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Pierrick Chelle, une vie au Fenix
Au terme de la saison 2022-2023, l'enfant du club Pierrick Chelle, capitaine du Fenix Toulouse Handball, tirera sa révérence. Passé par toutes les étapes ou presque, dans son club de toujours, l'ailier droit est revenu sur l'aventure d'une vie, avant son dernier match contre Ivry.
Des premiers paliers franchit rapidement
Ce n'est pourtant pas au Fenix que l'aventure a commencé mais bien à Roques, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, où le jeune Pierrick a foulé ses premiers terrains. L'attrait pour le handball était déjà présent mais ce dernier a pris une autre dimension lors que le jeune Pierrick est allé voir ses premiers matchs : "A dix/onze ans, je commençais à aller voir les matchs (des Spacer's de Toulouse Handball, à l'époque, NDLR) avec mon père, quasiment à chaque fois. C'est comme ça que j'ai pris goût au haut niveau. Et puis quand t'es jeunes, tu passes les âges, les catégories et tu arrives à t'en sortir donc j'ai également vite adoré les matchs mais aussi tout ce qu'il y avait autour. J'ai vite été patché Toulouse Handball".
D'abord spectateur puis par la suite acteur du club, la trajectoire de Pierrick Chelle se dessine alors petit à petit, bien que ce dernier ne comptait pas devenir professionnel. L'ailier droit arrive au pôle espoir, puis au centre de formation, progresse jour après jour et continue de franchir les étapes, tout en se démarquant des autres. Affichant un profil complet et doté d'une bonne vitesse, c'est sur le plan mental que la différence va se faire : "Quand on se rapproche du monde professionnel, le niveau s'équilibre et les choses deviennent plus mentales que techniques".
Tout s'enchaîne vite pour le natif de Roques : premier match en 2006 puis par la suite, il est nommé capitaine en 2013, alors âgé de seulement 23 ans. Pourtant, cette ascension n'a pas été la plus simple à gérer. De son passage au centre de formation jusqu'au bord du brassard de capitaine, tout n'est pas rose à Toulouse et les moments de doute sont légions : "Il y a pas que des moments faciles où tu es sûr d'y arriver. Tu es jeune, tu doutes de tes capacités, tu ne sais pas trop ce que tu vas faire en dehors des terrains donc c'est des moments complexes. Mais tu t'accroches à ton envie, à ta détermination et surtout aux opportunités qui se présentent et il faut les prendre".
Un jeune capitaine adoubé par le vestiaire
En parlant d'opportunités, c'est une belle qui va se présenter à l'ailier droit puisque à seulement 23 ans, ce dernier va être nommé capitaine de son club de cœur : "C'était pas quelque chose qui me faisait peur, j'avais envie de m'investir plus que seulement être joueur."
Ce sont les joueurs de l'époque ainsi que le coach, Joel Da Silva, qui vont désigner Pierrick Chelle comme nouveau capitaine de l'équipe, avec à peine trois ans dans le vestiaire toulousain : "A l'époque, il y avait des Anouar Ayed, des Fernandez donc il y a quand même du lourd. Mais c'est aussi beaucoup de fierté et ça représentait beaucoup pour moi". Remplit de belles émotions, le doute et la responsabilité pèsent sur les épaules du jeune ailier. De nombreuses problématiques apparaissent alors : comment gérer un vestiaire de joueurs avec autant d'expérience ? Comment faire face à d'éventuelles questions d'égo ?
Heureusement pour ce dernier et du fait de leur expériences, les "anciens" ont parfaitement accompagné le néo-capitaine et ont expliqué leur choix : "Ils m'ont pas mis au feu de suite. Mon capitanat a été justifié par le fait que je représentais quelques chose mais aussi parce que j'arrivais à fédérer autour de moi. Ils m'ont dit que j'allais pas tout gérer tout seul et c'est là que ça a été agréable".
Après dix ans à porter ce brassard, le regard porté sur ce dernier et ce qu'il représente à totalement changé et évolué aux yeux du capitaine. Désormais, ce dernier est plus tourné vers la transmission de valeurs et de messages : "Je suis assez fier par rapport à l'état d'esprit de l'équipe, même si évidemment c'est pas parfait. J'arrive aussi à transmettre ce qui est important dans le sport collectif pour moi : partage, honnêteté et savoir rester calme dans les moments chauds et ne pas partir dans tous les sens quand ça va bien".
Entre première concurrence et grands coéquipiers
Le centre de formation du Fenix a produit de nombreux handballeurs reconnus, encore en activité ou non. Parmi eux, le montpelliérain Valentin Porte en est un bon exemple. Arrivé en 2008 au poste d'ailier droit, c'est au sein de l'équipe toulousaine que le jeune joueur va se révéler et va évoluer au côté de Pierrick Chelle. Confronté à cette arrivée, ce dernier va vivre là sa première vraie concurrence : "Il est arrivé au même poste que moi, il était au-dessus du lot et du coup il est passé devant moi dans la hiérarchie, ce qui était normal. Mais quand tu as 18 ans, c'est difficile à accepter. Pour une première concurrence, il y a plus facile (rires)".
Cette éclosion rapide aurait pu totalement mettre le capitaine toulousain dans l'ombre. Cependant, le club comme Pierrick Chelle vont vite comprendre qu'une association de ses deux talents serait préférable à la mise en avant d'un seul : "C'est là où le club a été intelligent puisqu'ils n'ont pas tout centré sur Valentin et ils ont accompagné les deux. Et nous aussi, on a pas été cons et on s'est vite attachés l'un à l'autre". Une association bénéfique donc puisque dès le moment où l'arrière du MHB est passé sur son nouveau poste, les résultats ont été immédiats, les deux hommes se complétant à merveille sur et en dehors du terrain.
