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Malaise latent à Kiel
Les joueurs de Kiel essaient de travailler dans la sérénité avant de se rendre à Wetzlar ce jeudi soir (19h). Pourtant, leur club donne l'impression d'être proche de la crise de nerfs, entre l'affaire Wolff ou les critiques contre Gislason. Et ce, alors que les prochains jours seront décisifs tant en championnat qu'en Ligue des champions.
La chose n'est cachée de personne : cette saison, Kiel se veut ambitieux. Le club doit gagner le titre après deux exercices décevants. "La victoire en Coupe a assurément fait du bien au THW. Mais nous ne sommes bien sûr pas satisfaits du déroulé de la saison", disait Helmut Wünderlich, le président du conseil de surveillance de Kiel, en juin dernier. On l'imagine mal davantage satisfait du début de saison des Zèbres. La Supercup perdue aux tirs au but, passe encore. Mais les deux défaites en Bundesliga sur les cinq premiers matchs, à domicile contre Hanovre et à l'extérieur du côté de Melsungen, sont plus difficiles à digérer.
Alfred Gislason remis en cause
La première cible du mécontentement quand les résultats ne sont pas satisfaisants est forcément l'entraîneur. Alfred Gislason, en poste depuis 2008, est remis en cause depuis plusieurs mois. Le jeu proposé par son équipe est peu attrayant, ce qui provoque le mécontentement des supporters. On reprocherait aussi en interne sa gestion despotique et son caractère d'entêté, relaie le média sportif en ligne allemand Spox. Thorsten Storm, le manager du club 20 fois champion d'Allemagne, réfute ces critiques et défend son coach. "S'il n'avait pas une forte personnalité, il n'aurait pas tenu si longtemps à la tête du THW", a-t-il déclaré récemment sur le plateau de l'émission animée par Stefan Kretzschmar sur Sky. Il n'en reste pas moins que beaucoup doutent que l'Islandais de 58 ans aille au bout de son contrat, qui s'achève en 2019.
Car Kiel a besoin d'un nouveau départ pour se réformer et redevenir d'attaque face aux grands clubs européens. Dimanche en Ligue des champions, Paris n'a pas vraiment eu à s'inquiéter pour l'emporter à la Sparkassen-Arena (22-25). "Pour le moment, on doit admettre que Paris n'est pas vraiment à notre portée", reconnaissait ainsi Gislason qui, à sa décharge, n'est pas forcément responsable des 12 erreurs techniques et des nombreux tirs manqués par ses joueurs face au PSG. On est quand même obligé de repenser à ses déclarations après le Final4 de Coupe d'Allemagne remporté en mai dernier, qu'il voyait comme "un jalon important de notre progression". Kiel n'a fait depuis que du surplace, au mieux.
L'affaire Wolff dure
A côté de la situation sportive précaire de l'actuel septième de Bundesliga, une ambiance explosive entoure Andreas Wolff. Le gardien international allemand, arrivé en 2016 en provenance de Wetzlar, avait fait part de son mécontentement par rapport à son temps de jeu dans les matchs importants cet été, dans une interview accordée à la NDR. Une interview qui avait surpris tout le monde, et qui semblait indiquer que Wolff voulait tout simplement aller chercher ce temps de jeu ailleurs, au moment où les négociations pour une prolongation de contrat patinaient. Cupide, Wolff ? Le gardien, lui aussi invité sur le plateau de Kretzschmar une semaine avant Storm, ne comprend pas les critiques : "J'ai juste dit que j'étais triste de n'avoir joué que dix minutes au total lors des matchs décisifs, les 4 matchs à élimination directe de Ligue des champions", plaide-t-il.
