Série US
"Le hand sera un sport majeur aux Etats-Unis"
Peu démocratisé aux Etats-Unis, le handball doit lutter pour exister et obtenir les financements nécessaires. Encadrée par un sélectionneur espagnol, l’équipe nationale masculine est composée de joueurs venant de différents horizons, notamment d’Europe. Et si ce « melting post » à l’américaine permettait au hand de décoller enfin outre-Atlantique ?
La présence des américains dans les grandes compétitions internationales se compte sur les doigts d’une seule main ces dernières années. La dernière participation des Etats-Unis à un championnat du monde remonte en effet au Mondial 2001 en France, avec une peu envieuse 24ème place. Derniers de la compétition, les américains avaient notamment été devancés par le Groenland. Ils avaient concédé de lourdes défaites, notamment contre l’Allemagne (40-12) et la Croatie (41-12). Le seul fait d’arme de la sélection américaine remonte aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, avec une neuvième place qui était alors très prometteuse. De son côté, la sélection féminine ne s’est pas qualifiée pour une phase finale d’un championnat du monde depuis 1995. Pourquoi les sélections américaines ont-elles ainsi disparu des écrans radars du handball international ?
« Différents intérêts politiques »
Ancien arrière gauche de la grande Roumanie au début des années 90, Cristian Zaharia a été sélectionneur de l’équipe américaine au début des années 2000 (2001-2003). Celui qui a fait admirer ses talents de buteur à Pontault-Combault, est désormais dirigeant d’une société de conseil en marketing sportif aux Etats-Unis. Il s’était notamment investi dans l’organisation de la Coupe de la Ligue à Miami en 2009. Il commente également des matches sur BeIN Sports aux Etats-Unis. Selon lui, la dimension politique au sein de la fédération nuit à l’équipe nationale ; « Malheureusement depuis 2003, après avoir remporté la médaille de bronze aux Jeux Panaméricains avec la sélection masculine en tant que sélectionneur, j’ai été poussé vers la sortie par l’ancienne et l’actuelle administration de la fédération, regrette-t-il. Il y a différents intérêts politiques et en tant qu’étranger à ces considérations, je n’avais pas la mentalité nécessaire pour être accepté. »
L’équipe nationale masculine essaye pourtant d’écrire sa propre histoire dans ce contexte mouvant et avec des moyens limités. Elle est composée de nombreux joueurs venant de différents pays. Dix sélectionnés ont ainsi l’un de leurs parents qui n’est pas américain. Cela représente un tiers de l’effectif. Les sélectionnés viennent de Suède, d’Irlande, du Kosovo, d’Espagne, ou encore de Serbie, d’Egypte ou de Croatie mais aussi de France. Le jeune Antoine Baup, âgé de 19 ans, a rejoint l’équipe junior l’année dernière avant d’intégrer les A cette année (lire demain son interview sur notre site). La tendance est la même pour la sélection féminine, avec des joueuses venant notamment d’Allemagne, de Norvège et du Danemark.
Une star du web en équipe nationale
Parmi les américains à composer la sélection US, un joueur bénéficie d’une certaine aura médiatique dans son pays. Il s’agit de Lewis Howes, qui porte les couleurs du club de New York. Il ne doit pas sa notoriété à ses performances handballistiques mais à un livre à succès qu’il a écrit en 2009 concernant Linkedin. En créant notamment un groupe dédié à l’industrie du sport sur ce réseau professionnel, il a bâti un vaste réseau et a créé plusieurs évènements avec ses différents contacts. Lewis Howes, connu auparavant pour avoir été joueur professionnel de football américain, s’est construit une véritable fortune sur la toile. Souhaitant découvrir de l’intérieur le handball européen, il avait effectué une pige de deux semaines lors de la préparation estivale en 2013 avec le club espagnol d’Ademar Leon. Sa présence avait créé un vrai buzz sur internet.