Mais le passage du montpelliérain n'a pas été le seul qui a marqué l'homme aux 371 matchs disputés. En effet, entre des Jérome Fernandez et des Cédric Sorhaindo, pouvoir côtoyer de tels joueurs ne peut qu'apporter des éléments positifs à un jeune joueur encore en formation : "Ça m'a apporté beaucoup de confiance, c'est une plus-value dans un parcours personnel notamment quand on découvre le joueur. Après, ce sont surtout des moments dont je me rappelle. Par exemple quand Sorhaindo est venu ici, même si c'était que six mois (janvier à juin 2010, NDLR), il a eu une attitude parfaite, il s'est tout de suite intégré et c'est une crème. Enfin, ce qui m'a marqué c'est que dans 90% des cas, ils n'oublient pas leur passage ici".
Au-delà de ces légendes du handball, le club occitan a aussi eu dans ses rangs d'autres grands joueurs, toujours en activité comme Gonzalo Pérez de Vargas, Ferran Sole ou encore Wesley Pardin. Bien que ses derniers ne soient plus au club, leurs évolutions personnelles sont surveillées de très près, puisque faisant briller la formation toulousaine.
Les années passent, le joueur reste
Lorsque l'on évolue tout au long de sa carrière dans un seul club, on risque de voir de nombreuses choses bouger. C'est le cas pour les joueurs mais c'est également le cas pour les entraineurs. En près de 15 ans de carrière, Pierrick Chelle a connu pas moins de 6 coachs différents, tous amenant leur vision du handball et leur façon de travailler. De Laurent Bezeau à Daniel Andjelkovic, chacun a apporté une méthode qui lui est propre : "C'est là où il faut être ouvert et vite cerner les personnages. Je me souviens de Laurent Bezeau comme c'était mon premier coach. Il était à la fois dur et tendre. Dès qu'il y avait les jeunes, il était piquant mais c'était formateur, que ce soit à titre personnel ou collectif".
Un passage qui a également marqué les esprits et des joueurs et des spectateurs, c'est celui de l'ancien barjot, Philippe Gardent. Aux côtés du champion du Monde 1995, l'équipe progresse, devient plus rigoureuse et s'endurcit durant les six années au club de l'ancien pivot. Enfin, son actuel coach et son ancien coéquipier, Daniel Andjelkovic, est un concentré de ce que l'ailier a pu cotoyer auparavant : "Il réunit un peu tout ce que j'ai connu, c'est quelqu'un qui a une main de fer dans un gant de velours. C'est ce qui caractérise Daniel et Rémi, en plus d'être très complémentaires. Au début, lui comme nous, on avait des doutes, mais il est très intelligent et passionné donc il savait où il voulait aller et dès sa prise de fonction, on savait que ça allait le faire".
Cependant, si l'effectif et le banc ont pu évoluer de nombreuses fois, le porteur du numéro 3 a pu compter sur le soutien d'un autre joueur qui a lui aussi fait toute sa carrière au Fenix à savoir le demi-centre Maxime Gilbert. Arrivé en 2009, trois ans après son capitaine, les deux hommes ont vite appris à jouer ensemble et à travailler leur relation sur le terrain : "Lui a le gros inconvénient d'être de Bordeaux, donc en temps que toulousain, il arrivait avec un gros inconvénient (rires). Comme moi, il a vite été intégré au secteur pro et a vite eu des responsabilités surtout à son poste. On a vite partagé le même état d'esprit et on s'appuie l'un sur l'autre pour gérer le vestiaire. Après mon départ, on va encore plus s'appuyer sur lui mais je suis pas inquiet pour lui".
Toujours présent au Fenix
Au terme de sa longue carrière, Pierrick Chelle a tout connu ou presque avec le Fenix. Entre fierté et regret, les émotions ont été fortes sur ces 15 années : "Si j'ai un regret, c'est de ne pas avoir gagné de titres. La seule fois où j'ai pu, c'était lors d'un dernier carré de Coupe de la Ligue, mais en demi-finale, je me pète le genou et je pète Fernandez sur le même action, donc c'est un vrai regret car on avait la capacité de gagner. De l'autre côté, je suis fier de laisser le club et le vestiaire là où ils sont, à ce niveau-là. Quand je prends le moment où j'ai commencé, je me demande ce que j'aurai pu faire de mieux : on est avec les meilleurs, on a fait des beaux parcours européens donc je pars heureux".
Lui qui a tout connu et tout vécu dans son club de toujours ne s'est jamais vraiment vu autre part : "J'aurais pu partir mais j'ai toujours été en quête de sens, de trouver ce qui était vraiment important pour moi. Si ça s'était fait, ça aurait été à l'étranger ou plus haut. Plus haut j'ai pas eu mais j'ai toujours trouvé du sens à rester ici pour fédérer et représenter ce club là".
Lors de la saison prochaine, le capitaine restera au sein de son club de cœur, mais a choisi de se diriger, non pas vers le coaching, mais plutôt vers l'administration : "Le monde professionnel ça va faire quinze ans que j'y suis donc j'avais envie de connaître autre chose et surtout de m'investir autrement pour le club. J'ai découvert l'envers du décor sur le fonctionnement d'un club et j'ai de suite décelé qu'il y avait des choses à faire. C'était intéressant de comprendre les besoins du secteur sportif et d'arriver à les transposer sur le développement du club. C'est un nouveau challenge pour moi, aussi attractif que le terrain".
Au terme de ses quinze années de carrière, Pierrick Chelle aura marqué le Fenix et sa région. Enfant du pays, il aura gravi les échelons du monde professionnel et restera à jamais une figure du club, continuant son aventure au sein de cette grande famille.
A Toulouse, Théo Alleaume