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Charles Bolzinger : " Je ne suis pas là pour calculer si je suis numéro 1, 2 ou 3 "
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Une semaine après la 3ᵉ place décrochée par les Bleus, Charles Bolzinger, gardien de l'équipe de France, nous a accordé une interview dans laquelle il se livre avec lucidité et sincérité pour Handnews, en revenant sur le début de sa carrière, ses performances sous le maillot des Bleus ainsi que les échéances avec son club de Montpellier.
Auteur d'une parade improbable ayant permis à l'équipe de France de repartir du Mondial avec une médaille, l'Héraultais espère confirmer sa dynamique. Meilleur gardien de la saison 2022/2023 sous le maillot de Montpellier, il a connu une baisse de régime la saison suivante, n’étant que troisième gardien à l’Euro 2024 et non sélectionné pour les Jeux Olympiques. À 24 ans, il retrouve peu à peu le niveau qui lui avait permis de passer professionnel en mars 2021, s'inspirant de l'école nordique et du Danois Niklas Landin pour progresser.
Téléphone en main, à peine rentré du Mondial et tout juste installé après avoir vidé ses valises, Charles Bolzinger a pris une pause dans une semaine bien chargée, entre la qualification en Coupe de France, un match de Coupe d'Europe et un duel crucial face au HBC Nantes samedi soir en championnat, pour répondre à nos questions.
Handnews : Comment analyses-tu ta progression depuis tes débuts dans le monde professionnel ?
Charles Bolzinger : "Il s’est passé beaucoup de choses. Je pense évoluer de manière positive depuis le début, mais je reste lucide. Il y a eu de belles réussites, notamment lors de ma première année. Cependant, l’année dernière a été marquée par un gros passage à vide, et il a parfois été difficile de trouver la motivation pour aller à l’entraînement. Malgré tout, cette épreuve m’a forgé. L’échec de ne pas être sélectionné pour les JO m’a poussé à franchir un cap physiquement. J’ai consacré tout mon été au travail en me fixant des objectifs précis, notamment celui de participer au Mondial."
HN : Un coup de mou l’année dernière, n’est-ce pas dû au fait d’avoir été mis en lumière très jeune, sur un poste à responsabilité, qui demande parfois une certaine maturité ?
CB : "Effectivement, cela peut s’expliquer ainsi. Le rôle que j’ai pu avoir a évolué en fonction de mes performances, ce qui a entraîné une certaine pression, notamment de ma part. Ce sont des moments qui font partie d’une carrière, avec des hauts et des bas. Je suis quelqu’un d’assez pressé, avec des objectifs depuis toujours élevés, donc il y avait une grande part de frustration."
HN : Quand on parle de ta construction, de ta carrière, le fait d’avoir Branko Karabatic (le père de Luka et Nikola) comme parrain t’a permis de côtoyer l'excellence très jeune.
CB : "C’est sûr qu’ils ont eu une influence particulière sur moi, Niko et Loulou. Ce sont des gens qui représentent le sport à l’international, et ils sont peut-être des exemples pour beaucoup. Maintenant, c’est vrai que j’avais aussi les anecdotes à la maison. Nikola, quand tu t'ennuyais à la maison, tu devais prendre une corde à sauter... Ce sont des idoles, des modèles, et j’ai eu beaucoup de chance par rapport à ça. Je n’ai pas trop connu la période à la maison avec Niko et Loulou, car à ce moment-là, Loulou ne jouait pas encore au hand, et Niko était déjà en Allemagne. Après, malgré tout, j’ai passé quelques week-ends chez eux, et voir les posters dans les chambres, c’était vraiment un kiffe."
Pour l'anecdote, la mère des Karabatic travaillait dans une maison de retraite avec la mère de Bolzinger, tandis que le kiné de Nikola Karabatic, lorsqu'il était jeune, n'était autre que le père du gardien de l'équipe de France.
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Retour sur ses performances avec l’équipe de France
HN : Le fait de ne pas avoir été sélectionné pour participer aux JO 2024 , est-ce ton plus gros échec sportif depuis le début de ta carrière ?
