Starligue - Istres
Une dernière pour Théo Derot avant de prendre son envol
La saison passée, le monde du handball n'avait fait qu'un, par tous les moyens, pour soutenir Théo Derot dans une terrible épreuve. Après avoir vaincu la maladie et être revenu rapidement (au printemps 2018) sur les parquets de Starligue, l'arrière gauche istréen (arrivé à l'hiver d'Aix), fera sa dernière ce jeudi face à Ivry, son 136e match en première division. L'occasion de revenir sur sa belle carrière.
La saison se termine et Istres est assuré de rester en Starligue la saison prochaine. Un soulagement quand on sait que le club ne comptait que deux points à la trêve hivernale. Quoi de mieux donc pour fêter le départ et l’arrêt de carrière de l’enfant du club, Théo Derot. A seulement 26 ans, l’arrière gauche istréen, né à Nîmes, se retirera des terrains pour un tout autre projet. Un choix qui n’est pourtant pas évident, mais qui est pleinement assumé, gonflé de pragmatisme pour celui qui voudrait décrocher son diplôme de pilote de ligne d’ici trois ans. « L’hiver 2017 a été assez long pour moi, j’étais en soins et quand j’étais à la maison c’était que du repos et on envisage la suite, on prépare toutes les éventualités, explique l’arrière gauche. A ce moment-là, le seul objectif était de guérir et je ne pensais pas vraiment au handball. Je me suis laissé rêver à penser à un autre avenir que le handball. Quand j’ai vu que je guérissais bien et que j’allais revenir en forme, je me suis remis dans le hand, mais j’ai senti que rapidement mes limites physiques avaient changé. Un traitement comme celui-ci, physiquement, ça marque et on ne revient pas comme avant. Le fait d’avoir réfléchi pendant ces longs mois d’hiver, associé à un retour physiquement compliqué, ça m’a amené à voir l’avenir différemment ».
Un choix qui n’en reste pas moins courageux pour celui, qui en 2016, participait à l’Euro en Pologne avec l’équipe de France et qui a vécu deux belles années à Nantes ( ndlr: une troisième place en Coupe EHF, une participation à la ligue des Champions et une Coupe de France avec le H). "Je retiendrai que j’ai fait partie d’une des dernières compétitions avec les « légendes », Daniel Narcisse, Thierry Omeyer etc… C’était fantastique, avoue-t-il. Porter les couleurs de son pays, même si je ne l’ai fait qu’une fois et que j’ai quelques sélections, c’est quelque chose qu’on ne pourra pas m’enlever et que je garderai pour toujours » admet-il. C’est d’ailleurs lorsqu’il était à Nantes, que cette épopée en bleu est arrivée, une belle parenthèse de deux saisons qui resteront aussi de grands souvenirs pour lui. « J’ai rencontré des gens formidables qui sont devenus des amis. Même au niveau des supporters et des Nantais j’ai vraiment été très bien accueilli, reconnait l'ancien du H. Ce sont des gens que j’apprécie beaucoup, je l’ai vu quand j’ai été malade. Ils m’ont beaucoup soutenu, même de la part de simples supporters que je ne connaissais pas personnellement mais qui m’ont envoyé beaucoup de messages qui m’ont vraiment touché. Quand je fais le bilan, à quelques jours de la fin, je me dis que cette aventure à Nantes a été la plus belle aventure de ma carrière ».
Pour autant, c’est le mal de son sud natal, où résident encore sa famille et ses proches qui l’a poussé à revenir poser ses valises dans les Bouches-Du-Rhône, à Aix, à quelques encablures de l’endroit de ses débuts. « Quand je suis parti, ça a été le tournant. J’avais l’opportunité de rester à Nantes mais je ressentais le besoin de rentrer près de chez moi. Le projet d’Aix était alléchant, avec l'Arena, la coupe d'Europe et le fait d’être proche de ma famille et de mes proches. C’est la seule chose dont j’ai souffert à Nantes, d’être loin de ma famille et de vivre seul, même si j’avais beaucoup de connaissances là bas. C’est vraiment l’aspect familial qui me manquait». Tombé malade à l'été (un lymphome de Hodgkin, un cancer du système lymphatique), il a été difficile par la suite d'atteindre les objectifs sportifs qu'il s'était fixé avec un club qui l'a aidé à passer cette passe difficile. "Sportivement ça n’a pas été abouti comme je l’espérais et ce n’est un secret pour personne. Si je suis parti avant la fin de mon contrat c’est que, sportivement, le club et moi ne sommes pas allés là où on espérait. Humainement ils ont été présents quand j’étais malade et ça a été aussi important. Mais humainement je ne regrette rien."
L'aviation comme deuxième passion
Une fois à Aix, lorsque sa maladie est vaincue, il se met à appréhender sa deuxième passion, l’aviation, qui l’anime depuis son plus jeune âge. « Cette passion je l’avais depuis tout petit. J’ai choisi le hand parce que, depuis mes 13-14 ans, je voulais devenir joueur de hand pro. Quand on veut faire de l’aviation il faut faire des grosses études, difficiles à concilier des études intensives avec notre rythme de sportif de haut niveau. J’ai donc choisi le hand et j’ai eu une petite carrière dont je suis assez fier et j’en ai tiré que du bon. A ce jour je me sens prêt à passer à autre chose pour suivre mes études pour suivre cette deuxième passion ». Les premiers vols s’enchaînent donc, six mois après le début de ses cours au sol, dans des engins légers, non loin d’Aix. C’est donc dans cette voie que Théo Derot s'engagera, après une despedida à Istres, très certainement chargée d’émotion, avec ses proches, face à Ivry ce jeudi. Ses prochaines échéances seront donc à l’automne prochain, où il passera deux concours pour deux écoles différentes, dans lesquelles il pourra toucher d’un peu plus prêt la porte du cockpit d’un avion de ligne. Dix ans après avoir réussi son bac ES et avoir connu de (très) beaux moments sur les parquets de handball, il faudra se replonger dans les révisions, de maths, de physique et d’anglais (qui ont déjà commencé) pour pouvoir décrocher ce diplôme. « Mon Bac Es remonte à 2009, il faut s’y remettre !... Comme il y avait le maintien, j’ai préféré me consacrer à ça. Maintenant que le maintien est assuré je peux attaquer mes révisions. On se revoit dans trois ans et on en reparle" sourit-il, dans sa bonne humeur habituelle. Il faudra donc profiter comme il se doit de ces dernières soixante minutes qui se présentent à lui sur le parquet de la Halle Polyvalente d’Istres avant de voler vers d’autres horizons...
Maxime Cohen.