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Manon Houette : "Je ne voulais avoir aucun regret à la fin"

, par Peter

Manon HOUETTE  (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport)

Les fins de saisons sont toujours marquées par des départs et des fins de carrière provoquant de grands moments d'émotions sur tous les parquets de France. Cette saison de Ligue Butagaz Energie n'y échappera pas avec, notamment, la fin de carrière de Manon Houette.

Après plus de dix ans à haut niveau, Manon Houette annonce prendre sa retraite à l'issue de la saison. S'il lui reste deux matchs à disputer, ô combien importants pour Chambray, c'est à l'issue de la rencontre face à Metz, comme un symbole, que la Sarthoise a révélé la grande nouvelle, fruit d'une longue réflexion. Certains se demanderont pourquoi s'arrêter à seulement trente-et-un ans, d'autres comprendront la volonté de vivre de nouvelles aventures … à seulement trente-et-un ans. Une chose est certaine, Manon Houette va tourner une page importante de sa vie, "une petite mort", comme elle le dit, il est temps de vivre les premiers jours du reste de sa vie.

Résumer la carrière de l'ailière gauche en quelques mots est difficile. Elle a été construite autour de choix, de médailles internationales, de blessures physiques et psychiques, de rendez-vous manqués, mais surtout de travail et d'abnégation. Côté palmarès, c'est un titre au Mondial 2017, un autre à l'Euro 2018, en France, une médaille de bronze à l'Euro 2016 et, surtout, la médaille d'argent aux Jeux de Rio, première de l'histoire olympique des Bleues. En club, Manon Houette a remporté trois championnats de France avec Fleury et Metz (2015, 2018 et 2019) et participé au premier Final 4 du Metz Handball en 2019, où elle a été élue meilleure ailière gauche de la compétition. Côté blessures, la championne du monde n'a pas été épargnée, en atteste sa dernière au genou gauche, en décembre, après avoir pris la décision d'arrêter. Son genou droit, était lui à l'origine de son forfait pour les JO de Tokyo suite à une rupture du ligament croisé antérieur. Cette blessure en cachait une autre, un burn-out, un mal-être au quotidien datant de l'été 2018. La décision de ne pas participer aux JO au détriment de sa santé a été difficile à prendre, mais ponctuée d'un message fort de sagesse, sur ses réseaux sociaux : "Je ne serai pas aux Jeux de Tokyo, le timing est trop court, je souhaite revenir forte et pour cela, j'ai besoin de temps".

Aujourd'hui, c'est une joueuse, avant tout une femme, décidée à entreprendre, à vivre de nouvelles aventures avec qui nous avons pu échanger.

HN : "Manon, j'imagine que la décision est très réfléchie. Qu'est-ce qui a motivé ce choix d'arrêter ta carrière ?"

Manon Houette : "La décision est le fruit d'une longue réflexion, elle a été mûrement réfléchie. Il fallait que ce soit une décision de ma part et pas celle de mon corps, ni de mon âge. Elle a été prise en décembre, juste avant que je ne me blesse à nouveau au genou droit. J'ai pourtant eu de belles propositions de la part de Chambray et de Nantes, notamment, où retravailler avec Camille Comte aurait été super intéressant. Mais c'est le bon moment pour moi. Il y a la douleur physique, mais surtout l'envie de vivre autre chose, de monter des projets entrepreneuriaux, avoir du temps pour soi, pour la famille, pour voyager. Lorsque le rapport bénéfice-sacrifice commence à balancer du mauvais côté, il est temps d'arrêter. J'ai créé un podcast qui s'appelle "Le premier jour du reste de nos vies" dans lequel je rencontrerai des athlètes de tout sport qui ont arrêté, qui ont vécu cette petite mort lorsqu'ils ont pris cette décision forte. Le premier épisode sera l'occasion de parler plus en détails de ma prise de décision. Pour la suite j'aimerai pouvoir être dans la transmission, c'est important pour moi. Faire du lien entre sport de haut niveau et entreprise, apporter du savoir, être utile après avoir tant reçu."

HN : "Si tu devais garder un souvenir de ta vie de handballeuse, lequel serait-ce ?"

MH : "S'il y avait un souvenir à garder, je dirais les trois grosses médailles avec l’Équipe de France ou plutôt l'expérience Équipe de France en général. C'était irréel de jouer les Jeux, de gagner ce Mondial de dinguo en 2017 où tout semblait nous réussir. Mais finalement, je pense que ce sont les souvenirs de tous les jours qui resteront. Cette tolérance dans la vie de groupe, les rencontres, vivre avec des filles incroyables de toute nationalité, de tout horizon, de toute religion."

"J'ai appris à respirer ! C'est dingue de dire ça, c'est la base du travail. Il m'a fallu tout ce temps pour apprendre à respirer", Manon Houette

HN : "Et garderas-tu un souvenir négatif ou une expérience négative en lien avec ta carrière ?"

MH : "Un souvenir négatif, non, après je peux pointer du doigt la prise en charge du bien-être de la joueuse. J'ai vu des filles en détresse, des filles en burn-out, d'autres avoir de graves blessures. Évidemment que la performance est au cœur de ce que nous faisons, qu'il y a des attentes importantes autour des résultats, mais il y a aussi un manque de moyen dans le handball féminin. Je pense qu'il faudrait normaliser la préparation mentale, mais, aujourd'hui, c'est à la joueuse de se prendre en charge. Il existe plein de choses pour améliorer le bien-être : le yoga, l'hypnose, la sophrologie. J'ai appris à respirer ! C'est dingue de dire ça, c'est la base du travail. Il m'a fallu tout ce temps pour apprendre à respirer. Il y a aussi la question des cycles menstruels. Aujourd'hui, il y a un partenariat entre la LFH et LIDL autour des cycles menstruels, c'est bien parce que c'est dur de le prendre en compte à chaque séance pour nos entraîneurs ou nos préparateurs. En-tout-cas, il y a un chemin magnifique à parcourir pour le bien-être de la joueuse."

HN : "Ce n'est pas tout à fait terminé, il reste deux matchs, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la fin de saison ?"

MH : "Pour les deux derniers matchs, il y a l'objectif du club à atteindre : la qualification en Coupe d'Europe. À Chambray c'est l'objectif chaque année maintenant. Il reste deux gros affrontements. Nous n'avons pas le droit à l'erreur, il faudra gagner un point supplémentaire contre deux des meilleures équipes de notre championnat : Brest et Nantes. J'ai hâte de retrouver les filles !"

HN : "Un mot pour la fin ?"

MH : "J’aimerais dire j'ai que construit ma carrière sur le travail, l’abnégation et les relations humaines et je m’y suis tenu et ce sont ces valeurs-là qui m’ont aussi amené à me sentir bien dans ma carrière, à performer et puis surtout à prendre du plaisir. J’ai construit chaque entraînement et chaque match en me disant que je ne voulais aucun regret à la fin et là, c’est ce que je ressens aussi à la fin de ma carrière. C’est important pour moi de le transmette aux jeunes joueuses."

Il ne reste plus que deux matchs à Manon Houette pour conclure cette page de vie, pour étinceler sur son aile, pour faire vibrer les amateurs de handball. Il manquera une joueuse l'année prochaine, une référence à son poste, mais la santé et l'équilibre d'une vie n'a de prix. Rendez-vous à la Fontaine Blanche de Chambray, samedi, pour un dernier tour de piste en Touraine, avant de terminer à Nantes, le club qui lui avait proposé un autre challenge, comme un symbole.

À Tours, Thomas Mathiot

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