CB : "C’est compliqué à répondre." Il se pose, réfléchit un instant avant de reprendre : " L’année 2023/2024 a été un échec global. Ça a vraiment été une année difficile, mais nécessaire pour ma construction future, car cela m’a aussi permis de travailler sur le plan mental."
HN : Au Mondial cette année, vous étiez très proches en termes de niveau avec Samir Bellahcene et Rémi Desbonnet, et tu étais encore 3e gardien au début de la compétition. Est-ce que cela a généré une certaine frustration ?
CB : "Il y a eu de la frustration parce que j'avais raté mon match contre les Tchèques en préparation, donc je suis sorti avec des regrets. La décision du coach Gille a été plus facile à prendre dans le sens où j'avais raté ce match, je me suis tiré une balle dans le pied. La blessure de Samir m’a fait mal au cœur, mais c’était aussi ma chance d’aller chercher quelque chose avec ce groupe, et c’est ce que je retiens. Ça a été touchant quand il est parti, mais c’est vrai qu’aujourd’hui je suis rentré avec une médaille, et je me sens fier de moi, car je la mérite réellement. Celle de l’Euro 2024 est très belle, mais je n’y ai pas contribué plus que ça, malgré tout."
HN : Comment expliques-tu cette défaite contre les Croates ?
CB : "On prend une marée dès le début du match. Après, on essaie de se battre. Ce qu’il faut retenir, c’est l’état d’esprit qu’on a eu en seconde mi-temps. On reviendra là-dessus quand on se retrouvera. On a perdu ce match, il y aura des enseignements à en tirer, mais il faut retenir la deuxième mi-temps où l’équipe a montré une vraie réaction d’orgueil."
HN : À la suite de cette 3e place, tu disais à nos confrères de L'Équipe que ce groupe est fait pour gagner. Qu’est-ce qui te permet de dire ceci aujourd'hui ?
CB : "Il n’y a pas un entraînement sans chambrage, pas un joueur qui ne veuille pas gagner, même pendant l’échauffement. Tout le monde se tire la bourre tout le temps. Il n’y a que des compétiteurs, que des gars qui savent très bien jouer au hand et qui sont au service de l’équipe de France. C’est un groupe nouveau, prêt à écrire son histoire, avec des jeunes qui n’ont encore rien gagné, comme Thibaud et Aymeric, qui avaient pour la première fois de vraies responsabilités, mélangés à des joueurs expérimentés, mais qui restent jeunes, comme Dika Mem ou Yanis Lenne."
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HN : Cette parade à la fin du Mondial, qui a permis à la France de gagner face aux Portugais, t'a valu d'être plébiscité. Penses-tu que tu as gagné des points dans l'esprit du sélectionneur ?
CB : "Au-delà de la parade, je suis content de ma compétition, malgré l’accroc de la demi-finale. Cette compétition m’a surtout fait grandir en tant que joueur. Nous sommes tous au service du groupe, je ne suis pas là pour calculer si je suis numéro 1, 2 ou 3. J’essaie juste d’être prêt quand on a besoin de moi. Je suis au service de l’équipe."
HN : L’héritage des gardiens, après avoir eu Omeyer et Gérard qui ont porté le maillot de l'équipe de France, n’est-il pas trop lourd à porter ?
CB : "C’est sûr que ces deux personnes sont importantes pour le handball français, par leurs titres et leurs performances, c’est indéniable. Mais aujourd’hui, si je commence à réfléchir à ce que faisaient les anciens, je ne suis pas sûr de pouvoir faire pareil. On sait qu’avant nous, il y a eu des joueurs exceptionnels qui ont marqué l’histoire. Maintenant, c’est à nous d’écrire notre propre histoire, à la fois collectivement et individuellement. C’est le plus grand défi de l’équipe de France. Il y a eu de très belles choses réalisées, et c’est aussi inspirant de voir ces parcours."
