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Finlande

Thomas Hivert, coach français dans le grand froid

, par Dalibor

dicken

Depuis six ans, Thomas Hivert a quitté sa Savoie pour s'installer en Finlande. Entraîneur français, il a décidé de s'exiler là-haut pour suivre sa copine mais également pour s'embarquer dans un drôle de défi : contribuer au développement du handball au pays du Père Noël. Entretien fleuve sur la situation de la balle pégueuse en Finlande, maltraitée par le floorball et à l'avenir pas forcément radieux.

Handnews : Salut Thomas ! D'abord, comment as-tu fait pour te retrouver en Finlande ?

Thomas Hivert : Il y a six ans, j'ai décidé de rejoindre ma copine en Finlande. On s'est d'abord installé à Turku, à l'ouest du pays où j'ai entraîné des -20 ans garçons. Puis, par la suite, j'ai pris les commandes des séniors filles et enfin les hommes, avec l'ÅIFK Turku. Depuis trois ans maintenant, on s'est installé à Helsinki. J'ai pris une année sabbatique puis j'ai entraîné les -20 ans garçons avec le club de Dicken. On a terminé champions de Finlande puis j'ai été nommé entraîneur de l'équipe féminine sénior, en première division du pays début 2015. La saison dernière, on a terminé premiers.

HN : Et avant d'aller là-bas, comment as-tu commencé le hand ?

T.H. : J'ai été formé à Pontivy puis je suis allé à Chambéry. Je m'entraînais avec les -18 France même si je jouais plutôt en championnat régional. Et puis, au fur et à mesure, je me suis tourné vers le coaching. Le secteur amateur avec les séniors 4 puis 3, puis les jeunes. J'ai entraîné les -12 du CSH avec notamment un certain Melvyn Richardson. Puis j'ai coaché à plus haut niveau, les -18 France avec Guillaume Joli qui est un bon ami. J’étais également proche de plusieurs joueurs de la D1 et du coup, encore aujourd'hui, je suis de près les performances de Chambéry même si l’effectif a beaucoup changé.

hivertHN : Pour revenir à la Finlande, malgré votre titre de la saison dernière, vous avez décidé de ne pas jouer la coupe d'Europe...

T.H. : Non, on a décidé de ne pas déposer notre dossier car on pense ne pas avoir le niveau pour jouer l’EHF cup. Du coup, c'est l'HIFK qui représentera la Finlande en Challenge Cup. Mais, au vu de leur tirage (ndlr : Rocasa Gran Canaria), on ne regrette pas trop de ne pas s'être engagés car la coupe d'Europe coûte très cher et, en l'occurrence là, HIFK est tombé sur un gros morceau.

HN : Comment se passe ta vie d'entraîneur à Dicken?

T.H. : Personnellement, je travaille à temps plein car je m'occupe aussi d’une sorte de pôle espoir de l'académie des sports d'Helsinki le matin, puis de l’équipe nationale masculine -16 ans. A Dicken, les filles s’entraînent trois soirs par semaine pendant 1h30 auxquelles viennent s’ajouter deux séances de musculation et un spinning. J'ai un groupe d’environ 20 joueuses. Le handball finlandais est un petit univers, il n'y a que 4000 licenciés donc on travaille tous ensemble. Je travaille beaucoup avec Björn Monnberg, l'entraîneur masculin de Dicken et ancien joueur de Wetzlar.

HN : Depuis que tu es installé en Finlande, as-tu remarqué une progression dans le développement du handball?

T.H. : Le handball en Finlande n'est quasiment pratiqué que par les suédophones. La communauté suédoise ne représente que 5% de la population finlandaise, ce qui réduit donc les possibilités de développement en terme de nombres de licencies. Les parents d'enfants d'origine finlandaise hésitent un peu à inscrire leur enfant au handball... Du coup, même si ça n'est qu'une des raisons pour lesquelles le handball ici se développe très lentement, je ne sais pas si cet aspect va vraiment changer à un moment. Aujourd'hui, il y a 4 divisions en hommes et 3 chez les femmes plus les compétitions jeunes et loisirs.

HN : Mais si les Finlandais ne jouent pas au handball, à quoi jouent-ils?floorball

T.H : Les Finlandais préfèrent jouer au hockey sur glace, au foot ou au floorball (voir ci-contre). Tiens, par exemple, on s'écharpe souvent avec les clubs de floorball, un sport qui se joue aussi dans un gymnase. Eux râlent car on laisse de la résine et nous, nous râlons car ils nettoient tellement le sol qu'on glisse beaucoup trop dessus. C'est une guéguerre finlandaise ça ! Autre soucis qu'on rencontre régulièrement : la taille des terrains. La moitié des clubs ont des terrains trop petits ! Un terrain, c'est 40x20m normalement. Régulièrement, on doit jouer sur des 38x19 par exemple...

