LNH
Le feuille de match à 16, une bonne idée ?
Ljubomir Vranjes et Alfred Gislason le réclament à corps et à cris depuis plusieurs saisons en Bundesliga, l'EHF l'a adopté il y a quelques années maintenant, le principe d'une feuille de match à seize joueurs débarquera la saison prochaine en LNH. Si les instances parlent d'harmonisation avec les compétitions européennes, qu'en pensent les techniciens ?
Dès septembre prochain, les coachs de LNH et de Pro D2 auront la possibilité de coucher sur la feuille de match seize noms au lieu des quatorze autorisés jusqu'à présent. Pas forcément une mauvaise chose, quand on sait les calendriers surchargés auxquels doivent faire face les coachs dont les équipes sont engagées en coupe d'Europe. Mais pour les autres, le bénéfice sera sans doute plus limité, comme en témoigne Franck Maurice le technicien de l'USAM Nîmes : "C'est sûr que cela sera utile si certains vont jouer en coupe d'Europe à l'extérieur le samedi et enchaîne avec un autre voyage en championnat quatre jours après. Maintenant, pour les clubs qui n'ont pas ce genre de contrainte, cela ne va pas changer grand chose. Pire cela pourrait nous causer quelques problèmes...". Des problèmes ? Eh oui, car le règlement en matière de brûlage des joueurs, qui est, lui, dicté par la fédération, est assez contraignant. "Si un joueur joue douze matchs avec l'équipe première, il ne peut plus descendre jouer avec la réserve", explique Thierry Anti, le coach du HBC Nantes et à la tête de 7Master, l'association des entraineurs de handball. "Si on met seize joueurs sur la feuille de match, ce n'est pas pour cela que les jeunes vont plus jouer. Sauf que s'ils sont sur la feuille de match, ils ne pourront plus jouer avec la réserve par la suite."
Pas de modification des statuts FFHB cette saison
Un problème qui n'a pas manqué d'être soulevé par certains mais qui n'a pas empêché la mesure d'être adoptée hier. Et une contrainte de plus pour les clubs qui s'appuient majoritairement sur la formation, soumis comme tous les autres à la règle des 30% de joueurs formés localement. "Cette mesure ne nous coutera rien, j'en profiterai à domicile quand cela sera possible car cela peut proposer des opportunités intéressantes pour les joueurs comme pour les coachs. Mais il va falloir très rapidement faire évoluer les règles qui régissent la possibilité pour les jeunes joueurs de jouer en LNH et avec les réserves le weekend", appuie encore Maurice. Toutes ces règles ont été mises en place pour protéger la formation des jeunes joueurs français mais pourraient bien devenir caduques avec cette nouvelle évolution du règlement. Seul souci, leur modification ne pourra être entérinée que par la prochaine assemblée générale de la FFHB, prévue en... avril 2017. "Les règles dépendent de la FFHB avec qui nous sommes en discussion permanente", tempère Etienne Capon, le directeur général de la LNH. "Effectivement faire monter des joueurs qui n'avaient pas forcément la vocation à évoluer avec les équipes premières pour les priver ensuite du match en réserve peut être un mauvais calcul. Mais les choses vont évoluer". Reste que Thierry Anti n'en démord pas et ne veut pas revivre la situation vécue cette saison, où il a dû priver Florian Delecroix des derniers matchs de Nationale 1 après qu'il a évolué plus de douze fois en LNH. "Le mieux aurait été de faire évoluer les règles à l'AG en avril dernier avant de faire passer cette réforme sur la feuille de match", concède-t-il. "Tout se fait de manière un peu précipitée, au détriment des jeunes joueurs qui vont se voir obligés de choisir entre faire du banc en première division et jouer avec la réserve".
Vue d'un bon œil par les grosses écuries
La réforme, portée par l'UCPH (l'union des clubs professionnels), est évidemment vue d'un bon œil par tous les clubs de haut de tableau, mais pas que, puisque la moitié des coachs de Starligue, rassemblés au sein de 7Master, y était favorable. Mais, plus surprenant, une majorité des clubs de Pro Ligue ont demandé à pouvoir, eux aussi, bénéficier d'une feuille de match élargie. Curieux, quand on sait que certains se déplacent à l'extérieur sans kiné et que les budgets sont au plus serré tous les ans. Sans parler de l'absence d'obligation de présenter 30% de joueurs formés localement. "On vient d'intégrer la Pro D2, on modifie le nombre de joueurs sur la feuille de match... On a l'impression que tout se fait de manière un peu précipitée", rajoute Anti. "Cette réforme a été portée par l'UCPH et certains clubs la voulaient plus que d'autres. On ne va pas se mentir, on ne parle pas des clubs les plus pauvres. Il y a du bon dans cette affaire, mais les choses n'ont pas été faites dans l'ordre".
"Plus on va attendre, plus les clubs vont adhérer"
Du côté des instances, on ne partage pas forcément cette vision, comme le confirme Etienne Capon : "Cette réflexion ne date pas d'hier, puisque les clubs ont soulevé le problème depuis 2014. Tout le monde a eu le temps de réfléchir aux conséquences qu'un tel changement allait entrainer". Avant d'arguer que d'ici quelques années, tout le monde sera content de cette réforme : "La réflexion d'aujourd'hui ne sera pas forcément celle de demain. Effectivement, la demande est venue au départ des grosses cylindrées, les plus demandeuses pour l'harmonisation des effectifs. Si certains trouvent ce changement un peu prématuré, la majorité était d'accord. Et plus on va attendre, plus les clubs vont en profiter et donc adhérer à cette majorité". Bilan des courses, le PSG pourra donc aligner les stars sur son banc de touche la saison prochaine. Les plus petits devront attendre encore un peu pour profiter pleinement de ce changement qui devrait, à terme, bénéficier à l'ensemble des clubs de l'élite.
Kevin Domas