PHL
Gütschow: "Rendre le handball meilleur"
Lors de l'EURO, l'annonce du lancement du projet Premier League Handball (PHL) a beaucoup fait parler. Cet ambitieux projet ayant la volonté de créer à terme une ligue mondiale sur le modèle de la NBA, il soulève énormément de questions par rapport à la situation actuelle du handball en Europe. Handnews vous propose la traduction d'une interview de l'un des créateurs de la PHL, l'allemand Wolfgang Gütschow, réalisée par nos confrères d'handball-world.com.
Même si le lancement n'est pas prévu avant la saison 2018/19, la Premier League Handball a immédiatement provoqué des remous dans le monde du handball après que le concept ait été publié dans le journal économique allemand Handelsblatt...
Wolfgang Gütschow: Ce tumulte a été un peu surprenant pour nous. L'allocation de premières licences a été immédiatement l'objet d'un débat houleux, même si il n'y avait pas encore d'invitations officielles envoyées. L'intérêt est énorme. L'entrepreneur danois Jesper Nielsen vient de m'informer qu'il est prêt à ressusciter l'AG Copenhague spécifiquement pour la PHL. Et il y a aussi du mouvement du côté de Hambourg pour relancer une équipe là-bas.
Le concept semble être déjà assez solide, une ligue avec seulement douze équipes de très haut niveau, de préférence de grandes villes ou de régions métropolitaines, avec uniquement une phase de matchs aller et des play offs à la fin de la saison.
Wolfgang Gütschow: Si on regarde actuellement le peu d'équipes de très haut niveau, douze est un nombre réaliste. S'il y a d'autres équipes qui remplissent les conditions, nous ne bloquerons pas une extension du nombre de licences. Tout d'abord, nous devons nous assurer que le calendrier de la PHL s'adapte au calendrier international. Euro, championnats du Monde, Jeux Olympiques et surtout les championnats nationaux ne doivent pas être dévalorisées par ce concept. Bien sûr, les clubs pourront toujours participer à leurs championnats nationaux.
Qu'est ce qui va différencier la Premier League Handball de l'EHF Champions League ?
Wolfgang Gütschow: La PHL va déplacer le handball des provinces vers les meilleurs salles des régions métropolitaines. Chaque match sera un événement, se rapprochant de l'esprit du Final4 à Cologne. Nous prévoyons également de réduire la fatigue due au calendrier en étalant la saison de février à décembre, avec une pause et des transferts en été. Sportivement et d'un point de vue marketing, cela n'a pas de sens de faire se battre les équipes pour les titres nationaux et internationaux simultanément au mois de mai.
Ce genre d'événements ne peut cependant pas être organisés par beaucoup de clubs...
Wolfgang Gütschow: Avec tout mon respect - vous ne pouvez pas diriger, et encore moins marketer un produit premium avec des matchs ayant lieu dans des clubs portant le nom de villes de province. La Ligue des Champions est certainement bien organisée, sympathique et familière mais elle continue à être déficitaire pour la plupart des clubs. Flensburg a joué en face de 300 spectateurs à Istanbul et certains clubs donnent même des tickets gratuitement pour leurs matchs. Par rapport aux produits haut de gamme d'autres sports, la Ligue des Champions est un désastre économique.
Il y a eu des rumeurs évoquant des règles de jeu différentes pour la PHL...
Wolfgang Gütschow: Nous n'allons certainement pas réinventer le handball. Mais puisque la PHL ne sera pas régie par un organisme international, il existe de nombreuses options. La réglementation actuellement est tellement compliqué, que même les joueurs et les arbitres sont quelques fois perdus. Il y a constamment des protestations ou des interprétations des règles, les matchs sont rejoués et les arbitres accusés de truquer des matches internationaux. C'est une collection des pires scénarios possibles pour n'importe quel sport.
Nous devons d'abord et avant tout effectuer une réforme des règles pour offrir moins de place à l'interprétation des arbitres et également pour rendre les règles plus transparentes pour les spectateurs et donc plus accessibles pour une nouvelle clientèle.
Comment cela se ferait techniquement?
Wolfgang Gütschow: Un bon exemple serait l'horloge de tir, car ce n'est pas juste que ce soient les arbitres qui décident de la durée d'une attaque il peut ne pas être juste que les arbitres jugent le laps de temps d'une attaque en fonction de la température dans les poches de leurs shorts (sic).
