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Un scénario cruel pour Kielce rend la victoire plus belle pour le Barça
La finale de la Ligue des champions disputée ce dimanche a été une vraie publicité pour le handball. Barcelone a remporté son onzième titre européen grâce à quelques détails favorables du scénario, fatal à Kielce, pas passé loin de retrouver le titre après son succès de 2016.
64e minute de jeu, dans la première mi-temps des prolongations : Ludovic Fabregas, le pivot de Barcelone, est lancé en contre, se retrouve en face à face avec le gardien de Kielce Andreas Wolff. L’Allemand repousse la tentative du Français ; cet arrêt décisif maintient Kielce à hauteur du Barça. Quand, quelques minutes plus tard, Fabregas se présente à nouveau pour le penalty de la gagne face à Wolff, pense-t-il encore à ce duel perdu ? « Non, car il s’est passé beaucoup de choses entre-temps, expliquait Fabregas en zone mixte après la rencontre. Je pars aussi dans l’idée que comme je n’ai jamais tiré de penalty, Wolff ne sait pas forcément ce que je vais faire. J’ai vu qu’il partait assez rapidement sur son côté droit, c’est pour ça que j’ai tiré sur sa gauche. » Fabregas avait raconté à Melvyn Richardson en arrivant à Cologne avoir rêvé que Barcelone allait remporter la finale. « Il voit dans le futur ! », rigolait Richardson. « Il me semble que je lui avais dit qu’on allait gagner la demi-finale de 4 buts, et que j’allais avoir la balle de match, confirme Fabregas. Mais je ne pensais pas que ce serait dans ce scénario-là ! »
45 minutes à un but d’écart maximum
Ce scénario, c’est un scénario de fou, un scénario qu’on voudrait avoir à toutes les finales. Cologne a vécu une de ces après-midis de handball qui reste dans les mémoires, loin, très loin de la finale de l’année dernière marquée par des tribunes en partie vidées par les restrictions sanitaires et, sur le terrain, vite réglée par le Barça contre Aalborg. Cette année contre Kielce, devant une salle à guichets fermés, Barcelone a eu certes trois buts d’avance une partie de la première période. Mais à partir de la 24e minute, aucune des deux équipes n’a réussi à prendre plus d’un but d’avance sur l’autre. Ce match a été un véritable duel, les yeux dans les yeux entre les deux meilleures équipes d’Europe cette saison, entre deux grosses défenses et deux bons gardiens – ce qui en a fait le match le moins riche en buts du week-end avant les prolongations. Si Barcelone l’emporte, c’est d’un souffle seulement. « Je pense que c’était un beau spectacle et c’était un beau match de hand, bravo à eux et c’est juste dommage pour nous car ça ne récompense pas tout le travail qu’on a fait » déclarait un Nicolas Tournat très touché après cette finale perdue, sa deuxième après celle de 2018 avec Nantes. L'autre Français de Kielce, Dylan Nahi, était également marqué à la fin de la rencontre.
Ortega a déjoué les pronostics, Richardson a répondu présent
Cette victoire barcelonaise est avant tout celle d’un groupe, et d’un coach, Carlos Ortega, qui signe un quadruplé au bout d’une saison seulement, après avoir succédé à Xavi Pascual cet été. « Personne n’y croyait à part nous, appuyait Dika Mem. Je suis vraiment super content d’avoir marquer l’histoire aujourd’hui. Une vraie récompense pour tout le travail, les galères, les joueurs qui ont joué blessés, les jours de repos qu’on n’a pas eus. » Ortega a eu du cran pour construire un groupe capable de surmonter toutes les difficultés, comme il y en a eu lors de cette finale. Le maître à jouer Luka Cindric a ainsi dû rapidement s’éclipser, manifestement diminué. Ortega a alors varié sa base arrière, avant de confier les clés à un trio français en fin de rencontre et pendant les prolongations : Dika Mem, Thimothey N’Guessan et Melvyn Richardson. La bonne entrée de ce dernier, qui a eu peu de temps de jeu cette saison lors des matchs importants, a été particulièrement précieuse pour le Barça afin de maintenir son niveau de jeu. « J’ai pris l’opportunité, je me suis donné à fond et l’équipe m’a beaucoup aidé, beaucoup appuyé, soulignait l’intéressé. C’était une belle victoire d’équipe. »
Les ratés du dernier quart d’heure, principaux regrets pour Kielce
Du côté de Kielce, Talant Dujshebaev et ses hommes peuvent regretter de ne pas avoir plié le match lorsqu’ils le pouvaient. Bien dans leur match, avec des rotations régulières et assez efficaces, les Jaunes et Bleus étaient légèrement au-dessus au milieu de la deuxième période. Dans le dernier quart d’heure, les Polonais ont eu maintes occasions de prendre deux buts d’avance. Et si Gonzalo Pérez de Vargas a bien repoussé le sept mètres d’Arkadiusz Moryto pour écarter la première possibilité de +2 pour Kielce (45’), lors des autres ouvertures, c’est le collectif qui a fait des erreurs. Alex Dujshebaev, excellent cette saison, a été moins dans le coup dans le dernier quart d’heure et a peiné à trouver les solutions face à la défense barcelonaise à ce moment crucial de la rencontre, avant de manquer son 7 mètres lors de la séance de tirs au but. « C’est dur parce que pendant presque toute la deuxième mi-temps, on était à un but devant », regrettait Nicolas Tournat à propos de ces occasions manquées.
Des regrets, Dika Mem aurait pu également en avoir de gros : son tir à côté dans la dernière minute est l’occasion manquée du +2 barcelonais, et permet ensuite à Kielce d’avoir la balle d’égalisation qu’Artsem Karalek transforme. « Je l’avais en tête pendant un petit moment mais une fois la prolongation commencée, je l’ai évacué », expliquait l’arrière droit, qui s’est bien rattrapé en prolongation en marquant le but de l’égalisation à la dernière minute, puis aux tirs au but, alors qu’Andreas Wolff a dévié son tir, mais insuffisamment. Ça s’est joué à quelques millimètres, des détails. « Si je devais rêver d’une finale, j’aurais rêvé de gagner comme ça, avec prolongations, penaltys et dernier but de Ludo… Magnifique ! », jubilait Timothey N’Guessan, aux anges après ce succès. « C’était une finale de fou, et quand ça joue aux penaltys, pfff… Le sport, c’est cruel », déplorait à l’inverse Nicolas Tournat. C’est terrible pour Kielce, mais la cruauté des scénarios pour les uns fait les victoires les plus belles pour les autres…
Mickaël Georgeault, à Cologne