'ils seront plus solides car moins perturbé par l'extérieur, ils vont devenir plus efficaces."
Une équipe plombée par une absence de vrai demi-centre
Même en manque de confiance, cette équipe de Pologne reste redoutable. Il suffit de regarder ses récents résultats dans les compétitions majeures. Troisième au Mondial qatari en janvier dernier, sixième à l'Euro danois de 2014, bronzée en 2009 et argentée en 2007 en Allemagne, le tout avec une sélection qui n'a pas trop bougé depuis. Cinq joueurs finalistes du Mondial allemand il y a neuf ans sont encore de l'aventure cette année, dans une équipe qui compte ses blessés majeurs (les trois demi-centres titulaires Jaszka, Tkaczyk et Jurkiewicz) et qui impressionne surtout par sa densité physique. "C'est un groupe bien équilibré, avec des joueurs capables de bombarder de loin, Jurecki, Bielecki, Lijewski...Ils ont pris de l'expérience dans les meilleurs clubs européens et sont souvent sur le devant de la scène" analyse le sélectionneur, avant de s'attarder sur le facteur Slawomir Szmal, véritable baromètre de la sélection polonaise. "Quand Szmal souffre, son équipe est en difficulté, quand il est à son meilleur niveau, la Pologne redevient une équipe dynamique. Ils ont tout ce qu'il faut, y compris un public bruyant et remuant, pour nous enquiquiner".
Onesta : "Les Polonais ne peuvent pas dire qu'ils sont outsiders"
L'enjeu de ce match ? Deux points, qui permettraient au vainqueur de faire un grand pas vers les demi-finales, d'autant plus que les équipes du groupe B, qui croiseront avec celui de la France au tour principal, s'appliquent à se neutraliser. Et dans ce duel au sommet, tous les acteurs se renvoient le statut de favori, comme si il était définitivement trop lourd à porter. L'avis de Michaël Guigou est en tout cas tranché : "Quand tu vois la liste des blessés qu'ils ont et leurs difficultés sur le premier match, ils ne sont sans doute pas aussi favoris qu'ils ne l'étaient il y a quelques mois. Le fait de ne pas être favori, de ne pas avoir trop de pression en ayant assuré au moins de deux points pour le second peut les rendre encore plus dangereux". Si pour l'ailier montpelliérain, les Français ont la faveur des pronostics, pour Claude Onesta, la situation est toute autre : "Quand on est les Polonais, troisièmes du dernier Mondial, qu'on joue à domicile, devant 15 000 personnes, avec la qualification pour Rio en jeu, on ne peut pas dire qu'on est outsiders !"
La Pologne vue par François-Xavier Houlet :
"Par deux fois, les Polonais s'en sortent bien, puisque la Serbie et la Macédoine ont eu le ballon pour égaliser face à eux. L'environnement est favorable mais très pesant. Ils veulent enfin fêter un titre, c'est une équipe qui a souvent été placée par le passé sans jamais être gagnante. La trajectoire est bonne, l'an passé, la troisième place au Qatar est une vraie troisième place, acquise face à l'Espagne en prolongations, ce n'est pas une médaille au rabais. Tout est normalement favorable mais en terme de jeu, c'est extrêmement décevant. Il y a beaucoup d'absences sur le poste de demi-centre et Michal Jurecki n'est pas dans ce rôle, ce qui fait que les Polonais évoluent avec une base arrière composée d'arrières de métier. C'est un jeu très lourd, qui a l'avantage de peser physiquement sur l'adversaire, mais en terme de jeu c'est plus réduit que prévu. Par contre, ils ont un pivot qui grimpe et dur à jouer, des ailiers qu'on n'attendait pas forcément. Sur les deux matchs qu'on a vu, il y a une impression générale de doute, mais paradoxalement jouer la France maintenant est le match parfait pour les Polonais".
La Pologne vue par Magda Pluszewska, journaliste polonaise :
"Quand on parle de l'équipe de Pologne, il faut séparer deux aspects, le technique et le mental. Le premier laisse beaucoup à désirer, surtout dans le secteur défensif, qui avait pour habitude d'être le point fort. Quelque chose ne fonctionne pas. Il n'y a pas de pression, pas d’agressivité sur les arrières adverses, aucun joueur ne vient aider celui à côté de lui. Face à la Serbie, une situation dans laquelle Petar Nenadic marque sept buts dans un fauteuil n'est pas acceptable. Offensivement, certains joueurs ont peur de prendre leur responsabilité et le poids du match repose sur les garçons les plus expérimentés, Bielecki, Jurecki et Lijewski. Heureusement, l'équipe est très forte mentalement. C'est la raison pour laquelle, après avoir galéré pendant cent-vingt minutes, elle se retrouve quand même avec deux victoires. Les joueurs ont été capables de rester calmes mais quand ils étaient menés et de revenir dans les matchs petit à petit. Après le dernier match face à la Macédoine, Krzysztof Lijewski a dit : "Nous sommes notre plus grand adversaire", et je pense qu'il a raison. Il faut qu'on trouve la bonne carburation pour montrer que nous n'avons pas que du caractère, mais aussi de la qualité technique. Si nous y arrivons, nous pourrons battre tout le monde, même la France".
A Cracovie, Kevin Domas