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Veszprém-Kielce : un drôle de derby pour Nedim Remili
Quel choc en perspective ! Deux des plus grosses écuries du handball européen s'affrontent dès les quarts de finale. Les Hongrois de Veszprém accueillent ce jeudi à 18h45 les Polonais de Kielce. Une pléiade de stars de chaque côté, de l'intensité, sans doute du suspense et au milieu de tout ça : Nedim Remili. Pensionnaire de Kielce jusqu'en février, l'international français a rejoint Veszprém depuis. Une opération spectaculaire, qui a permis de sauver temporairement les finances polonaises. Mais comment Nedim a-t-il vécu cet épisode ? Comment s'est-il adapté à son nouvel environnement ? Est-il prêt pour cette rencontre qui sera forcément particulière pour lui en plus d'être un match exceptionnel ? Il nous a gentiment raconté tout ça.
Le "Remilico"? A l'heure où on cherche à trouver des histoires et des surnoms à chaque match, on a peut-être celui du choc entre Veszprém et Kielce. Kielce-Veszprém, c'est l'affiche d'une des demi-finales de la dernière édition de la Ligue des Champions. Kielce-Veszprém, c'est une finale européenne d'anthologie, un soir de 2016. Kielce, Veszprém, ce sont sans doute deux des plus gros favoris au titre suprême européen. Mais Kielce, Veszprém, ce sont les deux dernières lignes sur le CV (très bien rempli) de Nedim Remili. C'est donc vers l'ancien Cristolien que je me suis tourné pour préparer ce match.
"TOUT EST ALLÉ TRÈS VITE"
Les premiers mots avec Nedim Remili tournent autour de son adaptation à un changement si brutal. "Ça n'a pas été facile, forcément. Tout est allé très vite. Mentalement, c'était déstabilisant car ce n'était pas la fin prévue avec Kielce avec qui je m'étais engagé sur le très long terme. Physiquement, je sortais d'un long Mondial. Et donc, pour les raisons que tout le monde connaît, je me retrouve à débarquer, tout seul, à Veszprém. Après, j'ai été super bien accueilli par tout le monde : les dirigeants, les supporters, les joueurs. J'arrive un soir de match de Ligue des Champions [NDLR : qu'il ne joue pas car pas qualifié], et les gars prennent le temps de me saluer et de me dire quelques mots sympas alors qu'ils vont jouer dans quelques heures. Tout le monde était souriant et positif. Ça m'a rassuré."
Sur sa chaîne YouTube, où il documente régulièrement sa vie de joueur de très haut niveau, Remili a dédié un épisode à ce mois de février si spécial. Comme on le sent dans sa voix, ce transfert l'a usé, presque choqué, mais Remili est passé à autre chose, concentré sur la performance et la victoire avec son nouveau club. "On n'a pas le choix. Si je veux être performant rapidement avec Veszprém, il faut que je travaille et que je sois à 100 % dans ce nouveau projet. C'est le cas. J'ai la chance de jouer dans un des plus grands clubs du monde, avec des joueurs exceptionnels. Il fallait vite que je performe".
4 ÉQUIPES EN 8 MOIS...
Pas d'atermoiements ni de spleen possibles donc pour Nedim, qui doit être au niveau de l'investissement consenti par les dirigeants hongrois pour le recruter. Une pression supplémentaire pour lui ? "Je ne suis pas naïf, je sais qu'il y a eu un investissement important fait sur moi. Je sais que les dirigeants connaissent le handball et qu'ils savent qu'il faut forcément un peu de temps pour peaufiner des automatismes. Mais je sais aussi qu'on rentre dans la période importante, où il va falloir que je justifie leur choix. J'ai la pression forcément, mais comme tout sportif de très haut niveau. Oui, l'épisode que j'ai vécu est un peu exceptionnel mais c'est fini maintenant. Je suis un joueur de Veszprém et je dois être performant".
Au sujet de la performance, Remili a connu 4 équipes finalement en 8 mois : le PSG jusqu'en juin 2022, Kielce ensuite puis l'équipe de France cet hiver avant d'atterrir en Hongrie en février. Quand on connaît le poids des habitudes et des automatismes dans la performance, on peut se demander légitimement si Nedim ne s'est pas senti perdu par moment. ""Perdu" ce serait un peu fort. Mais oui, j'ai enchaîné des gros bouleversements. D'abord en quittant Paris et la France pour la première fois, puis avec ce départ en février. Ça demande plus de travail, d'être bien accompagné. C'est un défi de plus, mais, vous savez, je suis un fou de hand donc j'ai les ressources et la motivation pour le relever."
... ET DES STYLES DE JEU BIEN DIFFÉRENTS
Après Paris, entraîné par Raul Gonzalez, Nedim Remili a rejoint Kielce que dirige Talant Dujshebaev. Deux coachs espagnols, "de l'école de Valladolid tous les deux", dixit Nedim, qui présentaient donc des similitudes dans leur style de jeu. En rejoignant Veszprém, entraîné par Momir Ilic, Nedim ne doit-il pas "réinitialiser" tout son logiciel de jeu ? Il nous explique, enthousiasmé par ces sujets plus tactiques :
"Il est vrai que Raul et Talant sont de la même école et je l'ai ressenti en arrivant à Kielce. Défensivement, sur la volonté de piéger les adversaires notamment, sur les montées inversées... on voit qu'ils ont les mêmes références et donc il y avait une forme de continuité à Kielce. Après, ils ont quand même de fortes spécificités chacun, notamment sur le jeu offensif. Raul aime donner de la place à son demi-centre qui impulse le jeu qui ensuite doit se dérouler "naturellement" derrière on va dire. Pour Talant, à Kielce, ça tourne beaucoup autour du pivot. Donc j'ai déjà quand même dû m'adapter à un nouveau style. Ce n'est pas parce qu'ils sont tous les deux espagnols et proches en termes de philosophie de handball, qu'ils ont des jeux clônés."