Plusieurs éléments sont à saisir dans l'affaire Wolff. D'abord le sportif : il est venu à Kiel pour s'affirmer comme un des meilleurs portiers de la planète, et asseoir davantage son statut de joueur le plus connu de la sélection allemande. Vu sous cet angle, sa frustration est légitime. D'autre part, il y a l'extra-sportif : payé 20.000€ bruts par mois, Wolff estime devoir gagner plus. Son nouvel agent, Sasa Bratic, en est convaincu et a déjà tâté le terrain du côté de Kielce ou de Veszprém, qui lui proposeraient le double. On peut facilement imaginer que c'est Bratic qui est derrière la difficile renégociation du contrat de Wolff et son interview surprenante de juin dernier. Le personnage, qu'Andreas Wolff qualifie de "meilleur conseiller du monde", est comparé à Mino Raiola par Spox. Raiola est l'agent des footballeurs Paul Pogba, Marco Verrati ou Zlatan Ibrahimovic, célèbre pour ses jolies plus-values réussies sur les transferts de ses poulains. Bratic est aussi le conseiller d'Aron Palmarsson, parti au clash avec Veszprém cet été.
La secousse médiatique de juin a été tempérée par la trêve et la reprise de l'entraînement, où Wolff n' pas traîné les pieds, Storm disant même que son gardien s'entraîne "comme un malade". Mais lors de la défaite à Melsungen, Wolff, remplacé en cours de première mi-temps après une prestation médiocre, ne reçoit pas un regard de son coach et laisse ensuite éclater sa colère. Depuis, Niklas Landin - pas meilleur à Melsungen - a joué l'intégralité des matchs contre Leipzig et contre Paris, avec des prestations plus que correctes. La tension est forte, et l'hypothèse de voir partir Wolff dès l'été prochain, un an avant la fin de son contrat, est plus que probable. Spox affirme que Kiel en attendrait un chèque à six chiffres, et que le remplaçant est déjà trouvé : ce serait l'ancien international et actuel portier de Stuttgart Johannes Bitter (35 ans, photo), en fin de contrat en 2018 en Souabe.
Formation insuffisante et leaders absents
Au-delà de l'entraîneur et d'une affaire qui pourrit l'ambiance du club, Kiel cherche les moyens de réintégrer, à moyen terme, le cénacle des meilleures équipes européennes. Un leader est par exemple recherché sur le terrain. Parmi les joueurs majeurs au contrat à long terme, ni Patrick Wiencek, ni Niklas Landin n'ont la personnalité pour assumer ce rôle si bien tenu par le passé par des joueurs comme Stefan Lövgren ou dernièrement Filip Jicha. Domagoj Duvnjak peut l'avoir, mais le Croate est toujours en rééducation. En attendant, l'absence de personnalité forte pour remobiliser l'équipe quand ça va mal peut être une raison des défaites contre Hanovre et Melsungen.
Le THW cherche aussi à améliorer sa formation de joueurs. Le club s'est longtemps concentré surtout sur son équipe première et peu aux jeunes. Résultat : une piètre 31e place au classement des clubs allemands les plus efficaces à la formation. Un nouvelle infrastructure de formation est en train de voir le jour. "On entendra parler du THW dans ce domaine [la formation] dans les prochaines années", promet Thorsten Storm. En lançant des joueurs formés au club comme Rune Dahmke ou Sebastian Firnhaber dans le grand bain de l'équipe première récemment, Alfred Gislason n'a en tout cas pas montré de fermeture à l'idée.
Les prochains jours seront décisifs
Tout n'est pas morose chez les Zèbres : l'arrivée de Miha Zarabec est positive, le Slovène offrant des variantes au jeu de Gislason ; le futur de l'équipe première est plutôt bien assuré avec les contrats longue durée de Duvnjak, Landin et Wiencek et le retour l'été prochain du pivot formé au club Hendrik Pekeler, qui a dû quitter le THW pour enfin exploser au plus haut niveau et devenir un joueur majeur de la sélection et du champion d'Allemagne Rhein-Neckar Löwen. Mais des résultats sont attendus dès cette année. Et pour ça, il faudra bien négocier les rencontres à venir. Après le déplacement potentiellement périlleux à Wetzlar, Kiel ira dimanche à Kielce avant de recevoir Aalborg le mercredi suivant. Deux matchs de Ligue des champions pour lancer véritablement la campagne européenne des Kieler. Ensuite, le THW ira à Mannheim pour affronter les Rhein-Neckar Löwen, le dimanche 1er octobre. Un virage déjà décisif dans la saison, où on guettera bien sûr les plans de jeu de Gislason et le temps de jeu accordé à Wolff...
Mickaël Georgeault