POR
"Je me suis toujours imaginé là où j'en suis", Étienne Mocquais
Arrivé l'année précédente au Sporting CP, celui qui évoluait encore à Tremblay il y a quelques saisons, foule désormais les parquets européens et s'apprête à affronter l'une des meilleures équipes d'Europe, le Füsche Berlin. L'ailier gauche est revenu sur sa première année, sa déconvenue en Coupe d'Europe ou encore sur le handball portugais...
Comme une envie d'aller voir ailleurs
Créteil, Tremblay et maintenant le Sporting CP, la carrière d’Étienne Mocquais a pris un virage pour le moins inattendu à l'aube de la saison 2022-2023. Non conservé par l'actuel leader de Proligue, le natif de Lagny-sur-Marne a saisi la main tendue par le club portugais. Un alignement des planètes qui s'est avéré être une belle opportunité pour l'ailier gauche : "J'avais envie de voir autre chose tout simplement. J'ai toujours joué en France, mais j'avais aussi cette envie de jouer la Coupe d'Europe. Dès que ça s'est proposé, j'y ai réfléchi bien sûr, mais je me suis dit que ça serait une bonne expérience". Immédiatement mis dans le bain par ses coéquipiers, tout est allé très vite après, lui qui s'est fondu dans le décor en tour de main : "Mon adaptation s'est super bien passée, les gars m'ont très bien accueilli, j'ai été vite et bien intégré. Pareil pour les supporters, ça s'est très bien passé. Ce sont des gens fidèles et passionnés, bien que le Sporting soit sur différents sports (football, cyclisme, basket-ball, athlétisme...). On les reconnait facilement et ils nous réservent toujours un super accueil".
Forcément, en arrivant dans un nouveau club, on se frotte aux cadres déjà en place et on attend de se faire la sienne. Une concurrence et une situation qui peuvent être dure à gérer, notamment quand on veut s'imposer, mais pas pour le Français : "Ça se passe très bien, que ce soit avec Josep (Folques, parti à Istres) ou cette année avec Orri (Porkelsson). Il n'y a pas d'ego, c'est un bon état d'esprit où la concurrence est saine, puisque tout est mis à plat en début de saison. Bien sûr qu’on veut être les meilleurs aux entrainements pour jouer derrière en match, mais dès que le coach fait ses choix, on les respecte et on encourage dès qu’on est sur le banc".
Ils sont peu nombreux, les joueurs français à évoluer dans des championnats étrangers. Alors comment expliquer ce manque d'exil et surtout, existe-t-il une raison en particulier ? Pour celui qui est le représentant de cette faible minorité, c'est un choix avant tout personnel : "Je pense que c'est une décision qui est propre à chacun. Je comprends totalement l'aspect familial, que le confort et le cocon, ça peut être dur à quitter. C'est le problème inhérent des joueurs qui partent à l'étranger : tu es loin de tout, de ta famille, c'est plus d'inconvénients, plus difficile d'y avoir accès. Après, c'est un choix personnel. Moi, je n'y vois pas de points négatifs et puis une langue étrangère, ça s'apprend. Tout dépend du degré de sacrifice que tu es prêt à faire, il n'y a aucune vérité".
À la découverte de nouvelles compétitions
Si dans les faits, passer de la Proligue aux parquets de Coupe d'Europe peut s'apparenter à une montagne à gravir, la réalité en est tout autre. Que ce soit physiquement ou mentalement, les efforts demandés n'ont pas été si exigeants. En revanche, l'ailier gauche a relevé une petite différence entre les deux championnats : "Ce qui change, c'est le nombre de matchs. La saison est plus longue, on joue tous les deux-trois jours. On le sent bien à Noël et en fin de saison". Le handball est un sport universel et entre les deux pays, les fondamentaux restent les mêmes.
Ce qui change dans le jeu entre le handball portugais et français, c'est dans la "dimension physique qui est moindre", avec un jeu "plus proche de la culture espagnole". La grosse différence entre les deux pays vient plutôt du côté des instances qui régissent le championnat : "Ici, ce n'est pas professionnel (tout comme le championnat espagnol). Tu as trois clubs qui dominent le championnat (Porto, Benfica et le Sporting), mais tu n'as pas tant de joueurs pros, ce sont beaucoup d'amateurs ou de semi-pros, bien que cela ne leur enlève aucunes qualités. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux partent en France ou ailleurs. C'est un bon championnat, mais qui est différent et avec moins de moyens. Après les conditions sont très bonnes, notamment dans mon club. Comme on est entourés par les clubs de foot, on a de bonnes infrastructures donc ça nous aide aussi".