Nous avons besoin de minimiser la marge d'erreur. La règle des deux minutes doit également être revue. Pour les temps mort, nous avons besoin de buzzers sur la table de marque et certainement pas d'un coup de sifflet d'un arbitre dont ce n'est pas le rôle. Nous devons exclure des situations comme les buts fantômes, les buts à la dernière seconde ou les mauvais changements grâce à l'introduction de la technologie, qui est une pratique courante dans d'autres sports. Et un match de handball à besoin d'un vainqueur, ce qui signifie que le but en or sera mis en place.
En tant que ligue indépendante, vous ne serez pas en mesure d'utiliser les arbitres de l'EHF et de l'IHF...
Wolfgang Gütschow: Nous verrons cela. La PHL travaillera avec des arbitres professionnels et il n'y aura pas de limite d'âge inutile, excluant les arbitres qui sont encore au sommet de leur art. Recruter 40 arbitres sera sûrement l'un de nos tâches les plus faciles.
Concernant l'Allemagne, combien d'équipes de Bundesliga prévoyez-vous d'inviter ?
Wolfgang Gütschow: On ne va pas commencer une discussion sur le nombre d'équipes allemandes . La PHL est une ligue cosmopolite. Que l'équipe soit danoise, allemande, française ou des Emirats est sans intérêt. Nous voyons plutôt les choses comme des Renards, des Ours, des Faucons ou des Zèbres.
Cela signifie que le THW Kiel et les Füchse Berlin sont déjà intégrés au projet ?
Wolfgang Gütschow: Pour l'instant, personne n'est intégré, les clubs doivent d'abord entamer leur processus de décision. Un club comme Kiel doit décider si il a l'intention de continuer à positionner sa marque prestigieuse dans le giron conservateur de l'EHF ou dans la configuration moderne d'une ligue mondiale inspirée de la NBA. Pour un club aussi prestigieux que le THW, c'est une décision qui exige la plus grande diligence.
Donc, en théorie, la décision est plus facile pour un club comme Berlin qui représente une capitale ?
Wolfgang Gütschow: Généralement oui, même si la vraie question est de savoir s'il est possible de faire fonctionner une équipe de très haut niveau dans une ville métropolitaine qui joue ses matches contre des équipes provinciales. À notre avis, la réponse est non, comme l'a montré Hambourg. En jouant dans une ligue mondiale, les chances d'accéder à des investisseurs pour une équipe dans une ville métropolitaine sont d'un tout autre niveau. L'attrait financier de la PHL pour chaque club réside dans les options de marketing au niveau individuel.
Donc, vous dites que le HSV Handball aurait pu être sauvé si la PHL existait déjà...
Wolfgang Gütschow: Sans l'ombre d'un doute. Imaginez les "Hamburg Captains" participant à une ligue mondiale. Hambourg la Cosmopolite, porte vers le monde, une ville ouverte et tolérante - comment ne pas mourir d'envie d'y installe run projet sportif international ?
Il y a une règle qui s'applique à Hambourg: toute personne qui n'offre pas du haut de gamme échouera. Hambourg aurait réussi avec une combinaison de l'attitude hanséatique terre à terre et le désir de voir le monde. Capitaines et commerçants ne sont pas intéressés à voyager dans les provinces, ils aspirent à visiter Hong Kong et Shanghai. Je suis convaincu qu'Andreas Rudolph n'aurait pas perdu son intérêt pour le HSV Handball s'il avait eu d'autres entrepreneurs d'un niveau similaire à ses côtés.
Et si le Bayern Munich vous appelle?
Wolfgang Gütschow: Nous serions ravis. Les prédispositions sportives, logistiques et économiques sont les facteurs décisifs. Notre but ultime est de rassembler 24 équipes.
Une ville comme Vienne est idéale aussi, puisque Dagur Sigurdsson a réveillé handball autrichien lors de son passage en tant que sélectionneur. Les Pays-Bas sont vice-champions du monde chez les femmes. Pourquoi Amsterdam ne pourrait pas être un emplacement pour une nouvelle équipe masculine? Ou Prague, Saint-Pétersbourg ou encore Reykjavik ? Kadetten Schaffhausen pourrait jouer en PHL en tant que "Swiss Cadets", Flensburg pourrait créer une association avec un club danois. Notre credo est: "tout est permis, rien n'est coulé dans le béton".
