Proligue
Sélestat ou le chemin sinueux mais victorieux vers l’élite
Sélestat a remporté le titre de champion de France de Proligue au terme d’un week-end accompli à Dijon. Le SAHB retrouve la Starligue cinq ans après l’avoir quittée, au détriment de Cherbourg, trop court en finale, et en compagnie d’Ivry, meilleure équipe de la saison mais qui n’a pas su se mettre à la hauteur de ce dernier événement.
Sélestat outsider ? C’est le statut que beaucoup ont donné au club alsacien, cinquième de saison régulière (ex-æquo avec le quatrième Nice et le sixième Dijon), et effectivement l’équipe la moins constante sur la saison régulière par rapport à ses trois adversaires. « C’est toujours bien d’être l’outsider ! Tu as moins de pression, tu as juste à y aller et si on gagne, on gagne, et si on perd, personne n'attendait qu'on gagne ! On a moins de pression sur les épaules », expliquait Hakon Ekren, le demi-centre de Sélestat, après la victoire en finale contre son ancien club Cherbourg. Christophe Viennet, le coach alsacien, souriait la veille, après le succès peu attendu contre le vainqueur de la saison régulière, Ivry, de ce statut d’outsider attribué à son équipe par les observateurs. Après la finale, son demi-centre norvégien, le sourire aux lèvres, ajoutait : « C’est au moment où ça compte qu’il faut être le meilleur ! »
Un week-end rondement mené pour le SAHB
Sélestat a su saisir pleinement sa chance de revenir dans l’élite par la formule des Finales. Décevant à l’aller des play-offs contre Nice, l’équipe alsacienne s’est remobilisée sur la Côte-d’Azur pour disputer la phase finale à Dijon. Et dans ces matchs, il faut à la fois être capable de jouer son meilleur handball – ce que n’a pas réussi à faire Ivry la veille – et tenir son plan de jeu sur deux jours consécutifs. Cherbourg n’en a pas été capable en finale. John Nkonda, très frustré à la fin de la rencontre, reconnaissait la supériorité de son adversaire tout en regrettant les manques des siens sur cette rencontre. « Notre début de deuxième période nous fait mal. On n’arrive pas défendre suffisamment pour aider notre gardien et récupérer des ballons. 36 buts encaissés, c’est vraiment trop. » Son capitaine Maximilien Tike pointait lui aussi « le manque de rigueur défensive » comme explication à la défaite de son équipe.
Sélestat, à l’inverse, a joué sa partition parfaitement. « On a été un peu emprunté dans le début de match, mais au bout d’un quart d’heure on a réussi à se libérer, notait Christophe Viennet. Cherbourg a souhaité mettre beaucoup de rythme dans le début du match, mais j’ai le sentiment qu’ils n’ont pas réussi à tenir ce rythme. » Hakon Ekren, mais aussi Thomas Capella mettaient en avant le fait que leur équipe a probablement fait plus de rotation pour pouvoir tenir dans la durée. Leur coach en a profité pour repousser le champ lexical du rêve réalisé : « On avait travaillé pour, et on s’est donné le droit d’y croire. » C’est tout de même une belle histoire pour ce club, qui vient de passer cinq ans en deuxième division, et pour son entraîneur, qui s’apprête à quitter l’Alsace pour la Finlande et l’ambitieux club de Riihimäen Cocks. « J’avais envie de finir par la grande porte avec ce groupe. On travaille depuis trois ans, on commence à récolter les fruits. » Charge à Laurent Busselier, son successeur, de réussir à faire fructifier encore le travail de ces dernières années.
Le poids de la dynamique
Finalement, pour remporter les Finales de Proligue, pour être au rendez-vous dans ce week-end couperet, la dynamique dans laquelle est le club joue beaucoup. Pontault-Combault, demi-finaliste malheureux contre Cherbourg, est arrivé avec des pépins physiques, et n’a pas su tenir le rythme d’une équipe cherbourgeoise qui a pu se focaliser sur l’événement ces deux dernières semaines. Ivry, assuré de la montée depuis le mois d’avril, n’a pas réussi à remettre l’engagement suffisant pour faire face à des équipes qui n’avaient pas encore le sésame de la montée en Starligue entre les mains. Sélestat, à l’inverse, a su surfer sur une bonne fin de saison et des play-offs disputés pour arriver mentalement prêt, tout en tenant physiquement. « On a profité de la dynamique des barrages, et des six derniers matchs de championnat, soulignait Viennet. Sur ces six derniers matchs, un déclic s’est produit, l’équipe a mûri. » Cette confiance dans le jeu, avec des joueurs expérimentés à la hauteur – Thomas Capella avait donné le ton contre Ivry, les cadres Mehdi Harbaoui, Steven George ou Hakon Ekren étaient également au rendez-vous – et des jeunes pas impressionnés par l’enjeu, que ce soit Grégoire Plat, Tanguy Thomas ou encore Hugo Pimenta, a donné un avantage au SAHB, vraiment à la hauteur de l’événement.
