LBE
La réalité des budgets et salaires...une élite toujours fragile

Avec 35,5 millions d’euros de budget cumulé et 22 millions consacrés aux salaires, la LFH affiche une base économique solide à l’orée de la saison 2025-2026. Mais derrière ces indicateurs flatteurs, plusieurs signaux d’alerte rappellent la fragilité du modèle français : cet été, des clubs comme Mérignac en LBE ou Nantes et Bergerac en D2F ont connu des épisodes houleux liés à leur situation économique.
Des budgets en progression, mais un trompe-l’œil
Les 14 clubs de LBE présentent cette saison un budget cumulé de 35,5 M€, soit un budget moyen de 2,53 M€, pour une médiane de 1,90 M€. En haut de l’affiche, Brest Bretagne Handball (8,36 M€) et Metz (4,99 M€) dominent largement, avec des ressources leur permettant de rivaliser avec les meilleures équipes européennes. Derrière, Dijon (2,87 M€), Besançon (2,35 M€) et Paris 92 (2,18 M€) constituent un second groupe capable d’atteindre régulièrement les places européennes.
Mais à l’opposé, plusieurs clubs affichent des moyens très réduits : Le Havre ne dispose que de 1,12 M€, et sort à peine d'une situation d'apurement, Sambre Avesnois de 1,16 M€ et Stella Saint-Maur de 1,47 M€. Ces budgets sont cinq à six fois inférieurs à ceux des leaders, ce qui traduit un fossé structurel difficile à combler. Cet écart rappelle que la LFH reste une ligue à deux vitesses, où quelques locomotives tirent la moyenne vers le haut tandis qu’une large base lutte pour maintenir son équilibre financier et sportif.
La masse salariale, un choix prioritaire
Sur les 22,1 M€ de masse salariale cumulée, Brest consacre 5,15 M€ aux salaires, Metz 2,95 M€ et Dijon 1,85 M€. La moyenne s’établit à 1,58 M€, mais la médiane chute à 1,13 M€, ce qui signifie que la moitié des clubs n’atteint même pas ce niveau. Dans plusieurs cas, les salaires absorbent plus de 60 % du budget global. Dijon consacre ainsi près des deux tiers de ses ressources à sa masse salariale. À l’inverse, Brest et Metz, malgré leurs moyens supérieurs, restent dans des proportions élevées mais un peu plus équilibrées (autour de 55 %).
Ce choix de consacrer la majorité des moyens aux joueuses et au staff est logique dans une logique de performance sportive, mais il réduit considérablement la marge laissée aux clubs pour investir dans le développement commercial, la formation ou le marketing qui sont les piliers pour structurer un club et le rendre pérenne dans le temps.
Des sanctions qui rappellent la fragilité du modèle
Cet été a brutalement rappelé la fragilité du système. Mérignac, Nantes, Bergerac ou encore Lomme ont été rétrogradés après examen de leurs comptes par la CNCG. Faute de garanties financières suffisantes, ces clubs n’ont pas pu conserver leur place en Ligue Butagaz Energie ou à ses portes. Ces sanctions posent une question dérangeante : quelle valeur donner aux chiffres officiels de budgets si, dans le même temps, certains clubs ne parviennent pas à honorer leurs engagements et disparaissent du paysage professionnel ? La progression globale cache en réalité une instabilité chronique qui menace la pérennité des championnats.

Un modèle trop dépendant des subventions
Le modèle économique français demeure largement conditionné par les subventions publiques et le soutien des collectivités. À la différence de la Bundesliga chez les garçons et dans une moindre mesure la Starligue, où les partenariats nationaux structurent les revenus, la LFH repose encore sur un tissu économique local parfois fragile. Cela se traduit par une grande disparité selon le territoire. Brest et Metz bénéficient d’une implantation forte et d’une visibilité européenne, quand d’autres clubs évoluent dans des bassins économiques plus restreints, où chaque variation de subvention ou de partenariat privé peut fragiliser la structure entière. La situation que traverse le handball féminin est similaire dans d'autres disciplines sportives féminines comme le football récemment avec les soucis financiers de la section féminine du club de Montpellier par exemple.
Des chiffres flatteurs, une attractivité limitée
Malgré des masses salariales conséquentes à l’échelle du sport féminin français, les rémunérations restent modestes comparées aux standards européens. Le salaire de base moyen en LBE tourne autour de 3 000 € brut mensuels (hors prime), auquel s’ajoutent primes et avantages : en moyenne 736 € par mois pour un loyer et 1 145 € par an à titre d'avantages en nature autre que le loyer d'habitation. Résultat : la LFH attire peu de stars internationales majeures, contrairement aux Balkans, où les clubs phares continuent de drainer les plus gros transferts avec la Hongrie et la Roumanie notamment. En France, seuls Brest et Metz disposent de la puissance nécessaire pour concurrencer sur ce marché, les autres privilégiant formation et recrutements ciblés faute de moyens. Si on se focalise sur la D2F, les montants sont beaucoup plus bas avec un salaire de base moyen de 1 309 € pour un avantage en nature de loyer à 509 € et d'autres avantages en nature avoisinant les 1 260 € par an.
Une ligue à deux vitesses
En définitive, les chiffres confirment la montée en puissance de la professionnalisation : environ 183 contrats pros sont recensés cette saison, un volume en progression constante pour 78 contrats professionnels en D2F. La LBE fait appel parfois à ses joueuses de centre de formations qui sont au nombre de 86 (sous convention). La D2F compte encore 17 joueuses amateurs dans ses effectifs. Là où le sujet semble encore très problématique, c'est le temps de travail alloué aux joueuses de D2F. Sur les 78 contrats pros, seulement 27 sont à plein temps contre 51 à temps partiel. Le fossé entre la D2F et la LBE est encore beaucoup trop grand, ce qui explique ces déséquilibres et ces problèmes financiers récurrents chaque été.
Des interrogations pour la saison à venir...
La saison 2025-2026 s’ouvre dans un contexte paradoxal : des chiffres en apparence solides, une structuration qui avance, mais des rétrogradations qui rappellent la réalité fragile du handball féminin français. La LFH avance, avec en perspective sans doute une réduction à 12 clubs à venir, mais son modèle reste précaire. Sans diversification des revenus (droits TV, sponsors nationaux malgré l'engagement et le soutien important de Butagaz depuis plusieurs années), la ligue risque de voir se répéter chaque été le même scénario : des annonces positives suivies de nouveaux coups de massue pour des clubs incapables d’assurer leur survie. Beaucoup de clubs appellent à se désolidariser de la tutelle de la FFHB pour gagner en autonomie et développer autrement la Ligue Féminine...et d'autres appellent à l'aide la FFHB pour les aider à se structurer.
Tous les chiffres annoncés dans cet article reposent sur la lecture suivante de la CNCG :
Les chiffres concernent les groupements sportifs (associations et sociétés sportives si le club est en société pour la gestion du secteur professionnel)
Pour les masses salariales, les chiffres sont issus des budgets prévisionnels transmis par les clubs (à la différence des chiffres communiqués la saison dernière qui correspondaient à la masse salariale autorisée par la CNCG) + pour les clubs ayant un secteur professionnel masculin, ces chiffres incluent la masse salariale de ce secteur et celui du secteur professionnel féminin (ex: Nîmes).