Quels sont les plans pour une expansion hors de l'Europe ?
Wolfgang Gütschow: Nous avons des demandes du Proche-Orient, et pas seulement du Qatar. Mais nous devons commencer par faire quelque chose de solide au sein de l'Europe avant de viser plus grand. Mais il y a une option pour avoir une équipe arabe dans la première formule.
La PHL vise à remplacer l'impopulaire Ligue des Champions comme un produit haut de gamme. On imagine que l'état major de l'EHF à Vienne n'est pas ravi...
Wolfgang Gütschow: Difficile à dire. J'ai écrit une lettre très franche et ouverte au secrétaire général de l'EHF à propos du projet. Je pense que c'est la bonne chose à faire quand vous vous connaissez depuis presque 25 ans. Des opinions divergentes ne doivent pas conduire à des animosités. Mais il a refusé mon invitation à une réunion d'information, ce que je trouve regrettable, mais compréhensible à l'égard de ses ambitions politico-sportives.
La rumeur court que vous avez débauché l'employé le plus important du département marketing de l'EHF, en la personne de son directeur Peter Vargo...
Wolfgang Gütschow:Peter Vargo a été le cœur et l'âme du Final4 de Cologne depuis de nombreuses années. Un projet tel que la PHL ne peut être mis en place sans des gens très compétents. La politique de notre recrutement de ressources humaines est de s'adjoindre les services des personnes les plus compétentes dans le monde du handball.Il y aura une coopération avec EHF finalement? Bob Hanning a essayé d'entamer des pourparlers apparemment.
Wolfgang Gütschow: C'est très peu possible, puisque nous ne sommes pas sous la gouvernance de l'EHF. La PHL est prévu comme une ligue mondiale et sera donc de la responsabilité de l'IHF.
Donc des pourparlers avec IHF sont à l'ordre du jour?
Wolfgang Gütschow: Eh bien, peut-être. Puisque l'IHF n'organise pas de compétition internationale de clubs, la PHL pourrait combler ce vide. Politiquement cette situation est excitante, puisqu'une ligue mondiale tolérée par l'IHF remettrait en question le monopole de l'EHF concernant sa capacité à organiser des compétitions de clubs à travers l'Europe. Mais ce n'est pas à nous de décider, nous sommes indépendants et apolitiques.
Avez-vous peur d'un conflit avec la Fédération Internationale de Handball ?
Wolfgang Gütschow: Nous agissons ouvertement et sans activités conspiratives. Notre philosophie est une coexistence pacifique. Nous avons vraiment les mêmes objectifs - rendre le handball meilleur. Dr Hassan Mustafa a l'intention de le faire à travers la politique sportive tandis que nous avons plutôt une visée économique.
Les sanctions sont une possibilité, comme des disqualifications de certaines compétitions (Mondial, Euro et les Jeux Olympiques) pour les joueurs qui participent à la PHL...
Wolfgang Gütschow: Si les fédérations veulent défendre leurs positions monopolistes archaïques, nous aurons comme crédo de répondre à leurs attaques avec une passivité nonchalante. La disqualification des joueurs finirait par rendre le handball international inintéressant.
Un sport qui exclut ses meilleurs joueurs des grands événements ne restera pas olympique très longtemps. Le handball est un des sports en voie de disparition de toute façon. Afin de rester olympique, nous devons développer le handball comme un sport mondial sur tous les continents. C'est précisément ce que vise la PHL.
Qui sont les investisseurs derrière la PHL ?
Wolfgang Gütschow: Il est beaucoup trop de spéculation inutile. Nous avons déjà sécurisé l'exploitation de la publicité et des droits TV, nous disposons d'une garantie et de la possibilité d'un rachat de ces éléments. Le financement de la structure de jeu n'est donc pas un problème. Afin de réaliser le projet, nous avons surtout besoin de savoir-faire,de beaucoup de courage, d'instinct et de chance.
Les clubs sont-ils impliqués dans la phase de préparation ?
