Dossier
LNH, Bundesliga, les nouveaux Eldorados des joueurs russes ? (3)
Des soucis de langue, des soucis de culture...Le deuxième volet de notre enquête sur l'adaptation des joueurs russes en LNH nous a montré l'étendue des obstacles qu'il leur faut surmonter. Mais qu'en est-il sur le terrain ?
Si les joueurs russes connaissent des difficultés à s'adapter en Allemagne ou en France dans la vie de tous les jours, la plupart ne sont également pas opérationnels de suite sur le 40x20. En cause, la formation à la russe qui les enferme dans des schémas tactiques stéréotypés et qui ne les prépare pas à ce qui les attend. "Les Russes sont des joueurs plus durs à adapter que les autres. On le voit avec ceux qui sont arrivés cet été, Pyshkin à Chartres, Komogorov à Nantes, ils ont du mal à sortir de ce qu'ils savent faire, de ce qu'on leur a dit de faire pendant des années" explique François-Xavier Houlet. "Ils ont tellement été habitués à jouer d'une certaine façon qu'ils n'arrivent pas à se lâcher. C'est comme si, même loin de chez eux, ils étaient toujours guidés par une espèce de main de fer...Il n'y a que les très bons, comme Zhitnikov, qui sont inventifs et capables de s'adapter". Thierry Anti, le coach nantais, va même plus loin dans son analyse : "Les Russes sont très disciplinés sur le terrain, mais ils sont beaucoup moins joueurs que d'autres. Dès qu'ils se retrouvent face à des défenses qui leur pose des pièges, dès qu'ils doivent être dans la lecture du jeu, ils sont en difficulté. La difficulté en LNH pour eux, c'est qu'ils font face à des défenses qui leur proposent autre chose que des 0-6 à plat". Le technicien ligérien s'en rend d'ailleurs compte avec Vitaly Komogorov, très à l'aise quand il s'agit de venir avoiner dans le secteur central, moins quand il lui faut jouer un duel. "Komogorov, par exemple, a été très bon face à nous, parce qu'on l'a laissé venir peser sur notre défense, prendre sa balle en course et tirer fort dans le secteur central" se souvient Pascal Léandri, le manager général d'Ivry, qui a vu le Russe marquer cinq buts face aux siens. "La preuve que quand on les installe dans ce qu'ils savent faire, ils sont très forts".
Une formation à l'ancienne
Mais la fédération n'aurait-elle pas intérêt à faire évoluer ses méthodes, pour mieux exporter ses joueurs et ainsi améliorer les résultats de la sélection nationale ? Sans doute que si, mais avec les mêmes personnes à la tête des clubs et de la fédération depuis des années, un grand ménage s'impose. "En Russie, la fédération bloque sur les anciennes méthodes, où tu t'entraines trois fois par jour et on ne te demande pas de réfléchir à ce que tu fais" nous explique Oleg Sapronov, toujours attentif à la situation dans son pays d'origine. "La seule solution serait un renouvellement à la tête de la fédération, avec des gens intéressés par le handball et pas par leur intérêt personnel". Et même si Chekhov a pendant longtemps porté le handball russe au niveau européen et fourni la sélection nationale en internationaux, la méthode d'une fédération centralisée uniquement sur un club est évidemment critiquable. "Pendant longtemps, Chekhov a accueilli tous les meilleurs joueurs russes, en les attirant avec la Champions League et des salaires mirobolants" explique François-Xavier Houlet. "Ca travaille bien dans d'autres clubs, notamment à Saint Petersburg avec Dmitri Torgovanov (photo de gauche)".
Maximov fait de la résistance
A la tête de Chekhov, on retrouve Vladimir Maximov (photo de droite), 77 ans, dont les méthodes ne font pas grand-chose pour faire changer les choses. "Le gros problème du handball en Russie, c'est lui" charge Oleg Sapronov. "Il est là depuis trente ans, fonctionne toujours avec les mêmes méthodes, c'est impossible pour les joueurs de progresser pour passer en équipe nationale. Chez nous, on a fini par comprendre qu'il mourrait sans doute sur le terrain !". Des méthodes qui passent notamment par une bonne soufflante dès que quelqu'un sort des clous dessinés par les coachs. Néanmoins, la fédération a décidé de confier les rênes à Dmitri Torgovanov et Lev Voronin, après la dix-neuvième place acquise par l'équipe nationale au Qatar sous la houlette d'Oleg Kuleshov qui venait lui même prendre la suite d'un règne sans fin de l'omnipotent Maximov. "C'est un début, mais il faut aussi que les changements passent par les clubs" concède Sapronov. "Tout est à reconstruire, il faut d'abord faire le ménage pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions pour progresser". Avant qu'ils puissent s'exiler et faire remonter la sélection nationale. "Même si ceux qui sont arrivés en France sont pour la majorité des seconds couteaux, ils vont sans doute en retirer beaucoup de positif" conclut François-Xavier Houlet. "Désormais, la majorité de la sélection évolue à l'étranger et certains dans de très grands clubs européens. La difficulté pour la sélection désormais va être de faire jouer tout ce monde ensemble pour arriver à des résultats".
Pas forcément adaptés au handball pratiqué en Allemagne ou en France à cause d'une formation défaillante, avec en plus une adaptation compliquée, les joueurs russes semblent être des paris risqués et souvent voués à l'échec. Quel est l'avis des techniciens ? Réponse dans la dernière partie de notre dossier.