Analyse des objectifs avec son club de Montpellier
Celui qui a joué ses premières minutes avec le maillot bleu un 14 janvier 2023 face à l'Arabie saoudite a pris le temps aussi de revenir sur les performances de son club de Montpellier et sur sa relation avec Rémi Desbonnet, son partenaire en sélection et en club.
HN : Te retrouver avec Rémi en club et en sélection est-il une force pour toi ?
CB : "On s’entend super bien, on a plein de moments où on n’a même pas besoin de parler, juste à se regarder pour se comprendre. Sur le match de la 3e place, il a eu des mots super pendant le temps mort. C’est vraiment un plus, la relation grandit d’année en année. On se fiche de savoir qui est dans le but, l’essentiel, c’est qu’il y ait des arrêts, que ce soit lui ou moi."
Pour l’instant, j’ai un contrat jusqu’en 2027. Je ne me suis pas vraiment posé la question.
HN : Vous êtes 3e à la mi-saison avec 2 défaites, l'une face au PSG et l'autre face au HBC Nantes, ainsi qu'un point laissé face à Toulouse. Quel regard portes-tu sur cette première partie de saison ?
CB : "On a perdu contre les deux gros, ce qui nous met un peu derrière. Le match nul face à Toulouse nous a aussi fait mal. Malgré tout, je pense qu’on a une belle dynamique. On a de très bons joueurs partout, il faut qu’on continue d’avoir confiance en nous. On est encore présents dans toutes les compétitions auxquelles on était engagés en début de saison, ce qui est aussi positif. La saison est longue. On a déjà été premiers à la trêve et deuxièmes à la fin, donc il peut encore se passer beaucoup de choses. Le groupe a vraiment envie d’aller chercher des titres."
HN : Tu n’es pas frustré par ton temps de jeu en championnat de France alors que tu es international français ?
CB : "Évidemment, on veut jouer tout le temps. C’est le sport de haut niveau. Mais c’est aussi ça, être dans un grand club comme Montpellier. On sait qu’il y a de la concurrence, et c’est à la fois agréable et frustrant. On veut tout jouer, mais on est aussi obligé de partager. C’est aussi ce qui fait la force du club et qui permet aux joueurs de progresser."
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Est-ce que tu te vois rester longtemps à Montpellier, ou un départ pourrait-il être envisageable ?
CB : "Pour l’instant, j’ai un contrat jusqu’en 2027. Je ne me suis pas vraiment posé la question. J’essaie de ne pas trop me projeter et de rester concentré saison après saison."
Quel est le joueur qui t’impressionne le plus à Montpellier ?
CB : "Valentin Porte, pour moi, c’est vraiment un exemple au quotidien, tant dans le travail que sur le plan mental. C’est quelqu’un qui montre l’exemple à travers son travail, il ne se plaint jamais. C’est le type qui va toujours au charbon. On ne fait plus des gars comme ça, à l’ancienne. Il est capable de mettre le nez là où personne n’oserait même mettre la main."
Si tu avais la possibilité de demander à ton président de recruter un joueur, avec qui aimerais-tu évoluer ?
CB : "Après une longue réflexion, et avec un brin d'humour, il déclare : Même si je risque d’avoir un peu moins de temps de jeu, Emile Nielsen, pour voir au quotidien son rythme de travail, observer s’il y a des choses à prendre qui pourraient vraiment me convenir, ou si tout lui est propre, et dans ce cas, on dit respect.
Celui qui mesure 1m98 a pour ambition de tout rafler lors de cette deuxième partie de saison. Il espère aider son équipe samedi soir lors d'un match déjà crucial pour les Montpelliérains en championnat face au HBC Nantes, qui pourrait leur permettre de revenir à un petit point de ce dernier. Du côté des Bleus, son arrêt face au Portugal, dans un match couperet, pourrait peut-être lui permettre de s'imposer en tant que numéro 1, un poste où les interrogations sont nombreuses depuis les retraites d'Omeyer et Gérard."
Félix Landais