Starligue - Saran
F. Courtial : "Du mal à retrouver notre insouciance"
Neuf défaites de suite, dont une malvenue à Massy la semaine dernière (23-25), la situation devient compliquée du côté de Saran, alors que la réception de Dunkerque se profile demain. Le moment opportun pour essayer d'analyser la situation avec Fabien Courtial.
Fabien, peut-on dire que "Saran Fou", c'est fini ?
Je ne sais pas si on peut le dire comme ça. Le terme « Saran Fou » est apparu sur cette année de Proligue où le parcours était tellement improbable, avec certains joueurs qui n'avaient jamais connu ce niveau et qui, tous les weekends, réalisaient des performances incroyables, avec une véritable insouciance. On a continué sur cette dynamique en début de saison passée, avec des joueurs qui arrivaient en prenant presque des selfies en arrivant dans les salles tout en ayant des résultats probants sur le terrain. C'était une année de découverte où on a pu combiner cette dynamique positive avec un projet de jeu à sept assez novateur. Déjà, en deuxième moitié de saison passée, la série de onze défaites a un peu tout estompé. « Saran Fou » est un terme qui n'a du sens que si on gagne. Cette année, le paradoxe est qu'on a un budget augmenté par rapport à celui de la saison passée, une équipe plus compétitive, mais l'augmentation de notre niveau de performance n'est pas aussi important qu'on pouvait l'attendre. Ce statut là est difficile à assumer pour nous.
Est-ce qu'à Saran, on ne pensait pas que cette saison serait plus simple que la précédente ?
Peut-être qu'on pensait qu'on allait avoir un statut un peu différent alors que pas du tout. Les gens qui suivent un peu le handball savent qu'on reste une petite équipe, avec le treizième budget du championnat. Mais même si la dynamique s'est un peu estompée, il faut qu'on garde cet état d'esprit d'équipe qui doit surprendre. Notre place n'est pas encore complètement légitime dans ce championnat, on reste une petite équipe. L'insouciance qu'on renvoyait la saison passée, on a du mal à la retrouver, peut-être parce qu'on a intégré dans notre effectif des joueurs plus expérimentés.
"Sans envie, on va avoir du mal à exister"
Et cet état d'esprit, cette force collective, c'est ce qui manque à Saran sur les dernières sorties...
Ce qui est paradoxal, c'est que le match de Massy arrive à un moment où on avait l'impression d'être mieux. On fait un bon match à Montpellier, à Nantes aussi, contre Saint-Raphaël, on est courageux. Les objectifs étaient de trouver une solidarité collective sur ces trois matchs et on avait l'impression d'y être. Et patatras contre Massy. Là, le match a un vrai enjeu et on n'y est pas. Face à Massy, on ne renvoie que très peu d'envie collective. Aujourd'hui, on est clairement en difficulté dans ce secteur. Et si nous, on ne dégage pas ça, on va avoir du mal à exister et à se maintenir. On ne peut pas se permettre de ne jouer que sur nos talents individuels.
Quels sont les mots que vous utilisez au quotidien pour tenter de garder tout le monde dans le même sens ?
Là est une des difficultés de notre situation. Il faut retrouver cet état d'esprit, cette convivialité tout en s'entrainant de manière qualitative. J'ai le sentiment qu'il y a un décalage entre les attentes de certains joueurs de cette équipe et le statut que je leur accorde aujourd'hui. Mais je ne leur en veux pas, je comprends que quand tu as été leader et que ton rôle évolue tout en devant garder le même état d'esprit, c'est très compliqué. Je ne sais pas si mon discours ne passe plus, mais j'ai moins l'adhésion d'un groupe. Les saisons précédentes, j'avais l'impression de pouvoir emmener mes joueurs dans plein de trucs. Cette année, je sens un groupe qui remet plus en question ce que propose le staff.
"Le début de saison nous remet les pieds sur terre"
Vu de l'extérieur, Chema Rodriguez semble occuper beaucoup d'espace, que ce soit d'un point de vue sportif ou médiatique. Cela peut-il devenir un problème ?
Lui découvre un fonctionnement qu'il ne connaissait pas. Avec tous les côtés positifs qu'il peut avoir, c'est un joueur très professionnel. Il est surpris d'entendre des discussions sur la responsabilité de chacun, pour lui, c'est l'entraineur qui décide, point. Après, il faut relativiser quant à son, ou notre, exposition médiatique, les photographes de Closer ne campent pas ni devant sa maison, ni devant la mienne. Les questions se posent plus dans le jeu, Chema a un jeu très spécifique et c'est là dessus qu'on cherche à essayer d'évoluer. Il faut qu'on trouve une alternance entre les courses et la percussion. J'essaye de faire comprendre que l'apport de ce type de joueur doit nous bonifier et le petit bémol, c'est qu'on est en difficulté sur la base arrière en ce moment.
Cette remise en question est-elle renforcée par la série négative sur laquelle Saran reste ?
On est clairement dans le dur, en grosse difficulté, notamment après la défaite à Massy. Mais j'attends de voir la suite de la saison, rien n'est jamais figé. Est-ce qu'on se dit tout ça si on perd pas à Massy ? La saison qu'on fait l'an passé occulte toutes ces questions, toutes les problématiques liées à l'évolution du club par exemple. Ce début de saison nous remet les pieds sur terre, nous rappelle qu'on n'a même pas encore pérenniser notre présence à ce niveau. L'euphorie autour de performance qu'on a connu est en train de prendre un petit coup d'arrêt. La nécessité qu'on a aujourd'hui est d'analyser tout ça en discutant avec les joueurs.
Est-ce que Saran n'arrive pas au point où il faut décider de sacrifier une partie de son identité familiale pour privilégier la performance ?
C'est une très bonne question. On peut considérer qu'on traverse une petite crise de croissance mais on n'a pas envie de tomber dans une forme de conformisme. J'ai encore l'espoir de pouvoir faire de la performance tout en ayant une entente, une convivialité forte entre les joueurs. Mais après neuf défaites, si je sentais que les joueurs étaient encore volontaires pour faire la fête, je me dirais qu'ils n'attacheraient pas grande importance à leur métier. L'arrivée de joueurs qui ont vécu autre chose, je pense, devient nécessaire car on n'avait pas un groupe assez en forme, qualitativement, pour jouer en Starligue, même si on compensait dans d'autres domaines. Tenir dans le temps sur l'envie et la créativité, c'est compliqué.
Propos recueillis par Kevin Domas