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Euro 2018 (M)

L'Allemagne dans le doute, Prokop dans la tourmente

, par Lanfillo

Parmi les équipes qu'on pensait pouvoir figurer dans le dernier carré, l'Allemagne fait partie de celles qui ont le plus déçu. Le champion d'Europe 2016 n'a pas convaincu, et les critiques essaiment à l'encontre du sélectionneur Christian Prokop.

Ah, le All Star Game... C'est un moment sympathique, avec une forme différente de celle de la France, où les meilleurs joueurs de Bundesliga affrontent l'équipe nationale qui sort d'un tournoi continental ou mondial. Quand le tournoi se passe bien, c'est une belle fête. Quand il se passe mal, l'ambiance peut paraître étrange : il faut garder le sourire, c'est la fête du handball, même si on n'a pas trop cœur à fêter quelque chose après une performance décevante. On est un peu dans ce cas de figure actuellement. Nul doute que le All Star Game, qui aura lieu vendredi 2 février, sera festif, mais il y aura toujours ce goût un peu amer au fond de la bouche des joueurs de la Mannschaft. Et de leur sélectionneur.

A la recherche de l'esprit Bad Boy

Qu'on le dise de suite : l'Allemagne n'a pas réalisé un Euro fantastique, loin de là, mais pas catastrophique non plus. La qualification pour les demi-finales a échappé au tenant du titre sur la dernière rencontre du tour principal, après une défaite face à l'Espagne, futur vainqueur de la compétition. Mais le problème est ailleurs : l'Allemagne n'a pas convaincu, hormis lors du premier match face au Monténégro, équipe la plus faible de la poule. Ensuite ? Un nul accroché grâce à la vidéo face à la Slovénie, un nouveau nul face à la Macédoine, une victoire dans la douleur face à la surprenante République tchèque et deux défaites face au Danemark et à l'Espagne. Les Allemands ont été trop inconstants, dans l'ensemble. « Nous n'avons pas atteint notre objectif sportif, la demi-finale, et nous assumons ensemble la responsabilité de cet échec », a déclaré le président de la fédération Andreas Michelmann.

Plus grave peut-être : les Allemands ont donné le sentiment d'avoir perdu l'esprit Bad Boy. Celui qui leur avait permis de remporter l'Euro à la surprise générale il y a deux ans. Cet esprit Bad Boy reposait sur une grosse solidarité, un vrai esprit de combat pour compenser l'absence de véritable star dans l'effectif. L'ancien sélectionneur Dagur Sigurdsson s'était appuyé sur cette mentalité pour appuyer ses principes liant défense dure et jeu rapide. Cette année, la solidarité défensive allemande n'a pas eu le même éclat. Le jeu placé a semblé balbutiant. Bref, on n'a pas senti l'osmose du groupe également médaillé de bronze aux Jeux de Rio.

L'affaire Lemke

Crédit : EHF - HRS / Nebojsa Tejic

Fort logiquement, c'est Christian Prokop qui se retrouve au centre des critiques. Le sélectionneur n'a pas toujours semblé maître de son groupe. Surtout, il s'est rendu coupable d'erreurs de communication envers ses joueurs, en abusant de la règle du rappel de joueurs en cours de compétition. Sa première liste avait déchaîné les passions en Allemagne, puisque le jeune sélectionneur (39 ans) avait décidé de laisser Finn Lemke à la maison. Lemke, le géant de 2,10 m de Melsungen, arrière gauche presque exclusivement défenseur, faisait partie des figures de proue des Bad Boys, avec le gardien Andreas Wolff et le pivot Hendrik Pekeler avec qui il formait l'axe défensif en sélection. Prokop lui a préféré Bastian Roscheck, pivot-défenseur de Leipzig. Leipzig, le club qu'entraînait Prokop de 2013 à 2017, avant de prendre en mains la sélection... Les accusations de favoritisme envers ses anciens joueurs en club (la sélection de Maximilian Janke, lui aussi joueur de Leipzig, a également été accueillie avec surprise) ont donc fleuri.

Les raisons du choix de Prokop sont compréhensibles : son système défensif est exigeant, et doit être appliqué correctement. Roscheck, plus mobile que Lemke, sied mieux au cahier des charges. Sauf que contre la Slovénie, Roscheck a souffert et n'est pas apparu au niveau demandé. Sa sortie a coïncidé avec un mieux de son équipe en défense. Surtout, Lemke est un leader charismatique du groupe qui a pu ne pas comprendre pourquoi un tel joueur a pu être mis de côté. Prokop s'est trompé, rétropédale et rappelle Lemke à la place de Roscheck la nuit qui suit le match contre la Slovénie. Le même Lemke qui, quelques jours plus tôt, n'avait pas caché sa frustration de ne pas avoir été sélectionné et regretté de l'avoir appris simplement au dernier moment. Lemke vient, fait de son mieux, mais on a l'impression que quelque chose s'est cassé dans la mécanique allemande.

