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Le handball à l'aube d'une saison charnière
Alors que la saison de LiquiMoly Starligue débute ce soir, avec une rencontre entre Paris, tenant du titre, et Istres, le handball est à la croisée des chemins, quelques semaines après un nouveau titre olympique. La Liqui Moly Starligue peut-elle jouer un rôle moteur dans l'évolution du handball dans un futur proche alors qu'une partie de ses têtes de gondole françaises partent vers l'étranger ?
Le train est en train de passer, et il ne faut pas le rater. Les deux équipes de France ont remporté la médaille d'or aux jeux de Tokyo il y a quelques semaines, et dans les deux championnats élites de handball, la question est la même : comment surfer sur cette vague pour continuer à faire grandir un sport qui reste relativement confidentiel, comparé au football, au rugby, et même au basket. "C'est vrai qu'avec la perspective de Paris 2024 et les médailles de l'été passé, il y a un véritable alignement des planètes. Il ne suffit pas de médailles pour faire avancer notre sport, mais elles sont un vrai support d'exposition" souligne Patrice Canayer, le manager du Montpellier Handball. Mais pour faire grimper un sport dans le coeur des Français, il faut du temps, et du temps, il y en a peu. Alors il s'agit de mettre les bouchées doubles, histoire de ne pas voir les autres sports olympiques être les seuls à profiter de l'effet JO.
Un nouveau namer pour le championnat
Certains signaux sont, à l'heure qu'il est, positifs. La Ligue Nationale de Handball, dont le contrat de naming avec Lidl arrivait à son terme, a rapidement rebondi en trouvant en Liqui Moly, le fabricant d'additif et d'huiles pour moteurs allemand, son namer pour les cinq prochaines saisons. "On ne peut que se féliciter de cela, c'est une grande marque, connue dans l'Europe entière, et qui collabore avec des sports majeurs comme la Formule 1" continue Canayer. Mais un sponsor ne fait pas le printemps, et il en faudra plus pour mettre le handball à la Une des quotidiens nationaux. C'est toute une stratégie marketing qu'il faut mettre en place, et de toute urgence, à en croire les acteurs.
Et dans cette recherche effrénée de médiatisation, et donc d'expansion du handball français, on a encore l'impression qu'il y a pas mal de chemin à parcourir. Et ce n'est pas le départ des internationaux français pour l'étranger, que ce soit Nicolas Tournat en 2020, Melvyn Richardson cet été, ou Nédim Rémili l'été prochain, qui va faciliter les choses. Le fan lambda, attiré par le handball pendant la quinzaine olympique, risque d'avoir un peu de mal à retrouver ses champions dans les salles dans les prochaines années. "C'est toujours embêtant qu'un club comme Paris perde ses meilleurs joueurs français. Mais on ne peut pas nier que si le championnat de France est, sportivement, un des plus attirants, les meilleurs joueurs peuvent aller gagner plus ailleurs, tout en jouant la Champions League tous les ans. Si tu as un meilleur contrat en Pologne, avec la certitude d'être exposé toutes les semaines, c'est compliqué de convaincre les joueurs de rester" déplore de son côté Thierry Anti, l'entraineur du Pays d'Aix et président de 7Master, le syndicat des entraineurs. Son collègue istréen Gilles Derot est inquiet quant aux conséquences de cette vague de départ : "En termes d'images, c'est mauvais signe. On perd de jeunes joueurs, qui sont et qui seront le symbole de notre équipe nationale dans les années à venir. Je suis un peu inquiet."
Une stratégie à 360° pour conserver les internationaux français
Une des raisons qui pourraient motiver ces stars françaises, c'est bien de développer plus avant leur image de marque auprès du public français. Plus compliqué d'attirer les annonceurs quand on évolue à Barcelone ou à Kielce, plus simple si on est en contact avec ses fans en évoluant dans son championnat national. Mais encore faut-il y trouver son compte, dans une carrière qui n'excède pas la quinzaine d'années. "Le handball est un sport où on doit aider à la notoriété. Quand on garde Valentin Porte, qu'on prolonge des joueurs comme Yanis Lenne, on est dans cette optique de les accompagner à grandir, à la fois sur le plan sportif et sur le plan marketing" souligne Patrice Canayer, dont le club a choisi d'investir sur les néo-internationaux Karl Konan et Rémi Desbonnet (photo) à l'horizon 2022.
Le manager du MHB plaide pour une stratégie sur trois ans, une collaboration renforcée entre les clubs professionnels, la ligue et la fédération, pour mettre en avant le handball au maximum avant les prochaines olympiades. Des aménagements de calendrier sont prévus pour les garçons, alors que la volonté de la FFHB de faire jouer les sélections sur le sol national plus que d'ordinaire a été évoquée. "Je pense qu'il y a de nombreux axes de progression. Et il n'y a pas que sur le volet financier que la réflexion doit se porter. Il faut que les clubs continuent à bosser avec les jeunes français, sans forcément se tourner vers l'étranger, par exemple" termine Thierry Anti. Son club, le PAUC, a réussi à faire revenir Romain Lagarde cet été, le seul champion olympique à être revenu dans l'Hexagone cet été. Mais les conditions étaient réunies. "Il a consenti de gros efforts pour revenir, car il souhaitait rentrer en France pour des raisons personnelles. Mais sinon, un club comme Aix ne pourrait jamais faire revenir un joueur comme Romain" constate encore Anti. Comme on s'en doutait, la saison va être chargée sur les terrains, mais aussi en dehors. Car le temps presse, et le train de Paris 2024 n'attendra pas.
Kevin Domas