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Tom O'Brannagain, la voix de la Champions League
Samedi, peu avant 15h, il prendra son poste de commentateur pour faire vivre la première demi-finale de la Champions League à des milliers de téléspectateurs, et il ne coupera son micro que dimanche, une fois la finale terminée. Partons à la découverte de celui qui est devenu la voix emblématique de la plus grande compétition de clubs au monde.
D'instituteur à commentateur de handball
Mais avant d'en arriver là, la carrière de Tom O'Brannagain est une suite d'opportunités saisies. Après avoir été instituteur pendant neuf ans, il rejoint la chaine irlandaise TG4, qui présente la spécificité de n'utiliser que la langue gaélique. Dans le même temps, il fait une carrière tout à fait respectable dans le handball irlandais, dont il va porter le maillot national à 35 reprises, avant de devenir assistant-coach à la fin de sa carrière internationale, en 2003. La suite, c'est encore l'intéressé qui la raconte le mieux. "A l'époque, un Irlandais travaillait à l'EHF, et il cherchait quelqu'un qui parle anglais et qui s'y connaisse en handball pour commenter la finale de la Champions League" se souvient-il. "Cette personne a demandé à Carsten Klavehn, avec qui je coachais l'équipe nationale, si il connaissait quelqu'un et il m'a désigné !". A partir de là, tout va s'enchainer très vite, et Tom se retrouve à commenter la finale 2009 entre Kiel et Ciudad Real. "La pression était énorme ! Je m'y connaissais en handball, mais je n'avais jamais commenté un seul match, et hop pour ma première on m'envoie sur le plus gros match possible. Sans filet, et franchement ça a été compliqué". Une aventure riche en anecdotes. "A l'époque, je ne connaissais pas bien les joueurs de Ciudad Real, alors j'avais appris les 32 noms sur la feuille de match, avec les numéros, pour être sûr de ne pas me tromper. A l'époque, on ne voyait pas les matchs sur ehfTV ou ce genre de choses, pour préparer les matchs tu avais intérêt à t'accrocher ! En plus, on ne pouvait pas distinguer les numéros sur les maillots, les noms étaient écrits tout petits...".
La révolution Match of the Day
EhfTV, justement, parlons-en. Le canal vidéo internet de l'EHF a ouvert la saison suivante, et a évidemment permis à toutes les équipes de gagner en exposition, tout en permettant aux fans de regarder des matchs jusqu'à plus soif. Et cette base de données a été une révolution dans la compétition, comme la été la mise en place des "Matchs of the Day", un match par journée que Tom O'Brannagain commente en direct. "Au début, en 2009, on ne commentait que les finales et en 2010, le Final Four. Nous nous sommes rassemblés et nous avons décidé de mettre en place ces matchs of the day, pour créer un fil rouge au fil de la saison". Mais la mise en place a été longue, même si tout cela était voulu selon l'Irlandais : "Au début, on voulait aller un peu partout, montrer toutes les équipes, et on a vu des matchs franchement pas excitants." Le déclic est intervenu, que ce soit pour les fans ou pour Tom, le 29 avril 2012, à Berlin. Les renards avaient été battus de onze buts en quart de finale aller à Léon, et devaient remonter leur retard pour se qualifier pour le Final Four. Et ils l'ont fait, se qualifiant finalement au nombre de buts à l'extérieur. "Ce match reste pour l'instant celui que j'ai le plus aimé commenter, et c'est clairement celui où les gens ont commencé à faire attention à nous. Les gens m'en parlent encore, je me souviens que j'ai frisé la crise cardiaque ce jour là, et que j'ai aussi failli perdre ma voix."
Des joueurs et des coachs qui se prennent au jeu
Et perdre sa voix, Tom O'Brannagain a bien failli le faire une bonne trentaine de fois en trois saisons, la faute à un style exubérant au possible. "J'ai envie de rendre le match passionnant, j'ai envie que les gens devant leur télé soient aussi excités que moi" rigole-t-il. "Tout le monde n'aime pas ce style, mais on ne me peut jamais plaire à tout le monde". Mais ce style hors du commun cache en fait un forçat de travail. "Je ne compte pas combien de matchs je vois par semaine pour préparer ceux que je commente. En tout cas, j'ai eu le plus souvent des retours positifs de la part des joueurs et des coachs". Celui qui animera le Hangout des joueurs vendredi soir à Cologne a d'abord été accueilli avec un peu de scepticisme. "A Kiel, pour ma première finale, j'étais à côté des gens d'Eurosport qui m'ont regardé pendant une heure comme si j'étais fou".
Les clubs, en revanche, l'accueillent le plus souvent les bras ouverts. "Ce sont les petites équipes qui m'accueillent souvent le mieux" dit-il avant de citer Szeged, Plock ou Celje comme ses destinations favorites. Et en France ? "A Dunkerque, l'accueil a toujours été au top. Au PSG, la première fois, ils n'ont pas du trop comprendre qui j'étais, mais au dernier tirage au sort, Bruno Martini est venu me voir pour me demander si ils seraient match of the week ou pas !". Et les joueurs apprécient cet interlocuteur de façon authentique, n'hésitant pas à lui confier des infos sensées rester secrètes tout en sachant que le commentateur ne les trahira pas. "Désormais, les gens savent qui je suis, et quand je fais mes interviews pré-match, les joueurs veulent toujours que je raconte des trucs stupides, alors que non je peux rester sérieux !" Et on ne doute pas que Tom O'Brannagain amusera la galerie vendredi soir lors du traditionnel Hangout (un joueur de chaque équipe répondent aux questions de Tom et des fans dans une ambiance détendue) avant d'être le plus sérieux du monde une fois dans la Lanxess Arena le lendemain. Mais, comme il le conclut, "je ne pourrai pas m'empêcher d'être tout excité". Ouf !
Kevin Domas