Pour encadrer ce joyeux melting pot, le sélectionneur Javier Garcia Cuesta fait profiter de sa riche expérience internationale. Il a en effet voyagé aux quatre coins du monde, étant sélectionneur de l’équipe espagnole (1989-1993), égyptienne (1999), portugaise (1999-2003) et brésilienne (2009-2012). Son histoire d’amour avec les US remonte aux JO de Los Angeles en 1984 lorsqu’il a dirigé la sélection américaine pour la première fois. Il est ensuite revenu sur le banc américain entre 2008 et 2009 puis à nouveau depuis 2013. « Les objectifs à long terme sont bien sûr de faire notre retour dans les compétitions internationales, que ce soit les Jeux Panaméricains, le Mondial et éventuellement les Jeux Olympiques, confie-t-il à Handnews. Ce n’est pas une mission aisée mais c’est notre but. »
Pour atteindre cet objectif ambitieux dans un environnement de plus en plus concurrentiel, des stages d’essai et de détection sont régulièrement proposés. Le sélectionneur national Javier Garcia Cuesta y participe afin de repérer les joueurs ayant le potentiel pour rejoindre l’équipe nationale. Ces journées ont lieu à l’université d’Auburn, dans l’Alabama. Pour 40 dollars, tout américain peut rêver de représenter son pays en jouant au handball. A l’instar du Qatar, les Etats-Unis envisagent-ils d’accélérer leur développement en naturalisant des joueurs étrangers ? « Quelques joueurs de l’équipe nationale évoluent en Europe et ont la double nationalité par l’un de leurs parents, explique le coach espagnol. La fédération n’intervient pas dans leur nationalisation. Il faut dire que le processus des nationalisations est long aux Etats-Unis, et difficile à mener à bien. Des hispaniques en renfort ? Je ne crois pas que cela soit l’avenir du hand aux Etats-Unis. Ils ont souvent leurs propres problématiques à régler dans leurs propres pays. »
Des matches européens bientôt diffusés aux USA ?
La fédération américaine, qui répond au nom de « Team Handball », mise énormément sur Javier Garcia Cuesta et l’équipe nationale pour étendre sa base de pratiquants. Sa mission officielle est de « développer, promouvoir et faire grandir la Team Handball à tous les niveaux aux Etats-Unis, et de permettre aux athlètes d’atteindre un niveau d’excellence pour remporter des médailles sur la scène internationale et lors des compétitions olympiques. » Si son siège est basé à Colorado Springs, des staffs régionaux sont présents à Auburn, en Californie, au Texas, dans l’Illinois, le New Jersey et à New-York.
Cette structure travaille aujourd’hui autour de cinq axes principaux : la structure des clubs, la promotion du hand dans les collèges avec des programmes associés, des programmes de base dans les écoles avec les plus jeunes, le développement des équipes nationales senior et enfin la montée en puissance d’une équipe junior. Michael D. Cavanaugh, le CEO de la Team Handball, veut aussi axer ses efforts sur une plus grande médiatisation. « Nous pensons que le fait d’avoir du handball de manière régulière à la télévision aidera à rendre notre sport plus connu. Mais c’est difficile de trouver un sponsor qui soit prêt à payer les coûts de production et de retransmission. Nous étudions la possibilité d’avoir des matches de haut niveau joués en Europe qui soient retransmis sur le marché américain de manière régulière. » Les exploits des Hansen, Karabatic et autres Simonet franchiront peut-être l’Atlantique dans quelques mois.
Cela sera-t-il suffisant pour faire du handball un sport majeur aux Etats-Unis. Un homme y croit dur comme fer : Cristian Zaharia. « Je suis convaincu, et je l’ai prouvé, que le handball peut être et sera l’un des sports majeurs aux Etats-Unis, prédit-il. Mais pour cela, il faut qu’il y ait un groupe d’investisseurs sérieux, sans considérations politiques, et qui apportent une touche de nouveauté pour sortir du statuquo actuel. Ils doivent aussi être assez puissants pour affronter les nombreux obstacles qui se dressent sur leur chemin. » L’actuel commentateur de BeIN Sports aux US se décrit même en homme idoine pour sortir le hand de son anonymat. « Je suis le seul qui sait comment y parvenir, mais je garde mes connaissances pour moi tant que la bonne opportunité ne se sera pas présentée, confie-t-il à Handnews. Je suis convaincu que tout est réalisable. La question est de savoir qui est prêt à investir de l’argent, et combien. » Le handball est donc encore loin de vivre son rêve américain. Mais avec de la volonté et des moyens renforcés, nul doute qu’un énorme potentiel pourrait émerger à moyen terme.
Dernier volet de notre semaine « made in US » demain avec une interview du français Antoine Baup qui joue en sélection américaine depuis 2014.
Olivier Poignard