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N1 fédérale - J22

Le choc pour la Proligue aura-t-il lieu ?

, par Zorman

Yannick Verdier, Saintes (crédits - US Saintes Handball)

À deux semaines de la dernière journée, le match décisif entre Saintes et Mulhouse-Rixheim décidera de la 3ème place et, ainsi, du second ticket pour la Proligue. Mais alors que les deux clubs sont incertains sur leur capacité financière à accéder à l'antichambre de l'élite, le choc pourrait - finalement - ne revêtir qu'un enjeu symbolique.

Ce sont deux des clubs les plus victorieux de la saison qui s'affronteront, le 25 mai prochain, pour la 3ème place de la poule Fédérale de Nationale 1. L'ASPTT Mulhouse-Rixheim, promu malheureux la saison dernière, se déplacera chez l'US Saintes, qui réalise un quasi sans faute sur sa deuxième partie de saison, pour jouer une place sur le podium qui serait synonyme de ticket vers la Proligue, alors que le dauphin annécien a quitté la course. L'occasion de revenir sur la saison de ces deux clubs ambitieux avec leurs coachs respectifs.

Des Alsaciens peu épargnés par les aléas extra-sportifs

Après la déception de la non-promulgation en Proligue, les joueurs de Mulhouse-Rixheim ont du rester forts pour retourner au combat en Nationale 1 cette saison. "Je suis fier de mes joueurs, après ce qu'ils ont encaissé l'année dernière, savoir rester focus et refaire une saison comme ça, ça veut bien dire que mentalement le groupe est costaud, se satisfait le coach Mehdi Ighirri. Malgré les blessures, tout le monde a su revenir à 100%, et je pense qu'on peut être fiers de notre saison."

Mehdi Ighirri, Mulhouse-Rixheim (crédits photo : Guénaëlle MARTER)

Mais au-delà des blessures, la saison des Loups a été fortement impactée par le départ, à la trêve hivernale, de David Eponouh, pour des raisons familiales. "On perd notre meilleur joueur", résume simplement son entraîneur. Pour compenser ce départ, les dirigeants alsaciens parviennent à mettre la main sur le jeune Caennais Maxime Ermolenko. Une signature plus qu'intéressante, mais tout ne se déroulera pas comme prévu.

"Le cas Ermolenko, on a été empêtrés dedans pendant tout le cycle retour. En décembre on est 2èmes, on part en vacances sachant qu'on devra jouer Dreux-Vernouillet puis Annecy dès la reprise. Malheureusement on perd notre meilleur buteur, on parvient à trouver Maxime Ermolenko et la CNCG le qualifie. Ils sont ensuite revenus sur leur décision, et c'était alors trop tard pour recruter un autre joker car on avait dépassé le 31 janvier. On lui reproche d'avoir fait trop de matchs en Proligue : d'en avoir joué 12, alors que le maximum aurait été à 11. La saison se serait sûrement passé autrement si on avait pu garder Eponouh ou qualifier Ermolenko, je pense qu'on aurait eu notre mot à dire pour les 2 premières places au classement."

- Mehdi Ighirri (Mulhouse-Rixheim)

Fait notable, la majorité des clubs de la poule auraient donné au club mulhousien un accord écrit assurant qu'une qualification de l'arrière normand de les dérangeait pas, ce qui n'a toutefois pas permis de faire fléchir la CNCG. "Le club a été très solidaire avec Maxime, il a eu son contrat pro, on s'est engagés à le payer, explique Ighirri. C'est lui qui est le premier déçu de cette histoire."

L'absence de ces maîtres à jouer a amené l'effectif à trouver d'autres solutions dans son système de jeu. Sur la base arrière, Étienne Claire aura su confirmer son talent de buteur et Lahcen Bellimam est resté un atout offensif déterminant en arrière droit (bien qu'il ait beaucoup manqué à son équipe lors de la rencontre face au Paris Saint-Germain, à cause d'une blessure à l'adducteur qui l'a écarté des terrains sur les trois dernières rencontres). Le jeune Lenny Bouzham, couteau suisse des Loups, aura aussi gagné en temps de jeu et fortement progressé durant cette saison, comme en témoigne sa prestation du weekend dernier. "Il a de plus en plus de temps de jeu, reconnaît son coach. C'est important d'avoir un joueur comme ça dans son effectif, et je pense que quand il aura plus d'expérience il ferait même un très bon capitaine." Mais outre la base arrière, les pivots et ailiers ont maintenu la stabilité de leurs performances, et le collectif a retravaillé sa défense pour s'offrir davantage de buts sur jeu rapides : une mutation qui se sera avérée relativement payante sur la phase retour. En 2024, après avoir dû s'incliner face aux cadors que sont Dreux-Vernouillet et Annecy, ils n'auront souffert que de deux revers sur les 7 rencontres suivantes (faux pas à l'Élite Val d'Oise et au PSG).