Côté Cherbourg, on avait à cœur de ne pas tout jeter : la deuxième place est historique, et la saison réalisée est remarquable. Alors que Frédéric Bougeant ne s’est pas présenté devant la presse, son adjoint José Luis Villanueva a répété que son équipe « ne peut pas avoir de frustration », malgré cette ultime défaite. John Nkonda a été plus complet : « Ça n’efface pas la saison effectuée, on a fait une belle saison, mais on aurait aimé mieux la conclure. On aurait aimé offrir un cadeau à tout le monde et se faire plaisir en remportant le premier titre du club et la première accession en Starligue du club, malheureusement ce ne sera pas cette année. »
La question de la valeur du titre de champion
Au moment de la remise du titre, et après coup, les discussions sur la formule sont malgré tout revenues. Un champion de France de D2 avec 10 défaites en championnat au compteur ? Sélestat n’a pas volé sa montée, loin s’en faut. Mais de là à se dire que Sélestat a été la meilleure équipe du championnat cette saison ? Les regards se tourneraient plutôt vers son adversaire des demi-finales... L’équipe en question ? « Je crois que le championnat l’a démontré, non ? », faisait mine de questionner Sébastien Quintallet, le coach ivryen, sans volonté de lancer une quelconque polémique. « On ne pouvait pas venir à Dijon en disant qu’on allait jouer la gagne, ça aurait été arrogant et mal venu », convenait Thomas Capella en conférence de presse. « Il faut être lucide : sur une saison régulière, on ne peut pas être à la hauteur d’Ivry, abondait Christophe Viennet. Mais pour la montée, il y a un autre chemin, et il faut savoir répondre présent le jour J. »
De là à penser que le nom au palmarès de cette saison 2021-2022 de Proligue aurait dû être Ivry, qui a dominé de la tête et des épaules ce championnat, il n’y a qu’un pas que personne n’est allé franchir en conférence de presse. Après la défaite en demi contre Sélestat, Sébastien Quintallet expliquait comment il voyait ce Final Four : « C’est une compétition organisée par la LNH. Notre objectif cette saison était d’être premier pour revenir en Starligue. Après, ce n’est pas très utile de philosopher sur si le premier de la saison régulière du championnat doit être champion ou pas. J’ai mon idée avec mes joueurs. » Il confirmait qu’il y avait bien « un sentiment d’inachevé » : « on était engagé dans une compétition, en tant que leader du championnat, et on voulait être nous aussi en capacité de sortir un très gros match pour pouvoir se qualifier en finale, ce qu’on n’a pas réussi. »
En tant qu’observateur, on est obligé de souligner qu’à côté du plaisir pris à suivre ce week-end engagé et plein de matchs plaisants, et d'ailleurs très bien organisé, la formule de ces Finales, pour déjà leur troisième édition après les deux premières à Saint-Brieuc en 2019 et 2021, ne réussit toujours pas à évacuer une certaine perplexité chez les observateurs, voire une incompréhension dans le public des suiveurs du handball, sur le mélange entre quête du titre et lutte pour le dernier accessit en Starligue. Le tout sur des matchs secs, en un week-end. Une équipe se présente sur le terrain avec un enjeu moindre que les autres. Et cette année, contrairement aux deux autres éditions, la finale avait un enjeu fort pour les deux équipes, qui jouaient leur montée, alors que cette question était réglée dès le samedi les deux éditions précédentes. Les années précédentes, on discutait de l'intérêt de la finale, l'équipe fraîchement assurée de la montée ayant déjà réalisé son objectif et connu sa décharge émotionnelle. Cette année, la configuration a changé, mais la valeur du titre de champion est toujours discutée.
Mickaël Georgeault, à Dijon