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Luc Abalo, dernière tournée de plaisir
Selon toute vraisemblance, Luc Abalo mettra un terme à sa carrière après les Jeux Olympiques de Tokyo. Après une année 2021 remplie d'obstacles, le mythique ailier droit tricolore s'envolera pour le Japon pour prendre du plaisir avant tout.
Trois matchs. C’est tout ce qu’aura joué Luc Abalo entre le le 5 avril, date de sa dernière sortie avec son club norvégien d’Elverum, et le décollage pour Koshu, où l’équipe de France prendra ses quartiers à partir du 13 juillet, avant d’entrer au village olympique. Depuis la fin du championnat du monde, l’ailier droit bleu n’a pas pu revenir en Norvège, barré par les autorités qui ne lui reconnaissent pas son statut de résident. Le pays, barricadé depuis le début de la pandémie, a fermé ses frontières, et Abalo, titulaire d'un statut d'artiste, a été condamné à revenir en France, malgré les négociations de son club.
Depuis, il a pris ses quartiers à la Maison du Handball à Créteil. “Quand un membre de la famille est en difficulté, c’est notre devoir de l’aider. On n’a pas hésité quand on a pris connaissance de la situation de Luc” disait le président de la fédération Philippe Bana il y a quelques semaines. Si, au printemps, Abalo a eu la possibilité de se dégourdir les jambes alors qu’Elverum jouait toutes ses rencontres de Champions League à l’extérieur, depuis, c’est morne plaine. Deux rencontres de qualification au championnat d’Europe au mois de mai, et c’est tout. “Au final, j’ai joué pour la dernière fois début mai, donc ça va, ça reste gérable. Quatre semaines sans match, ce n’est pas très long” sourit Abalo depuis Créteil, où il a repris ses quartiers pour la préparation des Jeux Olympiques. "C'est certainement le plus frais de nous tous mentalement" sourit Michaël Guigou, son compagnon de chambre de toujours. "Les derniers mois ont été compliqués pour lui, mais je le trouve très motivé. Quand on n'a pas entrainement, il va encore faire des shoots tout seul dans la salle, il n'est pas du tout marqué."
"Avec le temps, j'ai évolué"
A 36 ans, et à l’heure d’aborder la dernière grande échéance de sa carrière avec l’équipe de France, Luc Abalo veut avant tout voir le positif dans cette épreuve, qui arrive au terme d’une saison sans doute encore plus spéciale pour lui que pour les autres bleus restés dans l’hexagone. “Ces dernières semaines m’ont permis de faire autre chose et j’espère qu’elles vont me servir pour la suite. Avec le temps, j’ai évolué sur ma façon de voir les choses de la vie qui pourraient être négatives. C’est une des choses que j’ai traversées dernièrement qui, je pense, m’ont permis de m’améliorer” souligne-t-il sobrement.
Et des obstacles, ces derniers temps, l’Ivryen a du en surmonter un certain nombre. Un isolement forcé, oui, mais surtout la perte de son père en décembre dernier, peu avant la préparation pour le championnat du monde en Egypte. La bulle sanitaire mise en place autour de l’équipe de France n’a pas permis à Lucio de se rendre à son enterrement, laissant l’ailier tricolore à fleur de peau pendant la compétition. Celui-ci n’avait d’ailleurs pas caché son abattement après la défaire lors de la petite finale face à l’Espagne. “Mon frère m’avait demandé de bien jouer et de ramener une médaille, et ne pas y arriver m’avait affecté. J’étais triste de ne pas avoir pu aller à l’enterrement de mon père, triste de ne pas y arriver” se souvient-il.
"Qu’on gagne les Jeux sans prendre de plaisir, ça me rendrait triste"
Alors, au retour de l’Egypte, Abalo a noyé sa déception dans le sport. Crossfit, basket tous les jours, “pour ne pas rester inactif”. De la peinture aussi, beaucoup, sa passion de toujours dont il espère vivre après la fin de sa carrière. Qui est pour bientôt, peut-être même pour la mi-août, après une dernière campagne olympique qu’il aborde avec un détachement presque surprenant. Demandez au double champion olympique de vous parler de sa première breloque aux anneaux, à Pékin en 2008, et il vous répondra que c’était “un bel accomplissement professionnel, mais pas le plus beau jour de ma vie”.
Il montera dans l’avion pour le Japon avec la ferme intention de prendre du plaisir, son carburant numéro un toutes ces années. “Ce qui m’anime, sur le terrain et dans la vie, c’est de partager les émotions qui m’entourent. Qu’on gagne les Jeux sans prendre de plaisir, ça me rendrait triste. Tout ça, je le vis pour être avec des coéquipiers que j’aime et que j’apprécie” termine-t-il. Mais avant de faire profiter ses potes de l’équipe de France de ses dernières arabesques, il sera en représentation, peut-être pour la dernière fois, ce soir, dans un Coubertin qu’il a enchanté pendant huit ans avec le Paris Saint-Germain.
France - Egypte, lundi 05 juillet à 19h00 (en direct sur beIN Sports 3)Kevin Domas