Étienne Claire, Mulhouse-Rixheim (crédits - Guillaume Boitiaux)

Aussi, l'effectif de la saison 2024-2025 devrait être marqué par la stabilité. Outre le départ annoncé du demi-centre Adam Arbaa, aucun autre n'est officialisé, et 3 à 4 recrues seraient à venir. "On avait un effectif un petit peu restreint cette saison, reconnaît Mehdi Ighirri. On avait tout juste 12 joueurs et 3 gardiens, donc on va se renforcer un peu." Un recrutement qui sera logiquement pensé pour avoir une équipe capable de jouer la poule fédérale... ou la Proligue.

Saintes : les têtes tournées vers la Coupe

Du côté de Saintes, les têtes ne sont pas encore à la dernière journée de poule fédérale. Et pour cause, les Renards se sont offerts la possibilité de jouer une finale de coupe de France fédérale, samedi prochain face à l'Élite Val d'Oise. "On a une super fin de saison à jouer avec une finale de Coupe de France et un match pour la 3ème place, c'est assez rare d'avoir autant de choses à jouer en fin de saison donc c'est très intéressant, se satisfait l'entraîneur Yannick Verdier. Le gymnase est de plus en plus plein, on était complets sur les derniers matchs. On a normalement autour de 1 800 supporters, mais on est montés jusqu'à 2 000 face au Paris Saint-Germain." Un titre en finale de Coupe de France, objectif fixé par le club, serait le 3ème titre de l'histoire d'un club fondé en 1965. Ce serait également le premier depuis plus de 17 ans, après le titre de champion de France de Nationale 1 de 2007, et le premier de Yannick Verdier, présent à Saintes depuis une dizaine d'années.

Lassana Toure, Saintes (crédits - US Saintes Handball)

Et ces dernières années, avec lui, l'effectif a évolué jusqu'à former l'actuelle équipe qui figure parmi les meilleures du niveau, notamment sur cette seconde partie de saison où l'US Saintes n'a souffert que d'une seule défaite (à Annecy). L'effectif présente aujourd'hui du danger à tous les postes, et repose moins sur son demi-centre Axel Rosier comme ce pouvait être le cas lors de l'arrivée de l'équipe en poule élite il y a 2 saisons.

"Il y a eu pas mal de changements, et il a fallu que tout le monde trouve ses marques en début de saison, qu'on trouve notre style de jeu. Il faut voir qu'on a aussi beaucoup de jeunes joueurs qui ont du prendre la mesure de ce championnat, et on a vu qu'ils ont su prendre leurs responsabilités. Je pense à Lassana Toure (arrière droit, 21 ans), Tanguy Le Fur (demi-centre, 22 ans), Noah Lenclume (arrière gauche, 22 ans), David Garcia (ailier droit, 24 ans), ..."

- Yannick Verdier (Saintes)

Autant de raisons pour l'entraîneur néo-aquitain de souhaiter de la stabilité pour son effectif la saison prochaine, quel que soit le niveau auquel son équipe évoluera. "Avec les résultats qu'on a, on a envie de conserver cette équipe qui est jeunes et laisse penser qu'on peut faire encore mieux l'année prochaine que ce qu'on aura fait cette année."

La montée ne se décidera pas sur le terrain

Entre ces deux projets sportifs ambitieux, le choc s'annoncerait chargé d'enjeux pour la 22ème et dernière journée de poules... mais il semblerait que ce ne soit finalement moins le cas que prévu. "Sportivement on est à égalité avec Saintes, on va jouer cette 3ème place pour finir la saison ensemble et de la meilleure des façons, mais je ne suis pas sûr qu'elle fasse office de second ticket pour la Proligue", conjecture le coach alsacien. Qu'on gagne ou qu'on perde à Saintes, qui est une des meilleures équipes de ce cycle retour, ça n'enlèvera rien à la belle saison qu'on a faite."