HN : Comment se déroule le championnat féminin dans lequel tu évolues avec Dicken ?

T.H. : Il y a huit clubs en première division. Tous sont autour d'Helsinki sauf le club de Turku. BK 46 est à Raseborg, à une heure de route. SIF est à 45 minutes et après, tout est plus proche. Le niveau D1 correspond je pense à la N1 française.  On rencontre chaque équipe deux fois puis on a des play-offs. Au final, on joue entre 26 et 30 matchs par saison. Le championnat débute en septembre et termine fin avril.

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HN : Cocks, un club finlandais masculin, commence cependant à sortir du bois avec, encore cette année, un beau tournoi de qualification en Ligue des Champions (défaite 25-28 contre Velenje en demie, victoire contre Differdange 30-25 pour la petite finale). Pourquoi?

T.H. : Car ils ont un gros sponsor, Viita, qui met les sous pour faire avancer le club. Depuis qu'ils ont investi dans Cocks, ils ont recruté beaucoup d'étrangers, des Russes, des Biélorusses, des Moldaves et un Portugais. Et les résultats commencent à arriver, ils ont même gagné la dernière Baltic Handball League.

HN : Tu ne vois donc pas vraiment comment le handball pourrait décoller en Finlande?

T.H. : Je crois que, comme dans beaucoup de pays, pour qu'un sport décolle, il faut avoir des résultats. Leo Pekka Tahti, par exemple, a remporté l'or au 100 mètres aux Jeux Paralympiques. Hé bien, après cette victoire, tout le monde ne parlait que de lui, c'était une vraie star en Finlande ! Pareil pour Mira Potkonen, la seule athlète finlandaise a avoir eu une médaille aux JO, le bronze en boxe poids léger. Les Finlandais ont un côté très chauvin donc, comme le handball n'a pas de résultat et les équipes nationales peu performantes, ils n'en parlent pas ou peu ! Au final c’est un peu un cercle vicieux, il nous faudrait plus de licenciés pour agrandir la base de la pyramide mais cela ne sera possible que si l’on obtient des résultats avec les équipes nationales. Pour moi, l'exemple, ce sont les Pays-Bas. Il y a quelques années, les Néerlandaises au handball, ce n’était pas la folie et regardez où elles en sont aujourd'hui !  L'Islande est un bon exemple aussi, comme la Finlande, c'est un pays peu peuplé mais avec un très bon niveau de handball. Je reste persuadé qu'il y aurait quelque chose à faire ici surtout que les finlandais aiment le hockey sur glace qui est aussi un sport de contact joué sur un petit terrain ... Après, c'est peut-être plus haut que ça coince aussi, je ne sais pas. Par exemple, dix de mes joueuses sont en équipe nationale et on ne me consulte pas à ce sujet. En fait, l'avenir du handball finlandais, je ne sais pas trop quelle tête il aura.

HN : Revenons aux bonnes nouvelles. Champion l'an passé, quels sont tes objectifs avec Dicken cette saison ?

T.H. : Garder notre titre ! L'an dernier, nous avions perdu un match donc l'objectif est de tout gagner cette année. Et puis, on doit remporter la Coupe de Finlande car nous n'y étions pas parvenus la saison passée.

dickennHN : Et ton équipe, comment la sens-tu cette saison?

T.H. : Beaucoup sont étudiantes, mes joueuses ont entre 18 et 27 ans avec une moyenne d’âge de 23 ans. Au delà des résultats, un de mes objectifs, quand même, est que lorsqu'une fille semble avoir du potentiel, j'essaye de l'emmener vers son meilleur niveau en Finlande pour éventuellement lui suggérer d'aller jouer à l'étranger après. J’ai la chance d'avoir un collectif homogène et de qualité, avec des joueuses qui en veulent toujours plus. Nous sommes seul leader en ce moment après 4 matchs joués.

HN : Et au jour le jour, la vie en Finlande, c'est comment ?

T.H. : Je me débrouille bien en finnois et le froid, au final, on s'y fait même si l'hiver est long ! Mais là encore, je rebondis sur ce que je disais tout à l'heure : puisque toutes mes joueuses sont d'origine suédoise, je parle anglais avec elles et non finnois. Sinon, les gens sont assez solitaires ici, chacun a sa vie. Les Finlandais sont très famille également. En moyenne, je rentre un noël sur deux en France. J’ai encore deux ans de contrat ici, mais c'est frustrant de voir que, professionnellement, le handball n'avance pas en Finlande.

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