JO
L'Allemagne se prépare pour un coup olympique
En crise il y a deux ans, la sélection allemande arrive aux Jeux olympiques avec le costume de champion d'Europe, un effectif plutôt séduisant et énormément d'envie. De quoi faire de la Mannschaft un potentiel médaillé à Rio ?
Chaque surnom d'équipe a son histoire. L'équipe d'Allemagne championne d'Europe en janvier dernier s'est elle-même surnommée les Bad Boys, en référence au surnom de l'équipe des Pistons de Detroit championne de NBA en 1989 et 1990. Les Bad Boys de Detroit ont tiré leur appellation de leur défense de fer et de leur jeu agressif, à la limite de l'interdit. « Ils étaient comme nous, avait expliqué Hendrick Pekeler aux médias allemands lors de l'Euro. Ils n'avaient pas de stars, mais ils ont remporté le titre de NBA seulement parce qu'ils étaient des salauds. » Les joueurs allemands avaient vu deux fois le documentaire dédié à Isiah Thomas et ses compères avant l'Euro et s'y sont identifiés, afin de réaliser l'exploit en Pologne de remporter une compétition que personne ne les voyaient gagner.
La difficulté de constituer un groupe
Comme Chuck Daly avec les Pistons à l'époque, le sélectionneur islandais de la Mannschaft Dagur Sigurdsson a réussi à tirer le maximum d'une équipe loin d'être dénuée de talent, mais sans superstar non plus : à l'Euro, Uwe Gensheimer, Patrick Groetzki ou Patrick Wiencek avaient déclaré forfait pour blessure. Ce qui a marché pour l'Euro pourrait aussi fonctionner lors des JO. Le coach a cependant eu du mal à coucher les quatorze noms et celui du réserviste (Steffen Fäth) sur la fiche d'embarquement pour le Brésil, puisque les blessés de janvier sont revenus aux affaires. L'embarras du choix est plutôt positif, mais a de quoi rendre la concurrence très rude. Sigurdsson a dû laisser certains champions d'Europe au pays, notamment le pivot Erick Schmidt. Très bon en Pologne, le joueur de Hanovre regardera les JO à la télévision, faisant les frais du retour en puissance de Patrick Wiencek.
Carsten Lichtlein, grand déçu de la liste
Dagur Sigurdsson a également eu fort à faire pour choisir son deuxième gardien pour accompagner Andreas Wolff, le titulaire indiscutable. Il a finalement choisi de profiter du retour en confiance du gardien de Berlin Silvio Heinevetter, au détriment du vétéran de Gummersbach Carsten Lichtlein. Ce dernier, âgé de 35 ans, avait déjà fait office de troisième gardien lors des JO 2008 à Pékin, et était le numéro 2 aux Mondial 2015 au Qatar et à l'Euro 2016. La décision a dû être difficile à accepter pour un des leaders du vestiaire allemand, qui fera néanmoins le voyage à Rio en guise de remplaçant, tout comme Steffen Weinhold (arrière droit), qui se remet d'une blessure. La présence de Weinhold et de Lichtlein, en plus d'offrir des options supplémentaires à Sigurdsson en cas de pépin, permet au sélectionneur islandais de s'appuyer sur deux cadres expérimentés et à l'état d'esprit irréprochable.
