Enquête
Un calendrier... démentiel
Michaël Guigou est le dernier à s'être insurgé contre les rythmes infernaux infligés aux handballeurs cette saison. "Trois matchs en quatre jours à cette époque de l'année, c'est un peu n'importe quoi" déclarait le capitaine de Montpellier après le match face à Dunkerque et avant de rejoindre l'équipe de France pour participer à la Golden League au Danemark. Enquête.
L'ailier du MHB n'est que le dernier d'une longue série d'acteurs du handball européen à s'insurger contre les cadences infernales qui leur sont imposées. Déjà, en début de saison, Alfred Gislason, l'entraineur du THW Kiel, n'avait pas ménagé les instances de l'EHF. "Saison après saison, on tire de plus en plus sur les joueurs, et les clubs en pâtissent" déclarait l'Islandais. "On rajoute des compétitions, on change leur format pour les rendre plus attractives pour les sponsors, pour les médias, mais on ne demande pas leur avis à ceux qui font le spectacle, ceux qui sont sur le terrain. C'est n'importe quoi". Rémy Lévy, le président montpelliérain, ne nous confiait pas autre chose lors de la préparation estivale, où son club a perdu Mathieu Grébille pour un bon bout de temps, tandis que Claude Onesta admettait hier en conférence de presse qu'il y avait "un match de trop" au programme de la fin de semaine des Bleus.
Si les joueurs de LNH sont soumis à des rythmes intenses, que dire alors de ceux de Bundesliga ? Avec quatre équipes en plus en championnat, et une coupe d'Allemagne au format plus long que celui de notre coupe nationale, on atteint les huit matchs en plus que dans l'Hexagone, avec la seule absence de la coupe de la Ligue pour compenser. Et où les Allemands peuvent-ils caser ces matchs en plus ? Au mois d'août, puisque la Bundesliga a repris cette saison le 21/08, avec la coupe le weekend du 15/08 (deux matchs en deux jours, à la plus grande colère des coachs de l'élite), et dans la période des fêtes. Si la LNH finit le 12 décembre, la Bundesliga case trois matchs en quinze jours entre cette date et le lendemain de Noël. Une tradition outre-Rhin, dans des salles combles et dans une ambiance bonne enfant, mais qui sollicite d'autant plus les organismes.
Nous nous sommes attelés à comparer le nombre de matchs joués par les stars des deux championnats dans cette saison olympique, en comparant deux joueurs qui, en théorie, joueraient la Champions League en allant au Final Four de Cologne, iraient dans le dernier carré de l'Euro polonais et des JO de Rio, tout en ne manquant aucun match de compétition nationale en club.
LNH
Les joueurs de Montpellier et du PSG joueront, quoi qu'il arrive, 14 matchs de groupe de Champions League. Si ils ne parviennent pas aux deux premières places de leur groupe tout en se qualifiant, ils devront disputer un huitième de finale (2 matchs), suivi d'un quart de finale (2 matchs), avant d'atteindre Cologne (2 matchs). Ces vingt rencontres s'ajoutent aux 26 disputées en championnat et aux 3 de leur parcours en coupe de la Ligue. En coupe de France, les clubs de LNH entrent en lice en seizièmes de finale, et doivent donc disputer cinq matchs pour remporter la compétition. On arrive donc à 54 matchs officiels disputés en club, avec une trêve des matchs avancée cette saison au 16 décembre, date du Hand-Star Game (contre le 20 la saison passée). Pour l'équipe nationale, nous allons nous baser sur le planning de l'équipe de France, qui commencera sa saison internationale cette semaine avec la Golden League (3 matchs), une compétition qui compte trois étapes, donc neuf matchs au total. Ajoutez à cela les huit nécessaires pour l'emporter aux Jeux Olympiques de Rio et huit pour aller au bout de l'Euro polonais, on arrive donc à vingt-cinq rencontres internationales disputées par saison olympique. Il ne nous reste plus qu'à faire le total, et on arriva à 79 rencontres officielles disputées, pour un joueur de LNH, entre la toute fin août 2015 et fin juillet 2016.
Bundesliga
Le total est encore plus effrayant pour les équipes engagées en Bundesliga. Si les campagnes de Champions League et d'équipe nationales sont les mêmes, il faut y ajouter six matchs de rab de Bundesliga. La coupe d'Allemagne, dans son ancien format, nécessitait quatre matchs pour atteindre le Final Four hambourgeois, où les participants jouaient deux fois en deux jours. Changement de format cette saison, Final Four mi-août avec deux matchs contre des équipes de niveau inférieur, mais programme toujours aussi chargé. 60 matchs en club cette saison, voilà ce qui attend les candidats jouant sur tous les tableaux, comme le THW Kiel, le SG Flensburg-Handewitt ou Rhein-Neckar Löwen. Si on y ajoute les incompressibles 25 matchs internationaux, on atteint la barre des 85 rencontres disputées en plus d'un an non-stop, puisque les clubs allemands ont repris mi-juillet, que certains de leurs joueurs (les Danois ou les Français par exemple), peuvent espérer aller en finale à Rio. Le tout avec une pause de cinq jours à Noël, en guise de seules vacances.
Des pistes à explorer
Bien sûr, ces chiffres ne sont que de la théorie et il n'est pas forcé que chaque club réussisse dans toutes les compétitions. Kiel a été dans le dernier carré des deux dernières Champions League sans aller au bout de la coupe d'Allemagne, tout comme le PSG n'a jamais été en finale de toutes les compétitions qu'il disputait. Mais avec cet éclairage, les coups de gueule des différents coachs et joueurs se comprennent et devraient inciter les instances à réfléchir à des aménagements. Ljubomir Vranjes (photo de droite), le coach de Flensburg-Handewitt, avait suggéré plusieurs fois la saison passée qu'on ouvre les feuilles de matchs à seize joueurs, au lieu des quatorze actuellement autorisés. Ceci afin d'augmenter le nombre de rotations autorisées et d'amener des jeunes joueurs, susceptibles de reposer les éléments les plus utilisés. C'est une idée, il y en a certainement d'autres, mais la réflexion va devoir avoir lieu sous peine de tuer la poule aux oeufs d'or.
Kevin Domas