JO (M)
F.X. Houlet : "En demie, connaitre la situation est un très gros avantage"
Les duels entre France et Allemagne ont été nombreux ces dernières années, mais rares sont ceux qui ont contenu autant d'enjeu. Raison de plus pour le spécialiste du handball allemand et ancien du Vfl Gummersbach François-Xavier Houlet de nous décrypter la demi-finale olympique de ce soir (20h30, heure française), qu'il regardera avec intérêt.
L'équipe de France
C'est presque sans surprise, extrêmement solide, très concentré sur l'objectif. C'est un bis repetita des deux derniers JO. La poule a été bien abordée, un premier match bien géré et une défaite qui était quand même un bon match contre la Croatie. En 2012, la défaite contre l'Islande arrivait après des matchs où on n'avait pas été forcément emballés. Là, tout ce qui s'est fait avant, le Qatar, l'Argentine, la Tunisie, qui était pourtant un match compliqué, te donne une impression de sérénité. C'est très bon, malgré des postes annoncés possiblement faibles mais où finalement tout le monde joue son rôle. Il n'y a pas d'originalité ou de changement, par rapport à d'autres. Les cadres jouent les moments les plus serrés, comme contre le Brésil, et répondent présent. On a l'impression que pour certains joueurs, c'est uniquement de la répétition. Guigou, Abalo, Nikola... Daniel Narcisse nous fait ce qu'il sait faire depuis 2009, plus la compétition avance meilleur il est. Ses deux derniers matchs, c'est du très haut niveau. Thierry Omeyer est plus remplacé que par le passé, mais il est toujours présent, même au niveau statistique. L'ensemble est très cohérent, l'utilisation des joueurs est judicieuse, que ce soit pour Grébille, Mahé ou N'Guessan.
L'équipe d'Allemagne
J'avais un doute par rapport à cette sélection. Le paradoxe est que Sigurdsson a préféré une équipe clairement orientée vers une défense très très solide. Le match contre le Qatar prouve qu'il a bien fait. On arrive sur un dernier carré loin d'être surprenant et où il va falloir répondre présent physiquement. Cette équipe a énormément de ressources tactiques, utilise très bien le jeu à sept et l'adaptation de la nouvelle règle. Ce n'est pas une surprise, Dagur était déjà partisan de ce genre d'innovations à l'Euro. C'est un sélectionneur qui connait parfaitement son équipe et qui sait exactement où il veut arriver. Certains choix ont pu paraitre curieux, mais tout est une histoire d'équilibre et Sigurdsson prouve qu'il a très bien géré son affaire. Kai Häfner demi-centre, ça surprend mais ça me plait et ça marche, Paul Drux monte en régime alors qu'on le voyait très mal en préparation. La défense 0-6 est parfaitement en place, la hiérarchie dans le but est parfaitement dessinée, pourtant Silvio Heinevetter n'est pas quelqu'un de très simple. Ils arrivent bien, ils ont fait ce qu'il fallait faire sur les premiers matchs et c'était important. L'euphorie peut venir maintenant, surtout après le match contre le Qatar, alors qu'au début du tournoi il fallait assurer un certain niveau de jeu.
La demi-finale
La Mannschaft est capable de battre les Français, mais on arrive sur un match couperet que cette génération allemande ne connait pas, alors que chez nous, on ne compte plus les demi-finales et les finales que certains ont jouées. Les Allemands vont certainement avoir un respect immense, qui peut entrainer une forme de paralysie face aux Français. On a des joueurs, certes champions d'Europe, mais qui vont regarder ceux qu'ils ont en face. Il peut y avoir une espèce de frein qui va les empêcher de tomber dans l'euphorie dont ils auraient besoin pour battre la France. Sans euphorie, à armes égales, la France est meilleure. Certains secteurs très précis vont être déterminants, on a une des rares équipes à pouvoir répondre voire dominer physiquement l'équipe de France. Le rapport physique va être déterminant. Dans l'équipe de France, on dit qu'il n'y a pas de joueurs en échec, même si on peut mettre un léger bémol sur Adrien Dipanda ou Mathieu Grébille. Au même titre, l'Allemagne arrive avec 14 joueurs concernés et bien dans leurs baskets.
"Ce n'est pas une revanche"
Il va falloir éviter de penser à la demi-finale de 2007, ou à Seville 1982 au foot, parce qu'il ne s'agit pas de ça. Les journalistes vont se charger de ce genre de trucs, mais je suis sûr que les joueurs n'ont pas du tout ça à l'esprit. Ce n'est pas une revanche. Le match va être intéressant, car je pense sincèrement que Wiencek, Pekeler et Lemke, ça peut répondre au défi physique français. L'Allemagne est cohérente de tous points de vue, et fait un beau pied de nez à ceux qui pensaient qu'ils avaient gagné en Pologne parce que tout le monde avait pris cette compétition par dessus la jambe. Les Bleus ont eu des soucis de répartition en défense face au Brésil, ce sera le genre d'erreurs à ne pas répéter sous peine d'être bien plus puni. A ce stade de la compétition, connaitre la situation est un très gros avantage et l'expérience va jouer un grand rôle. Ce n'est pas du tout la même pression que ça n'a été à l'Euro. En Pologne, l'Allemagne a joué la Norvège en demi-finale et dans l'euphorie, elle aurait sans doute gagné n'importe qui. Là, tu sors des quarts, tu prends la France, c'est autre chose.
Propos recueillis par Kevin Domas