EdF (M)
Mauvaise carburation pour le Mondial en Pologne
Après avoir traversé un tour principal de championnat du monde aussi long qu'un jour de pluie, l'équipe de France aborde, enfin, des matchs serrés ce dimanche. La formule actuelle de la compétition est-elle encore la bonne ?
En ouvrant à trente-deux équipes son championnat du monde en 2021, la fédération internationale ne cachait pas son objectif : ouvrir la plus grande compétition mondiale à des pays qui n'y avaient pas accès auparavant. Forcément quelque chose de positif, donc, alors que la consanguinité européenne du handball pourrait, à terme, avoir raison de sa place au programme des Jeux Olympiques. Si les inconvénients de cette formule étaient passés relativement inaperçus en 2021 en Egypte, ils sautent cette année au yeux de tous. Avec notamment un tour principal à rallonge, où des équipes se retrouvent éliminées, parfois dès la première journée. Des sélections sans référence au plus haut niveau ont certes réussi à décrocher leur sésame pour la deuxième phase du Mondial, mais à l'image des Etats-Unis ou de l'Iran, se retrouvent épuisées, laissant de nombreux matchs sans enjeu à disputer, comme le France-Iran de vendredi soir. "Franchement, ça faisait pas rêver..." glisse un membre de la délégation tricolore. Kentin Mahé fêtant son pénalty à 18h30 un mercredi face à des tribunes vides (photo), on a effectivement vu mieux...
"Casse-tête de trouver la bonne formule"
Si la formule laisse sans doute à désirer, il faut néanmoins reconnaitre que la tâche de l'IHF n'est pas aisée. Comment intégrer des nations, pour la plupart non-européennes, dans une formule où elles cotoient des sélections où figurent les meilleurs joueurs du monde ? "C'est un casse-tête de trouver la bonne formule, d'arriver à intégrer des équipes qui ont besoin de jouer contre une forte adversité pour progresser. Mais en ménageant la chèvre et le chou, on arrive à des situations un peu cocasses" note Guillaume Gille, le sélectionneur de l'équipe de France. Si lui voit certainement d'un bon oeil d'avoir pu affronter l'Iran ou l'Arabie Saoudite et donc, d'avoir pu faire tourner son effectif, certains de ses joueurs ont pu trouver le temps long. Et la perspective de jouer un France - Espagne sans grand enjeu dimanche ne fait pas non plus lever les foules. "Ce n'est pas faire la pub de notre sport que de jouer ce match sans qu'il y ait de l'enjeu" continue Gille.
Triste spectacle devant des tribunes vides
L'impression de longueur n'est certainement pas aidée par les tribunes vides de la Tauron Arena. Si le Spodek de Katowice, notamment lors du match d'ouverture face à pays-hôte, avait offert un sacré spectacle, les rangées de sièges gris vides de la salle de Cracovie n'incitent pas les joueurs à l'enthousiasme à l'heure d'entrée sur le parquet. "La Pologne est éliminée, peut-être que c'est pour ça que les gens ne se déplacent pas. Mes parents me disaient qu'en ville, il y avait beaucoup moins de publicité pour l'événement qu'en 2016" dit Ludovic Fabregas, tandis que Guillaume Gille évoquait "l'inflation, la guerre pas loin d'ici. On peut comprendre que les gens aient des choix à faire. Et quand on connait la ferveur du public polonais, c'est sûr que son absence rend le spectacle un peu plus fade."
Revenir à un format avec plus d'éliminations directes ?
Alors que faire ? Revenir à une formule plus serrée, quitte à annihiler les efforts faits depuis plusieurs années pour développer le handball dans des pays où il n'est pas culturellement implanté ? Ou revenir à un format de compétition faisant la part belle aux matchs à élimination directe, quitte à mettre en danger certaines nations historiques ? "Pour avoir vécu d'autres formats de compétition, ceux-ci étaient bien plus lisibles pour le public et aussi, cela réglait le problème de l'intensité que les joueurs mettaient dans les rencontres" termine Guillaume Gille tandis que Vincent Gérard pointe les aberrations de cette formule à rallonge : "On voit de plus en plus que les équipes qui vont au bout finissent cramées, donc le système favorise les grandes nations avec un gros réservoir de joueurs. C'est un peu le serpent qui se mord la queue." De l'avis de beaucoup, le problème est complexe, pour ne pas dire insoluble. En attendant, comme dirait Yanis Lenne, "pour nous, la compétition a l'air un peu longue"...
A Cracovie, Kevin Domas