Wolfgang Gütschow: Bien sûr, le projet Premier Handball League ne serait rien sans le partenariat des clubs. Nous avons beaucoup de discussions avec les représentants des clubs et nous avons eu des promesses. Nous travaillons maintenant à intégrer leurs besoins dans notre business model. Nous ne ferons pas l'erreur de prendre des décisions sans tenir compte des points de vue des clubs. Après tout, les clubs sont au cœur de ce sport.
En parlant du cœur du sport, une telle ligue avec un modèle de franchises à l'américaine ne risque t'elle pas d'endommager les racines du sport ? La commission européenne pourrait également être un problème étant donné que les structures inspirées de la NBA ne sont pas vraiment applicables en Europe.
Wolfgang Gütschow: Vous pouvez utiliser les idées américaines de manière européanisée, sans les priver de leur essence libérale. La PHL ne sera pas seulement une question d'argent où "Le gagnant prend tout !" mais sera aussi synonyme de projets internationaux pour les jeunes et de promotion mondiale d'un sport essentiellement européen.
La PHL a pour but de montrer le meilleur handball joué en Europe dans le monde entier, dix mois dans l'année, multipliant ainsi le nombre de personnes qui jouent au handball. Ce serait un scénario horrifiant pour moi comme simple passionné de handball, si la politique européenne tentait d'éviter cela.
La PHL est vue comme étant la NBA de handball. Est-ce une exagération ?
Wolfgang Gütschow: Non, la NBA est synonyme de jeu, de plaisir et de spectacle. Les matchs de Premier League doivent être des événements. Avec tout le respect que j'ai pour les petits clubs, comment voulez-vous transformer un match contre Eisenach ou Baia Mare en un événement à Hambourg ? Le handball est populaire dans presque toute l'Europe, mais le niveau de performance laisse beaucoup à désirer dans de nombreux pays.
Moscou n'a pas de réels concurrents nationaux, Barcelone et Paris subissent le même sort. Veszprem et Kielce dominent en Hongrie et en Pologne. Nous devons rassembler ces équipes avec les meilleurs clubs allemands, en incluant la Scandinavie et les Balkans. Nous combinons tout cela avec l'art, la culture et les caractéristiques nationales, une ambiance attrayante, de la nourriture et des boissons. Et cela nous donne notre Handball-NBA multiculturelle en Europe, regardée par le monde entier.
Qu'advient-il de petits clubs qui ne sont pas adaptés pour l'organisation de ce genre de spectacle?
Wolfgang Gütschow: Ils ne perdent pas tout. Une ligue européenne, le championnat nationale et le derby local seront toujours présent, en particulier parce que les participants à la PHL continueront à jouer dans leurs championnats nationaux. Au foot, la Bundesliga n'a pas été entravée par le développement brillant de l'UEFA Champions League.
En quoi les clubs ont ils un vrai mot à dire dans la PHL ?
Wolfgang Gütschow: Notre business model est une GmbH & Co. KG (équivalent de la société en commandite en France ndlr) dans laquelle les clubs entrent comme actionnaires et ont donc leur mot à dire sur la commercialisation de leurs licences qui sera quelque chose de très précieux à l'avenir. Le système de Franchise donnera aux clubs beaucoup d'opportunités mettre en place des idées créatives de business. Une ligue moderne et des sportifs adultes ne peuvent être régis de manière impériale, pratique courante dans les fédérations.
Les critiques disent que la PHL détruira le handball...
Wolfgang Gütschow: Dans plusieurs domaines, le handball est toujours le même qu'à l'époque de Vlado Stenzel (gardien croate des années 60 puis entraîneur à succès de l'Allemagne et de la Yougoslavie dans les années 70 ndlr). En 1978, les fléchettes étaient seulement joué dans les pubs et la plupart des gens ne savaient même pas comment épeler biathlon. Aujourd'hui, ces sports ont des audiences incroyables à la télévision. De son côté, le handball est techniquement parlant, en raison du fardeau de règlements compliqués, aussi dur à digérer qu'un opéra de Richard Wagner. Pour un Handball-Gotterdammerung (Le Crépuscule des Dieux en français, dernier drame musical de Wagner qui voit l'humanité l'emporter sur les dieux et crée l'espoir d'un monde meilleur ndlr) nous avons besoin d'un mélange de Rolling Stones, de Mozart et de techno. Si nous arrivons à rajeunir l'image du handball, on pourra même le positionner aux Etats-Unis comme une marque dans quelques années.