Il continue sur Veszprém et Ilic : "Oui, il y a une vraie différence. Défensivement, notamment. Comment je m'y adapte ? Je discute beaucoup avec le coach. Cela me permet d'affiner ma compréhension de ce qu'il cherche. De mon côté, je lui délivre également mes sensations, dans quels systèmes je me sens le mieux... J'ai aussi la chance d'avoir Kentin (Mahé) qui m'a beaucoup aidé sur le terrain pour les enclenchements. L'adaptation n'est pas difficile en soi. Nous sommes des professionnels, on doit en être capable. Non, ce qui est difficile c'est une adaptation dans des délais très contraints. D'habitude, on a une prépa. Là, on est déjà dans les matchs qui comptent !"
"LE CHAMPIONNAT HONGROIS EST PLUS RELEVÉ"
A son arrivée, Remili, pas qualifié, n'a pas pu jouer les derniers matchs de poule de Ligue des Champions. Il a donc découvert les joutes nationales hongroises. Vus de loin, les championnats hongrois et polonais semblent avoir un profil similaire : deux équipes phares (Kielce et Plock en Pologne, Veszprém et Szeged en Hongrie) qui dominent outrageusement le reste du championnat. Pour Nedim, qui a donc vécu les deux expériences, ce n'est pas si simple que cela.
"Le championnat hongrois est plus relevé, juge-t-il. Ou plutôt, je trouvais qu'en Pologne, les équipes n'essayaient pas vraiment de piéger Kielce. Nos adversaires capitulaient rapidement et cela facilitait vraiment les matchs. En Hongrie, j'ai le sentiment que certaines équipes sont meilleures (Tatabanya, FTC, Csurgoi...) et surtout, elles ont vraiment envie de "taper" Veszprém. A chaque match, il y a un vrai défi physique, mais également tactique où on sent qu'on peut vraiment tomber dans un piège".
Les pièges, Veszprém en a subi quelques uns. D'ailleurs, le week-end dernier, Remili et ses copains se sont imposés in extremis à Csurgo (27-28). Nedim a également eu la joie de découvrir les confrontations face à Szeged. "On les a joués 4 fois en 2 mois : 2 fois en Ligue des Champions (2 victoires en play-offs), une fois en Coupe de Hongrie (victoire) et une défaite en championnat. C'est beaucoup !" Un ancien de la Starligue, Matej Gaber, s'est notamment chargé de constituer un petit comité d'accueil en l'honneur de Nedim comme vous pouvez le voir ci-dessous !!
"ON EN RIGOLERA DANS QUELQUES ANNÉES, MAIS SUR LE TERRAIN, ÇA VA PAS RIGOLER DU TOUT !"
Nedim semble donc intégré dans son nouveau projet à Veszprém où il a retrouvé des têtes connues. "Heureusement, Rodrigo, Dragan et Kentin étaient là. Au début quand je suis arrivé seul, j'ai pas mal squatté chez eux. Mais tous les gars sont géniaux, j'ai tout de suite été à l'aise, pas besoin de jouer un rôle". Me voilà donc rassuré pour Nedim, on va pouvoir parler un peu de Kielce !
Principalement, ce qui titille mon âme de spectateur, c'est le duel Nahi-Remili. Deux joueurs talentueux, chambreurs et copains en dehors du terrain (ils ont joué ensemble pendant des années !), qui vont donc en découdre. Ça donne quoi en préparation ? "Ne m'en parlez pas, rit Nedim, on a déjà commencé à se trashtalk mais là on a arrêté de se parler jusqu'au match. En fait, on s'est vu à Rouen avec l'équipe de France et on a commencé à se chauffer (rires) ! Ça va être un super match. On est amis, on s'apprécie et d'ailleurs c'est le cas aussi pour tous les gars de Kielce. Mais ils le savent, si je dois leur "taper dessus", je le ferai, amis ou pas !! On est en quart de finale de Ligue des Champions. Après c'est vrai que la perspective d'attaquer sur Dylan pendant presque tout le match, c'est marrant. On en rigolera dans quelques années, mais sur le terrain, on va pas rigoler du tout. Dans 10 jours, une équipe sera qualifiée pour Cologne, l'autre aura raté sa saison, donc il y aura forcément de l'intensité."
C'est donc un Nedim Remili serein et déterminé que l'on a pu redécouvrir. L'épisode du transfert est derrière lui, son Mondial brillant aussi (meilleur demi-centre de la compétition). A l'aube d'un mois de mai décisif pour Veszprém, Remili est conscient que le défi est grand et qu'il lui reste bien du travail et des efforts pour atteindre le graal de la Ligue des Champions. Un titre qui manque à Nedim, comme à Veszprém. Sur sa route, il trouvera d'abord ses anciens copains de Kielce, qui l'attendent sans doute de pied ferme.
Tristan Paloc