Cette prise de distance avec les espoirs de la Proligue se comprend bien au vu de l'intersaison difficile pour le collectif de l'ASPTT :

"Contrairement à l'année dernière, je ne veux pas me faire de faux espoirs. Si la municipalité ou l'agglomération a envie de voir du handball de haut niveau, le ticket est possible : ils le savent, le Palais des sports est prêt, tout est possible. Dans le Haut-Rhin, on est le club le plus haut avec le basket, et on aurait été le plus haut en montant en Proligue. Quand je parle avec d'autres entraîneurs, d'autres clubs de notre niveau touchent 200 000 € à 350 000 € des collectivités, là où nous avons à peine 50 000 €. Mais, quand je jouais au MHSA [Mulhouse Handball Sud Alsace, 3ème de D2 en 2015 et 2016 avant son dépôt de bilan], le Palais des sports avoisinait les 2 300 spectateurs tous les vendredis soirs et était plein pour les gros matchs. Ce qu'il nous manque aujourd'hui c'est le soutien des collectivités. Donc je sais que Muhouse est une ville de handball, et je suis sûr qu'un jour on parviendra à y ramener le haut niveau."

- Mehdi Ighirri (Mulhouse-Rixheim)

En face, le club de Saintes ne dispose pas de garanties supplémentaires de pouvoir accéder à l'antichambre de l'élite s'il conservait sa 3ème place au terme du championnat. "On avait un objectif Top3, mais ça ne faisait pas partie du projet du club de monter dès cette année, rappelle l'entraîneur des Renards. Maintenant qu'Annecy a déclaré qu'ils ne montaient pas ça libère une place. Et si j'étais en capacité de dire qu'on va monter je le dirais, mais je n'ai aujourd'hui de certitudes ni dans un sens ni dans l'autre." Aussi, si sportivement le choc entre les 3ème et 4ème de poule fédérale s'annonce palpitant sur le terrain, les enjeux seront probablement à aller chercher ailleurs, dans les recherches de financements de chacun des clubs. Une situation récurrente pour ces clubs de Nationale 1 cherchant à franchir cet ambitieux et dangereux sas qu'est la transition vers le monde professionnel.

Tanguy Le Fur, Saintes (crédits - US Saintes Handball)

Y. Verdier : "Je me pose des questions sur l'avenir de notre sport"

Si d'aventure ni l'US Saintes ni l'ASPTT Mulhouse-Rixheim ne pouvait assumer une promulgation en seconde division, vers qui faudrait-il tourner le regard pour poinçonner le second ticket, alors que le premier est pris par Dreux-Vernouillet ? Au classement, derrière les deux belligérants se trouvent les réserves respectivement du Paris Saint-Germain et de Tremblay-en-France, qui ne peuvent pas être concernés par la montée. On atteint donc rapidement la 7ème place, qui pourrait être occupée par Hazebrouck ou l'Élite Val d'Oise. Mais, si l'on présuppose que la 7ème place s'éloigne plus que de raison de la tête du classement, on serait tentés d'imaginer un maintien administratif d'Angers SCO, assuré de sa relégation sportive à 2 journées du terme. Une solution, déjà observée l'année passée avec Villeurbanne, qui fait grincer des dents certains observateurs.

"On se dirigerait vers une espèce de Proligue en ligue semi-fermée, avec des clubs maintenus sans performer car il n'y aurait pas de montées. À l'inverse, les montées se font en grande partie sur dossier, et les clubs de Nationale 1 qui peuvent affirmer leur capacité à monter dès le début de saison, il n'y en n'a pas beaucoup. Et ensuite on voit que dire et faire sont deux choses différentes, on pense à Bordeaux-Bruges-Lormont ou Villeurbanne ces dernières années qui ne finissent pas la saison. C'est dommage car on n'a plus de belles épopées sportives : quand on pense à Saran qui avait fait un super parcours sportif en terminant champion de Nationale 1 puis champion de Proligue l'année suivante, pour ensuite parvenir à se structurer, c'était quand même une belle histoire !"

- Yannick Verdier (Saintes)

Mais si l'inquiétude est sportive, elle porte également sur le modèle économique du handball professionnel, dont s'inquiète le coach des Renards. "L'économie de notre sport est quand même très fébrile. Sans même parler de Nationale 1, on s'inquiète de voir ce qu'il se passe sur les deux premiers niveaux. On voit tous ces clubs qui se cassent la figure, des premiers de N1 qui ne parviennent pas à monter... c'est un petit peu malheureux car j'ai l'impression que d'autres sports font mieux que nous. Alors je n'ai pas la recette magique mais j'ai l'impression qu'il va falloir qu'on réussisse à changer quelque chose. Donc économiquement cette situation me pose énormément de questions sur l'avenir de notre sport, car on voit que ça n'évolue pas..." Après plusieurs étés aux accessions et relégations houleuses, et après l'appel du président annécien dans nos colonnes il y a quelques semaines, l'intersaison 2024 ne s'annonce ni plus calme, ni moins riche en questionnements sur le modèle économique des championnats et clubs du handball français.

Propos recueillis par Antoine Piollat

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