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Guerre en Ukraine

Le Motor tourne encore

, par Balic

Dmytro Horiha (HC Motor Zaporozhye)

Le 24 février 2022, il y a un an, la Russie envahissait des territoires ukrainiens, déclenchant ainsi un conflit catastrophique. Des centaines de milliers de morts, de blessés, de déplacés, des villes rasées, des destins brisés, voici le premier bilan de cette année de conflits. Question sans doute futile face à ces atrocités mais : qu’en est-il du handball ukrainien ? Pour y répondre, nous avons eu un guide de choix, Dmytro Horiha, arrière gauche star de la sélection ukrainienne et du Motor Zaporijia. Dmytro s’est confié à nous pour nous raconter cette année si difficile pour lui et son pays.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Dmytro Horiha est la figure de proue du handball ukrainien. Arrière gauche complet d’1m96, à tout juste 25 ans, il avait impressionné à l’Euro 2022. Souvenez-vous, il avait notamment inscrit 7 buts face aux Bleus ou encore 6 face à la Serbie. Il est à l’époque pensionnaire du Motor Zaporijia, avec lequel il joue la Ligue des Champions et commence à se faire remarquer face aux grosses écuries. Bref, un bel Euro, des performances de plus en plus régulières, Dmytro a une belle carrière qui s’offre à lui. Son nom est murmuré dans certains clubs français pour la saison prochaine…

Vladyslav Dontsov (HC Motor Zaporozhye) Dmytro Horiha (HC Motor Zaporozhye)

La guerre et l'exode...

La guerre commence en cette fin de mois de février 2022. L'Ukraine, assaillie par la Russie, réagit comme elle peut. Bien entendu, le sport n'est alors plus prioritaire et le handball s'arrête à Zaporijia, située très proche des premiers conflits (avant d'en devenir une des zones névralgiques). En Ligue des Champions, le Motor Zaporijia devient inévitablement hors course et ne jouera ainsi pas trois de ses derniers matchs, perdus 10-0 (dont la rencontre retour face au PSG). On retiendra que le dernier match joué par le club ukrainien était le 23 février, en Pologne, face au géant Kielce. A la veille du début de la guerre, les coéquipiers de Horiha (très bon, avec 5 buts et 2 passes décisives, ce soir-là) s'étaient inclinés 33-27 face au futur vice-champion d'Europe.

Ensuite, la guerre. Dmytro nous raconte, en anglais : "Après le traumatisme initial, on a pensé qu'il fallait continuer à travailler, quitte à s'exiler. C'était une façon de continuer à faire parler de l'Ukraine, de notre équipe et du handball en général. Continuer de jouer était ma façon de soutenir le pays. Malgré la guerre et les atrocités, nous continuons à lutter et à nous battre. Les soldats sont au front, et nous, sur le terrain".

A l'image d'autres coéquipiers, Dmytro Horiha se tourne vers l'Europe pour finir la saison et continuer à exercer son métier. "Au début, c'était dur d'imaginer quitter ma famille et les laisser en Ukraine. Mais après, j'ai réalisé qu'en travaillant et en gagnant de l'argent, je pouvais les aider. J'aidais même à ma façon nos soldats".

Dmytro Horiha (Instagram du joueur)

... Vers l'Espagne

C'est en Espagne que Dmytro Horiha atterrit, début avril. "Je suis vraiment reconnaissant envers les équipes et les gens qui ont tout de suite répondu présents. Dans ces moments difficiles, où il nous fallait trouver un club pour la fin de la saison, juste après l'Euro". L'arrière ukrainien signe donc au CB Nava, qui lutte pour son maintien en Liga Asobal. Il signe en compagnie de Luka Sebetic, son partenaire de club au Motor. Dmytro y dispute la fin de saison, en étant plutôt performant avec plus de 4 buts de moyenne sur 8 matchs joués. "Je voudrais dire un grand 'merci' à l'Espagne pour cet accueil si chaleureux et bienveillant. Dans des moments aussi difficiles pour moi, ce soutien a été vraiment précieux".

Malheureusement, le CB Nava échoue dans son opération maintien. Dmytro, malgré la situation, reste un compétiteur : "Forcément, j'ai été déçu. Pour moi, c'était un vrai défi, très court, dans une équipe inconnue, un championnat inconnu, un pays dont je ne parlais pas la langue... Malgré la situation en Ukraine, j'étais vraiment reconnaissant de leur accueil, et j'ai essayé de tout donner pour essayer de leur rendre ce qu'ils m'avaient offert. Cela n'a pas suffi."

Le Motor redémarre

La saison 2021-2022 s'achève donc sur cette descente avec Nava pour Dmytro Horiha. En Ukraine, la situation est toujours aussi cauchemardesque. Pour autant, le club du Motor Zaporijia n'abdique pas, et ce alors que la ville de Zaporijia est proche du front et donc régulièrement visée par des attaques de missiles, et que son nom est devenu tristement célèbre par sa centrale nucléaire, située à 50 km de la ville de l'autre côté du Dniepr, en territoire occupé par les Russes. Grâce aux soutiens allemands notamment, une solution est trouvée pour que le club continue d'exister. Il jouera en deuxième division allemande, en plus de participer à la Ligue Européenne.

"Après l'Espagne, on a appris que le club du Motor allait continuer à jouer. J'ai décidé alors de soutenir mon club dans ces temps difficiles" nous confie Horiha. Bien que contacté par de belles écuries, notamment françaises, Dmytro reste fidèle au Motor. "Je voulais continuer à envoyer ce message via le handball, et, quand l'Allemagne nous a acceptés, il fallait que je fasse partie de l'équipe. C'était un autre immense défi, avec une très jeune équipe, des adversaires très forts en Bundesliga 2 et aussi en Coupe d'Europe. En tant qu'Ukrainien, on pouvait montrer qu'on était toujours là, et à notre manière, on participait à l'effort de guerre et au soutien de nos familles et de nos soldats."

Dmytro Horiha (Instagram du joueur)

"L'Allemagne nous a beaucoup aidés. Ils nous ont fourni une salle, nous ont installés avec nos familles à Düsseldorf... Leur soutien, sur plein d'autres choses, fait vraiment chaud au cœur et nous a aidés dans ces temps très difficiles." Sur le terrain, c'est forcément plus compliqué pour Dmytro et sa bande. Le Motor est actuellement 17e (sur 20) de la 2e division allemande. Après des débuts poussifs, les Ukrainiens n'ont pas lâché l'affaire et remontent actuellement un peu la pente avec 3 victoires sur les 5 derniers matchs. "Forcément, au début, c'était très difficile. Au niveau du handball, notre effectif était très jeune et on souffrait face à des équipes allemandes plus aguerries. Et puis moralement, on n'a pas tous les jours la tête au handball. On pense à nos familles, nos amis, nos soldats, notre futur. C'est difficile, mais on fait avec, et on continue de se battre. Ce sera comme ça jusqu'au bout."

Quel sera l'avenir de Dmytro Horiha ? Difficile de le dire. Difficile également de ne pas ressentir de la peine en l'écoutant narrer ses péripéties qui ont transformé un espoir du handball européen en fugitif. Une chose est sûre, Dmytro et les siens sont solidaires et soudés dans ces moments où les matchs de handball, même les plus prestigieux, leur servent simplement d'échappatoire à ce quotidien si sinistre. Leur courage, leur abnégation et leur talent sont en tout cas une source d'inspiration pour tous.

 

Tristan Paloc

 
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