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Kiel n'y arrive plus
Le THW Kiel n'a pas, pour la troisième fois consécutive, pas remporté la Champions League. Pire, les zèbres ont terminé quatrièmes du Final Four de la compétition en s'inclinant face à Kielce. Après 2013, c'est un nouveau weekend à zéro victoire pour les hommes d'Alfred Gislason. Tentative d'explication.
Le mieux, dans ces cas là, est d'aller demander leur avis aux joueurs eux-mêmes. Et on trouve deux catégories. Ceux qui se cherchent des excuses, quitte à se contredire, et ceux qui ne s'en cherchent (ou ne s'en trouvent) pas. L'arrière droit Marko Vujin, transparent tout au long du weekend, pointait lui la densité du calendrier allemand pour expliquer cet échec. "Il y a sans doute un problème de fatigue, car ces deux matchs arrivent à la fin d'une saison très dense et compliquée. Le championnat allemand est ainsi fait que nous arrivons avec les jambes lourdes à Cologne" s'excusait l'habituel meilleur buteur de l'équipe. Ce serait quand même oublier que Kiel a eu près d'un mois de pause entre la fin avril et la mi-mai, puisque, entre la semaine internationale et celle consacrée à la coupe d'Allemagne, les zèbres n'ont pas joué. Mieux, ils sont partis à Istanbul pour maintenir un certain rythme de compétition et n'avaient plus joué en Bundesliga depuis dix jours avant ce weekend. Et il n'est pas le seul à évoquer ce problème de calendrier, puisque Alfred Gislason a repris l'argument hier en conférence de presse: "En comparaison avec les autres équipes présentes ici, nous avons un championnat plus dur." disait-il. "Nous faisons beaucoup tourner pendant nos matchs pour limiter la fatigue, mais cela n'est pas toujours suffisant". Quand on sait que la saison dernière, le coach islandais préférait que son équipe arrive bien en rythme, au contraire de Barcelone, au Final Four, on n'est plus à une contradiction près...
L'arbitrage, le calendrier...
Steffen Weinhold, quant à lui, a essayé de trouver une réponse bien plus pragmatique quand on lui a posé la question : "Il n'y a pas de question de fatigue, de pression ou de je ne sais pas quoi. Il y a juste une équipe qui a fait trop d'erreurs, qui n'a pas su saisir les occasions et mettre les buts importants au fond". Vainqueur la saison dernière de la compétition avec Flensburg-Handewitt au terme d'une saison à soixante matchs et avec un effectif bien moins pléthorique que celui du THW cette saison, l'arrière droit allemand sait ce dont il parle. "Je ne veux pas comparer quoi que ce soit. Mais l'ambiance, l'enjeu doivent nous surpasser, ce n'est pas un simple match de championnat". Loin de lui, l'idée que les Kielers ne s'étaient pas surpassés ("on a vraiment tout donné, et personne ne s'est échappé") mais comme on s'en doutait, l'excuse du calendrier était un peu facile.
Alfred Gislason a cherché hier, après la finale pour la troisième place perdue face à Kielce, un autre bouc émissaire. Et comme souvent, il a incriminé le corps arbitral. "Nous avons joué ce weekend contre deux des défenses les plus rugueuses d'Europe. Elles le sont par nature, et si en plus vous les laissez aller au delà de la limite sans les sanctionner...Alors que nous par contre, on se prend deux minutes pour trois fois moins et Duvnjak prend rouge au bout de 35 minutes sans avoir fait grand chose de répréhensible. Il y a eu deux poids, deux mesures en terme d'arbitrage". Avant d'en remettre une couche sur le calendrier : "Je sais bien que pour les fans, deux matchs en deux jours c'est l'idéal. Mais pour les joueurs, c'est compliqué, surtout à cette époque de l'année. Jouer le vendredi et le dimanche serait, je pense, bien mieux". Une idée que Nikola Karabatic avait lui aussi évoquée lors du point presse de vendredi.
