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Privé de Ligue des Champions, la colère monte à Siófok
Comme dans de nombreux pays européens, la Fédération Hongroise de Handball a annoncé vendredi l'arrêt définitif de tous ses championnats. Mais contrairement au reste du continent, les instances hongroises ont choisi de faire de la saison 2019/2020 une année blanche. Comme si celle-ci n'avait purement et simplement pas existé. Le Siófok KC, club où évoluent les Françaises Camille Aoustin et Gnonsiane Niombla, s'estime volé.
Lorsque le 14 mars dernier, la Magyar Kézilabda Szövetség (Fédération Hongroise de Handball) annonce l'arrêt provisoire de ses activités, la situation du championnat féminin est claire : Györ est en tête, et Siófok occupe la deuxième place, deux points devant le FTC-Rail Cargo Hungaria (Ferencvaros). Ce classement a son importance puisqu'en Hongrie, les deux premiers du classement sont directement qualifiés pour la Ligue des Champions en fin de saison. Les troisième et quatrième sont, quant à eux, reversés en Coupe EHF.
"Après quelques jours d'arrêts, nous nous demandions toutes comment le championnat allait reprendre, raconte Gnonsiane Niombla, internationale tricolore. Mais, en étant deuxièmes au moment de l'arrêt de la compétition, j'étais plutôt sereine." Alors que la pandémie du Covid-19 se répand partout en Europe, la grande majorité des internationales de Siófok choisissent de rester en famille dans leur pays d'origine.
Mais le jeudi 9 avril, c'est le coup de massue. La Fédération annonce l'arrêt définitif des compétitions et, surtout, les instances hongroises expliquent que les classements pris en compte cette saison seront ceux de l'année passée. Il y a un an, FTC terminait devant Siófok. En conséquence, tous les espoirs de Ligue des Champions s'envolent pour les oranges et noires. Tout le travail de la saison est réduit à néant.
"Jeudi, Camille m'appelle avec sa tête des très mauvais jours, c'est elle qui m'a appris la mauvaise nouvelle, poursuit Niombla. Ça a été une vraie douche froide. C'est dingue quand même, c'est vraiment injuste ! Pourquoi ne pas reprendre les résultats de la saison 2004/2005, tant qu'on y est ? Toutes les valeurs du sport sont bafouées avec une telle décision. "
Au club depuis 2017, Camille Aoustin a vu l'évolution du Siófok KC (Handnews l'avait déjà interviewé en début de saison ici) : cinquième du championnat en 2018, troisième et vainqueur de la Coupe EHF en 2019, la construction d'une nouvelle salle... En trois ans, le petit club niché près du Lac Balaton a bien grandi. La Ligue des Champions la saison prochaine devait être la suite logique de l'aventure, l'aboutissement d'un premier projet mené depuis trois saisons. "La déception est immense, souffle Aoustin. On a disputé 70% du championnat (18 matchs sur 26), on a battu Györ une fois, on a fait une victoire un nul contre FTC et on se retrouve dans cette situation ? C'est unique en Europe cette décision ! C'est très dur à encaisser." Elle poursuit : "En plus, en vue de la saison prochaine, le club a engagé de nouvelles joueuses, a établi un budget pour la Champions League. La situation est très compliquée..."
A Siófok, la révolte s'organise
La décision de la Fédération Hongroise entérinée, un vent de révolte souffle depuis jeudi à Siófok : dans une vidéo postée sur Facebook, Nerea Penea parle de "huit mois de travail jetés à la poubelle" et de décision "injuste" ; Zsuzsanna Tomori, seule internationale hongroise de l'équipe, évoque une "décision incompréhensible [...]. La performance sur le terrain et nos résultats obtenus devraient être les facteurs décisifs. Je pense que nous méritons la place en Ligue des Champions car nous avons travaillé dur pour cela", a-t-elle regretté, toujours sur les réseaux sociaux. Simone Böhme va même plus loin dans les colonnes de TV2.dk : "Cette décision est démotivante car j'ai parfois la sensation que nous nous battons contre quelque chose de plus fort que nous, au-delà de nos performances sur le terrain, mais je refuse d'en parler davantage. Mais d'un autre côté, ça va nous donner une force supplémentaire pour faire encore mieux dans le futur." Depuis, l'équipe se mobilise massivement sur les réseaux sociaux pour alerter sur leur situation.
FTC en Ligue des Champions, et Siófok ?
Troisième du championnat, éliminé du tour principal de Ligue des Champions après une décevante dernière place, le FTC, club historique du pays, voit sa saison sauvée grâce à cette décision. A ce sujet, Katalin Palinger, vice-présidente de la fédération, s'est fendue d'un commentaire étonnant en conférence de presse : "Au vu des prochaines échéances de l'équipe nationale hongroise et notamment la qualification aux Jeux Olympiques 2021, il semble plus utile que les internationales jouant au FTC évoluent dans la plus prestigieuse compétition européenne l'année prochaine" tout en spécifiant que "quiconque cherche à montrer qu'une équipe a été avantagé sous couvert de la décision de la fédération a tort." Lors des derniers championnats du monde 2019, huit joueuses du FTC composaient l'équipe de Hongrie tandis qu'une seule venait de Siofok.
Face à cette situation, Bent Dahl, l'actuel entraîneur adjoint de l'équipe première et futur entraîneur principal des oranges et noires, annonce que le club réfléchit à la suite à donner à cette décision : "Ca ne se terminera pas comme ça, explique-t-il à nos confrères de stregspiller. Nous n'allons pas accepter cette décision sans rien dire. Nous discutons en interne pour voir quelle réponse nous pouvons apporter".
Pourtant, personne ne croit à un retournement de situation sur les rives du Lac Balaton. La meilleure nouvelle pourrait venir de l'EHF avec une possible wild-card en Ligue des Champions donnée à Siófok pour la saison prochaine. Mais encore faudrait-il qu'elle accepte de faire évoluer trois clubs du même pays dans sa compétition phare..."Nous avons remporté la Coupe EHF l'année passée et atteint les demi-finales cette saison avant l'arrêt provisoire de la compétition..., explique Camille Aoustin. Rejouer cette compétition la saison prochaine aurait un intérêt limité pour nous. Je n'arrive pas à croire qu'on ne puisse pas jouer en Ligue des Champions l'année prochaine... J'ai encore un petit espoir." Mais une nouvelle fois, l'avenir européen de Siófok n'est pas entre les mains de ses joueuses.
Clément Domas