EdF (M)
Les questions qui se posent pour les bleus
Ce matin, l’équipe de France rentre à la maison, après une élimination piteuse au tour préliminaire du championnat d’Europe, une première depuis 1978. Dans moins de trois mois, les joueurs et le staff se retrouveront à Paris pour y disputer un tournoi de qualification olympique d'une importance capitale. Tour d’horizon des questions auxquelles il faudra répondre d'ici là.
Un sélectionneur secoué
Les différents dirigeants de la fédération l’ont répété à la suite de l’élimination dimanche : Didier Dinart et son staff seront sur le banc à Bercy dans trois mois. La question du maintien du sélectionneur à son poste n'était pas saugrenue, alors que le handball français vient de vivre une de ses plus grosses désillusions des quarante dernières années. Après la défaite inaugurale face au Portugal, Dinart n’hésitait pas à battre sa coulpe : “Je dois être plus incisif, plus décisionnaire, il va falloir qu’il y ait une remise en question au niveau du coaching.” Que ce soit face au Portugal ou à la Norvège, Dinart a parfois semblé subir les événements, comme lors des demi-finales perdues en 2018 et 2019. Le style pourrait être amené à changer dans les prochains mois. “On va débriefer et assumer notre part de responsabilités” assure l'ancien meilleur défenseur du monde, tandis que les joueurs réclament à demi-mot plus de vidéo ou de précision dans les schémas tactiques. Philippe Bana, le directeur technique national, assure de son côté que les différentes parties ont “deux ou trois choses à se dire.” Sans pour autant valider la théorie selon laquelle il y aurait de la friture entre Didier Dinart et une partie de son groupe : “On est dans le sport de haut niveau, sur une saison dense avec de gros objectifs, on s’engueule, c’est classique. On a besoin de se parler. A ce niveau, le diable est dans les détails, et les détails, on les a ratés.” A priori, pas de modification du staff en vue, ni d’arrivée d’un préparateur mental, comme peut en bénéficier l’équipe de France féminine.
Un groupe blessé
Peu habitués aux échecs, les joueurs de l'équipe de France ont le plus souvent semblé incapables de relever la tête dans les moments durs. Si la qualité et l'expérience sont là, la confiance, elle, a fondu comme neige au soleil. Que ce soit face au Portugal ou à la Norvège, rares ont été les joueurs à surnager quand le bateau coulait. "J'ai un sentiment de gâchis. Cela fait trois ans qu'on fait de belles compétitions mais qu'on n'arrive pas à concrétiser. Même lors des deux compétitions précédentes, j'avais l'impression qu'on pouvait faire mieux que des médailles de bronze" note Michaël Guigou, particulièrement marqué après l'élimination. La sérénité n'a en tout cas pas été au rendez-vous lors de cette semaine norvégienne. Comme si, dans la maison France, on avait du mal à gérer les situations difficiles. Il faut dire que, ces dernières années, on n'en a pas eu l'habitude. "Je n'ai pas apprécié qu'on se jette sur le collectif, qu'on parle de crise ou de démission. Il faut réaliser les efforts faits par tout le monde" regrette de son côté Didier Dinart, peu épargné par les critiques. Les trois mois qui arrivent ne sont pas de trop pour apaiser les tensions et pour retrouver un climat plus propice à la performance.
Un plan de jeu à affiner
“Je pense qu’il y a des choses qui ne vont pas dans le jeu, ça se voit sur le terrain. Quand tu perds contre les Portugais, c’est que tu n’es pas au niveau” disait Luc Abalo, au sortir de l’élimination dimanche soir. Vu des tribunes, difficile de dire que l’équipe de France ait fait rêver ses fans. Un jeu porté majoritairement sur le combat et le duel, réduit à sa plus simple expression individuelle, quand ses adversaires se sont appliqués à jouer collectivement. L’effectif ne manque pourtant pas de qualité, au vu des noms et des palmarès des joueurs retenus. “Tous ces joueurs brillants n’arrivent pas à jouer ensemble, on a clairement un problème de fond. En terme de jeu collectif, on est dans la deuxième partie de tableau quand on devrait être en tête” assène Valentin Porte, le plus souvent relégué à l’aile chez les bleus alors qu’il passe sa saison sur la base arrière à Montpellier. Manque d’automatismes, manque de prise d’initiative pour les uns ou de confiance pour les autres, les joueurs de l’équipe de France ont semblé noyés dans la grisaille au cours de leur semaine norvégienne. L’absence de Kentin Mahé pour animer la base arrière n’a certes pas aidé, le demi-centre de Veszprem étant un des rares, avec Melvyn Richardson, à pouvoir ajouter de l’huile dans les rouages et de la continuité dans le jeu. Le gaucher l'a d'ailleurs bien fait quand il a été aligné. Une piste à explorer pour le futur ?
Un nouveau statut à assumer
42 ans, très exactement, que l’équipe de France n’avait pas été éliminée au tour préliminaire d’une compétition internationale. Une époque où le handball était à sa préhistoire. Après dix ans à survoler son sport, le retour sur terre est violent pour le vaisseau bleu. Si les deux médailles de bronze acquises en 2018 et 2019 pouvaient être considérées comme encourageantes, peut-être ne faisaient-elles que cacher la misère. “Ca fait un moment qu’on perd, il faut revenir dans les compétitions avec plus d’humilité. Désormais, on est une équipe qui a tout à prouver” admet Luc Abalo. Le poids des années dorées de l’équipe de France semble parfois peser sur les épaules des plus jeunes. Au point que, comme l’a confié Philippe Bana, certains jeunes se soient excusés auprès des plus anciens au lendemain de la défaite face à la Norvège pour ne pas avoir pu faire mieux. “C’est beaucoup de pression de porter le maillot de l’équipe de France. Encore plus quand on nous demande d’être performants tout de suite sur des matchs clés” explique Ludovic Fabregas, qui a répondu présent, comme à son habitude. La comparaison avec les générations précédentes peut être difficile à vivre, d’autant plus quand elle n’est pas positive. “Regarder dans le rétroviseur ne nous aidera pas” résume Luc Abalo. Mais c’est la dure réalité des équipes de France désormais.
Un TQO à préparer
Le plan ORSEC est déclenché. Le tournoi de qualification olympique arrive à grands pas puisqu’il aura lieu à Bercy du 17 au 19 avril. Face à des adversaires qui restent encore à déterminer, il faudra finir parmi les deux premiers pour empocher la qualification. La FFHB n’a pas hésité à sortir le chéquier pour mettre toutes les chances du côté de son équipe vitrine de l’emporter. “On va se mettre la tête dedans” appuie Bana, dont les mois de février et de mars vont être bien chargés. Il n’y a pas le temps de tout changer, surtout que les joueurs de l’équipe de France ne seront rassemblés que pendant dix jours avant le tournoi. Une contrainte de temps dont l’équipe de France semble avoir du mal à s’accomoder. Cinq entrainements en tout et pour tout pendant la préparation du championnat d’Europe. C’est peu, mais les vingt-quatre nations étaient logées à la même enseigne. La journée de mercredi, que les bleus passeront ensemble avant de retourner chez eux ne sera pas de trop pour entamer le chantier. “C’est bien que le groupe reste ensemble, qu'on commence déjà à parler des choses qui ne vont pas” concède Luc Abalo, avant de commencer à voir plus loin : "Maintenant la question est : comment on se relève ? Si on connait des échecs et qu'on n'en apprend rien, quel intérêt ?" Il ne va pas falloir que les réponses tardent trop à arriver. Parce que le TQO, c’est déjà demain.
A Trondheim, Kevin Domas