Duvnjak, comme un symbole des difficultés de la saison
Mais les soucis des Kielers viennent surtout d'eux-mêmes, si on en croit ce qu'on a vu sur le terrain. Alors oui, Johan Sjöstrand et Dominik Klein, deux cadres de l'équipe, étaient absents à Cologne, mais la paire Rune Dahmke et Henrik Lundström ne s'est pas trop mal débrouillé sur l'aile gauche, tandis qu'Andreas Palicka a même tenu la baraque tout au long du weekend dans sa cage. Le gardien suédois n'était d'ailleurs pas avare de reproches samedi soir après la demi-finale perdue face à Veszprem : "On a perdu les pédales dans les dix dernières minutes. On perd les ballons, on ne met pas les tirs pour revenir au fond, et on a eu aussi un peu de malchance. Nous n'avons jamais trouvé notre rythme du weekend, à chaque fois que nous faisions une bonne action, nous faisions une erreur derrière". Donc à Kiel, le souci vient de l'intérieur. Domagoj Duvnjak a été transparent en première partie de saison, bien meilleur en deuxième avant de passer une nouvelle fois à travers samedi. Pas forcément habitué à évoluer dans l'ombre d'un leader, le Croate n'est jamais aussi bon que quand il a les clés du camion, et la preuve a été criante ce weekend. Quand Palmarsson a pris le jeu allemand à son compte face à Veszprem, Duvnjak a réussi un zéro pointé tandis que dimanche, en tant que dépositaire du jeu, il a parfaitement tenu son rôle (4 buts, 3 passes décisives) avant de rejoindre les tribunes en début de deuxième mi-temps.
Mais le cas du meilleur joueur du monde 2013 est finalement symptomatique de l'ensemble de l'effectif du THW. Jicha, Canellas, Vujin, Duvnjak, Palmarsson, Sprenger, les noms des joueurs qui ont évolué sur courant alternatif ce weekend ont été nombreux, et selon Marko Vujin, c'est à l'image de la saison : "On a eu une saison compliquée, avec des blessés, des absents, des nouveaux qui ont logiquement mis du temps à s'adapter. En Bundesliga, certains d'entre nous peuvent passer à travers sans que le résultat ne s'en ressente trop. En Champions League, le niveau est tel qu'un ou deux joueurs ne peuvent pas toujours nous maintenir à flot".
Un titre de champion avant de repartir ?
Reste maintenant à digérer cet échec et, dans un premier temps, à aller chercher un titre de champion qui tend les bras aux Kielers. Il leur reste deux matchs à gagner, à Hannover mercredi et à domicile face à Lemgo vendredi, pour arriver à leurs fins. "On veut toujours tout gagner à Kiel, c'est dans l'ADN du club" se consolait Steffen Weinhold après la petite finale. "Même si c'est dur d'y penser maintenant, il faut finir le travail en Bundesliga, pour au moins terminer la saison avec un titre. Mais oui, quand on y repense, on avait l'espoir de tout rafler en début de saison".
Et ensuite, il faudra se remettre au travail pour revenir au Final Four la saison prochaine, avec une équipe qui restera globalement la même. Si Palmarsson rejoindra Veszprem et si Rasmus Lauge rejoindra Flensburg après deux saisons polluées par les blessures, le poste de gardien sera renforcé par le Danois Niklas Landin (Rhein-Neckar Löwen), tandis que Torsten Jansen (HSV Hamburg) apportera son expérience et sa présence défensive. Alfred Gislason a du pain sur la planche, et ses joueurs le savent. Patrick Wiencek, à côté de la plaque ce weekend notamment offensivement, l'exprime mieux que quiconque : "Trois ans de suite sans gagner, forcément les critiques vont se faire entendre, et c'est normal. Elles sont parfois justifiées, et il faut savoir les entendre pour se remettre en question. Et il va falloir le faire rapidement, sous peine d'être dépassés, car la concurrence en Europe est de plus en plus forte".
De notre envoyé spécial à Cologne, Kevin Domas