L'occasion de se frotter aux grands d'Europe
Pour sa première saison avec le club de Lisbonne, Étienne aura connu une première déconvenue en Coupe d'Europe, avec cette élimination en quarts de finale, par Montpellier. Une défaite à un petit but sur le total des deux matchs qui aura fait mal aux Portugais : "La marche était peut-être trop haute. Ça a forcément été un échec, tu ne prépares jamais un match dans l'objectif de le perdre, d'autant qu'on s'incline d'un but. Mais derrière, ça motive forcément quand tu entames une nouvelle saison".
La motivation retrouvée, le Sporting s'est jeté dans cette Coupe d'Europe version 23/24. Pour le moment invaincus en championnat, les coéquipiers d’Étienne ne peuvent pas en dire autant en European League. Avec deux défaites en phases de groupes, la prudence est de mise, surtout avant d'affronter le Füsche Berlin : "On prend les matchs les uns après les autres, d'autant plus qu'on n'est pas imbattables. Là, on se retrouve avec le Dinamo Bucarest et le Füsche Berlin, c'est des équipes qui ont un niveau Ligue des Champions. Certes, on a battu le Dinamo à la maison, mais là, c'est un match à l'extérieur donc on prend notre temps, on avance et on verra après".
Un témoin du développement portugais
Lui qui côtoie plusieurs internationaux Portugais (les frères Martim et Kiko Costa, Pedro Portela ou encore Salvador Salvador), il est aux premières loges pour attester de l'évolution du handball portugais. Auteur d'un excellent Euro, le Portugal a surpris plus d'une nation et certainement plus d'un spectateur, mais pas l'ailier gauche : "C'est un handball qui évolue beaucoup. Quand je jouais à Tremblay, j'étais avec Pedro (Portela) donc je le voyais déjà un peu. Et puis quand je suis arrivé ici, je vois comment ça travaille, notamment les gros clubs. Le championnat évolue, les jeunes arrivent vite et fort, ils évoluent rapidement à haut niveau, tu en as plusieurs qui jouent la Coupe depuis 2/3 ans déjà donc c'est bon signe pour le futur de leur nation. Leur résultat à l'Euro ne m'a pas surpris".
Des jeunes qui montent vite, des cadres expérimentés qui encadrent et partagent leur savoir-faire, voilà la clé de la réussite récente du handball portugais. On a pu le constater sur le dernier Euro, avec une moyenne d'âge à 24 ans, le Portugal était l'une des plus jeunes nations de la compétition. Faire confiance aux jeunes, est-ce un modèle à adopter aussi en France ? "C'est différent. En France, tu as beaucoup de joueurs. Tu peux faire monter des jeunes, mais derrière ceux qui sont déjà en place ne sont pas si vieux que ça et force est de constater que ça leur a bien réussi. Ici les jeunes qui sont forts, on les repère vite puisqu'ils sont au-dessus de la moyenne. En France, on peut citer pas mal de joueurs qui ne sont pas en Bleu, mais qui ont le niveau, parce que tu as déjà trois ou quatre joueurs devant eux".
Sa décision de quitter l'Hexagone pour rejoindre le Portugal aura été un choix plus que payant pour le joueur de 27 ans. Après un sacre mondial en 2015 avec les U19, Étienne décroche deux titres en une saison et côtoie dorénavant des internationaux, foule les plus grands parquets européens. Mais s'était-il déjà imaginé que tout ceci lui arriverait un jour ? "Sans prétention aucune, oui. Je sais que je me suis toujours entrainé pour aller plus haut, pour décrocher des contrats, c'est ce que j'ai toujours voulu faire de ma vie et je me suis conditionné pour. Il y a un peu de chance, mais je me suis toujours imaginé là où j'en suis".
À quelques heures d'affronter le géant Allemand, tout semble aller au mieux pour l'ailier gauche, lui qui aura connu de nombreux pépins physiques en France, avec près de 22 mois de rééducation, à cause de deux ruptures des ligaments des genoux. En espérant que la voie verte et blanche continue de lui sourire encore longtemps.
Théo Alleaume