Le sélectionneur remis en cause

Cet épisode n'est pas anecdotique, car il résume toutes les critiques formulées à l'encontre du sélectionneur. Les hésitations du coach auraient rendu son message moins audible pour son groupe. « Il n'y a pas besoin d'être un spécialiste du handball pour voir que tout n'est pas vraiment bien passé entre l'entraîneur et l'équipe », a asséné Michael Roth, le coach de Melsungen, dans un entretien à la dpa. Il avait déjà critiqué avant la compétition la non-sélection de son joueur, Finn Lemke. « La confiance est la base du succès, a-t-il ajouté. Là, beaucoup de porcelaine a été cassée. L'entraîneur et l'équipe se sont mis à vaciller. » Roth reproche aussi au conseil des joueurs de ne pas en avoir parlé avec le sélectionneur, dont le manque d'expérience a également été pointé. Pour le manque de confiance entre le coach et son groupe, le quotidien de boulevard Bild en a rajouté une couche, affirmant qu'une altercation verbale aurait éclaté lors de l'entraînement avant le match contre l'Espagne. Assertion démentie par la fédération. Mais qui met en évidence un fait : la rigidité tactique de Prokop a pu agacer des joueurs.

Prokop est critiqué, mais toute la faute ne lui revient pas. Patrick Groetzki avait le premier souligné que les joueurs étaient les premiers responsables de l'échec. « Nous n'avons pas poignardé l'entraîneur dans le dos », a quant à lui déclaré Patrick Wiencek, en réponse aux rumeurs d'une fronde des joueurs contre Prokop. « L'atmosphère était mauvaise de différents côtés, mais je ne dirais pas que le coach n'avait pas d'autorité. Nous devons avant tout discuter », a ajouté le pivot au Kieler Nachrichten. Impossible de nier les tensions, mais pas de rupture donc. Le besoin de discuter est aujourd'hui mis en valeur par toutes les parties, y compris les observateurs. « La communication semble mauvaise dans tous les domaines. Et quand ça ne fonctionne pas en interne, on ne peut pas bien jouer au handball », notait Kai Wandschneider, l'entraîneur de Wetzlar. Prokop est tout de même défendu par Heiner Brand, l'ancien sélectionneur national : « Chaque entraîneur paie pour apprendre. Ça s'est également produit les années précédentes avec Dagur Sigurdsson, et aussi avant avec moi. »

De gros objectifs, avec Prokop ?

Le retour d'une communication apaisée est une priorité, car la fédération a misé très gros sur Christian Prokop. Elle a dépensé 500 000 € pour racheter son contrat à Leipzig l'année dernière, et lui a fait signer un contrat de cinq ans, jusqu'en 2022. Objectifs : une victoire au Mondial coorganisé par l'Allemagne avec le Danemark en 2019, et l'or aux Jeux de Tokyo en 2020. Bob Hanning, le vice-président de la Fédération qui a tout fait pour la signature de ce contrat, se montre aujourd'hui pragmatique. Le souhait général, dit-il, est de continuer avec Prokop pour atteindre les objectifs susnommés. Mais la balle est dans le camp de l'entraîneur, qui doit assumer ses responsabilités, affirme-t-on à la fédération. L'avenir du sélectionneur est ouvert, tout comme d'autres questions. Par exemple, le capitanat d'Uwe Gensheimer pourrait être remis en cause, comme l'a insinué Bob Hanning lundi à la ZDF. Le Parisien est apparu à court de forme, et Rune Dahmke a été rappelé en cours de compétition pour être sa doublure.

« Ce fut amer, déclarait Prokop lors de la sortie de l'Allemagne de l'Euro. Mais malgré tout, je tire d'importants enseignements pour le futur. » Le coach ne s'est pas exprimé depuis, parti se ressourcer auprès des siens dans la région de Leipzig. Vendredi, pour le All-Star Game, c'est bien Prokop qui sera observé de près. Justement, l'événement a lieu à Leipzig, là où il a connu les meilleurs moments de sa vie de coach, et où il est en terrain conquis. En parallèle, la Fédération se réunit en assemblée pour tirer les conclusions de l'échec de l'Euro. Et, forcément, évoquer le cas Prokop.

Mickaël Georgeault

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