La défense, le nerf de la guerre
Comme les Pistons des années 1980, Sigurdsson s'appuie sur les qualités de son groupe, notamment défensives. Bien revenu après une blessure, l'expérimenté pivot de Kiel Patrick Wiencek composera avec Hendrick Pekeler et Finn Lemke (photo) un axe défensif très redouté. Le premier, grand artisan du titre de champion d'Allemagne avec Rhein-Neckar Löwen, incarne parfaitement l'esprit Bad Boy : agressif mais toujours dans les règles, souvent bien placé, il est une arme précieuse pour Sigurdsson. Le second, arrière gauche aligné uniquement en défense, est un grand gaillard de 2,15 m qui fait figure de mur lorsqu'il lève les bras. Lemke a franchi un palier cette saison en étant plus régulier avec son club de Magdebourg. Derrière ce trio pas très romantique mais hautement efficace, Andreas Wolff continuera d'assurer la fonction de gardien du temple. Celui qui gardera les cages de Kiel la saison prochaine avait été miraculeux lors de l'Euro, et les attentes autour de lui sont grandes. C'est de cette défense de fer d'où partent les redoutables contres-attaques, avec les ailiers Uwe Gensheimer, Patrick Groetzki ou Tobias Reichmann à la finition. Pour les attaques placées, il faudra compter sur Paul Drux à la mène, dont la prestation contre la Tunisie en amical a été plutôt encourageante, et sur les puissants arrières Fabian Wiede, Julius Kühn ou Christian Dissinger.
Une équipe en pleine confiance
Le sélectionneur pourra compter sur un groupe de 17 joueurs dotés non seulement d'un excellent état d'esprit, comme on a pu le voir en Pologne, mais aussi en pleine confiance. La ferveur populaire post-Euro rejaillit sur ce groupe : les Allemands croient de nouveau en leur équipe, après les déceptions des absences de la Mannschaft des JO de Londres en 2012 ou encore de l'Euro au Danemark en 2014. De plus, certains joueurs ressortent de saisons très réussies : sur l'aile droite, Tobias Reichmann s'est imposé dans son club, Kielce, avec lequel il a remporté la Ligue des champions en finissant meilleur buteur de la finale. Uwe Gensheimer, qui n'avait remporté qu'une Coupe EHF durant toute sa carrière, a certes manqué l'Euro 2016 pour blessure, mais a mis fin à cette réputation de loser en remportant le titre de champion d'Allemagne cette année, avec notamment Hendrick Pekeler et Patrick Groetzki. D'autres reviennent de blessure et veulent beaucoup montrer, comme Paul Drux ou Patrick Wiencek.
Enfin, il y a les jeunes : sept des quinze sélectionnés ont 26 ans ou moins. Le demi-centre Paul Drux a fêté ses 21 ans en février et est le plus jeune de l'effectif. Autre jeune prometteur, Julius Kühn, l'arrière gauche de Gummersbach. A 23 ans, il est monté en puissance tout au long de la saison, et sera un véritable danger pour les défenses adverses. De même pour l'autre arrière gauche de l'effectif, Christian Dissinger (25 ans), qui s'est imposé cette saison à Kiel malgré quelques blessures, et est tout aussi dangereux notamment à 9 m.
La préparation comme révélateur
Cette équipe allemande semble donc être en haut de la vague, avant de débarquer sur les plages de Copacabana. Mais sans se prendre la grosse tête pour autant : « Les équipes européennes comme la France, l'Espagne, le Danemark ou la Pologne sont favorites. Les Suédois sont aussi à surveiller, comme le Qatar » a par exemple déclaré Uwe Gensheimer au journal allemand Die Zeit. Depuis l'Euro, la Mannschaft n'a pas toujours paru sûre de son jeu, avec quatre victoires pour deux défaites. L'écart est grand entre la victoire écrasante acquise contre le Qatar au mois de mars à Leipzig (32-17) et la défaite contre la Russie à Mannheim en juin dernier (25-27). Lors du dernier match amical contre la Tunisie le 13 juillet dernier (victoire 38-32 à Stuttgart), les Bad Boys n'ont pas semblé si méchants que ça en défense, laissant beaucoup d'opportunités de tirs notamment à Amine Bannour (11 buts). La défense est donc encore en rodage, mais l'équipe se met doucement en place. L'Eurotournoi de Strasbourg qui arrive ce week-end sera un révélateur intéressant pour savoir si les Bad Boys peuvent faire figure d'épouvantail lors des JO. Les Allemands affronteront le Danemark vendredi et soit l’Égypte, soit la France dimanche.
Mickaël Georgeault