LdC (M)
La revanche de Canayer
Sacré sur le toit de l’Europe dimanche à Cologne, le manager général du MHB, Patrice Canayer, a non seulement réalisé une performance majuscule sur le plan sportif mais aussi pris une forme de revanche sur les soubresauts consécutifs à l’affaire des paris.
Il restait une minute et 46 secondes à jouer à la Lanxess Arena, Diego Simonet venait d’envoyer le ballon dans le but adverse et donner ainsi six longueurs d’avance à Montpellier (25-31). Soudain, Patrice Canayer perdit sa retenue légendaire et serra le poing très fort dans le ciel d’une arena incandescente. A ce moment-là, le MHB était déjà assuré de décrocher sa deuxième étoile européenne et s’offrait même le luxe de savourer le moment, avant même la fin de la rencontre. Le manager général du MHB, d’habitude si mesuré tant que la sirène n’a pas retentit, se laissa alors submerger par l’émotion comme rarement. Il tomba d’abord dans les bras de son adjoint, Erick Mathé, puis fut soulevé sur le bord de la touche par Truchanovicius et Soussi.
Comme un symbole tant ces deux joueurs, peu connus du grand public avant leur arrivée dans l’Hérault, ont su élever leur niveau de jeu sous ses ordres. Puis l’émotion monta encore d’un cran lorsque les deux équipes arrêtèrent de jouer dans les tous derniers instants du match. Le kiné Alain Carmand, au club depuis 1991 et qui était donc de l’aventure européenne de 2003, le serra fort dans ses bras. A quoi donc pouvait penser Patrice Canayer à ce moment-là ? Que ressentait-il à l’heure d’installer son club au sommet de l’Europe pour la deuxième fois de son histoire ?
Golic : « Sans lui, je ne suis pas sûr que le MHB aurait survécu »
Après une bise à Thierry Anti, son homologue nantais pour lequel du respect et de l’amitié existent entre les deux hommes, Patrice Canayer ne put contenir son émotion intense, forte et spontanée. Si les plus anciens se souviennent de sa joie démonstrative lors de la finale retour de 2003 sur le banc de touche, au moment où Sobhi Sioud libéra Bougnol, l’émotion de Cologne était sans aucun doute bien différente. Car le technicien héraultais touchait au paradis après avoir connu l’enfer.
Lorsque l’affaire des paris éclate en 2012, le manager général héraultais a dû affronter la tempête en première ligne, essayant de maintenir le bateau à flot. Il expliqua ensuite qu’à ce moment-là, le club fut tout proche de disparaître, coulé par des finances en difficulté, une image abîmée et son joueur star, Nikola Karabatic, pris au cœur de la tourmente. «Sans lui, je ne suis pas sûr que le MHB aurait survécu, affirme à l’AFP Andrej Golic, son ancien joueur devenu agent. Son heure la plus glorieuse, ce n’est pas d’avoir gagné la Ligue des Champions, c’est la manière dont il a pu redresser l’équipe. Cela aurait pu tuer n’importe quel club. »
En 2014, Omeyer quitte le MHB pour « gagner encore la Ligue des Champions »
Longtemps, l’entraîneur le plus titré du handball français avec 38 titres nationaux et 2 Ligues des Champions, a regretté de n’avoir rien anticipé, rien vu venir de cette affaire extra sportive qui l’a ébranlé au plus profond de lui. « J’avais intégré la possibilité d’un tel accident, mais je ne pouvais imaginer avoir à le vivre, confiait-il en octobre 2012 à Libération qui lui consacrait un portait en dernière page. Toutes les nuits, j’échafaude les scénarios de ce qui a pu se passer…» Pour ce compétiteur né, perfectionniste s’il en est, le plus difficile à avaler fut aussi de voir partir certains de ses joueurs stars qui considéraient que Montpellier, le club qu’il avait façonné à sa manière, n’était plus capable d’exister sur la carte du handball européen. Ainsi, Thierry Omeyer, qui était revenu à Montpellier en 2013 avec un contrat de trois ans et une reconversion assurée à l’issue de sa carrière, justifia son départ pour le PSG en avril 2014 : « J'ai envie de continuer à jouer au top niveau européen avec les meilleurs joueurs, contre les meilleures équipes avec l'ambition de gagner encore la Ligue des Champions. Entre le moment où j'ai signé et le moment où je suis arrivé, il s'est passé pas mal de choses qui ont fait que le projet était différent de celui qui m'avait été présenté. À Paris, dans le même temps, une équipe ambitieuse s'est construite. »
L’Histoire donna finalement raison à Patrice Canayer, même si les succès d’aujourd’hui n’ont rien du hasard. Le manager général héraultais a su reconstruire une équipe cohérente, avec un vrai projet d’équipe en s’appuyant toujours sur le centre de formation le plus performant du handball français. Des pépites en sont encore sorties (Faustin, Fabragas,…) quand de jeunes joueurs au potentiel affirmé mais à polir ont été attirées par le discours de Canayer : Dolenec, Simonet, Porte ou encore Richardson. Le technicien héraultais a aussi su s’entourer de ses fidèles, joueurs d’expérience, à l’image de Guigou et Kavticnik. Ce savant mélange s’est retrouvé autour d’une ambition commune, celle d’installer à nouveau Montpellier parmi les clubs les plus forts de l’Hexagone mais aussi du continent. Seules les saisons 2014-2015 et 2016-2017 ont été vierges de titres, une anomalie dans l’histoire du club qui en dit long aussi sur l'exigence du haut niveau en place.
Meneur d’hommes, manager proche de ses joueurs, Patrice Canayer a aussi su remobiliser son groupe après la déconvenue subie à St Raphaël mardi dernier. A l’heure où le MHB voyait le titre national lui échapper aux dépends du PSG, le manager général a su remettre ses joueurs dans le sens de la marche. Il a su mettre de côté l’énorme déception de Starligue pour nourrir la soif de revanche de son groupe. Et assouvir la sienne, au sommet de l’Europe un dimanche soir de mai à Cologne. Certainement sa plus belle victoire.
Olivier Poignard