LdC (F) - Final 4
Laurent Bezeau capitaine d'un puissant navire
Le mot franc, le regard sûr, comme à son habitude. Laurent Bezeau regarde droit dans les yeux la Papp Laszlo Arena de Budapest et Györ qu’il affrontera ce samedi (15h15), en demi-finale de Ligue des Champions. Avec Brest, il y dispute le premier Final Four de sa carrière. Ces deux matchs seront ses derniers à la tête de l’équipe Bretonne. Il la guide depuis 2013 et l’arrivée des frères Le Saint, pour relancer le handball de haut niveau à la pointe Finistère.
Laurent Bezeau découvre les falaises qui plongent dans l’Atlantique avec l’Arvor 29, en 2009. Une belle histoire qui s’est terminée par un titre et mais un dépôt de bilan. « Il y avait beaucoup d’enthousiasme, la région, l’accueil des gens, la générosité, le soutien populaire… Le sport ici est fantastique. Le projet sportif était intéressant. » Le microcosme lui plaît et le pousse à prendre la barre d’un navire rapidement rejoint par Cléopatre Darleux (déjà) et Alexandra Lacrabère. Ce sont aussi les premiers pas du tacticien dans le handball féminin de haut niveau.
Un frère sans entraîneur
A Toulouse, où il entraîne les garçons, il le regarde d’un oeil. « J’avais déjà entraîné des filles en sélection jeunes et j’avais donné un coup de main à Rennes, quand j’étais étudiant, pour une équipe de N2, raconte Laurent Bezeau. Quand j’étais à Toulouse, j’avais aussi aidé les féminines à monter en D2 sur des finalités. » Avant cela, deux expériences chez les hommes, à Bordeaux et Saint-Cyr-sur-Loire.
Comme beaucoup de jeunes garçons, il frappe d’abord le ballon avec ses pieds avant de le prendre avec ses mains. «Je n’étais pas quelqu’un de très doué mais je comprenais les choses, avoue-t-il. Mon frère était très doué. Quand il était junior il s’est retrouvé sans entraîneur et je me suis mis à entraîner son équipe. » A Chateauneuf-de-Timorey (Centre), là où il grandit et s’aguerrit, le haut niveau est loin. Le club de la commune de 2 500 habitants peine à trouver des candidats au poste. Laurent Bezeau prend en charge jeunes et seniors avant de passer ses diplômes. Le conseiller technique, « major de promotion du BE2 en 1995 » oeuvre ensuite au pôle de Talence avant de se lancer pleinement avec Bordeaux, qui joue en D1.
"Le haut niveau, ce n'est pas mettre des noms sur une feuille"
Les titres viennent une fois les valises posées et la famille installée en Bretagne. L’Arvor est la première pierre, le BBH le reste du mur. D’abord une coupe de France alors que Brest évolue en D2. Une première dans le handball, sport où le Petit Poucet ne sort généralement pas des pages du conte de Charles Perrault. « En demi-finale on gagne Metz après un match épique et en finale le mur blanc. La Bretagne avait envahi le POPB, c’est un de mes plus beaux souvenirs, c’était une saison merveilleuse. » Les Bretonnes qui jouent déjà à guichets fermés dans la Brest Arena (3 300 personnes en moyenne, Ndlr), enchaînent logiquement une montée dans l’élite.
Et vu les ambitions affichées, Brest est déjà placé haut. Peut-être trop, mais le tacticien a toujours tempéré. Malgré les internationales du groupe (retour de Darleux, arrivées de Prouvensier et N’Gouan la première saison, Pop-Lazic, Stoiljkovic, Coatanea, Idehn celle d’après), le BBH attend 2021 pour ranger son premier trophée de champion de France dans sa vitrine. « Chaque année on nous envoyait la patate chaude et j’ai lu ça avec beaucoup de sourires, assume le coach. La performance de haut niveau est multifactorielle. Ce n’est pas simplement mettre des noms sur une feuille. Il y avait plein de choses à construire. Le budget c’est très relatif. Ca dépend combien on met sur le sportif et combien coûte une joueuse pour venir à Brest. Le prix n’est pas le même qu’à Metz. »
"Une grande partie de moi est morte cette année"
La saison 2017-2018 en est l’exemple. Brest réunit dans ses rangs Allison Pineau, Marta Mangué, Jovana Stoiljkovic, Pauline Coatanéa, Cléopatre Darleux ou encore Melinda Geiger. Pourtant, une troisième place en championnat (Brest est éliminé par Nice en demi-finale) et une finale de Coupe de France. « On pensait avoir des joueuses qui nous permettaient de penser qu’on était dans une logique de progrès mais ça ne passe pas bien, concède-t-il. Tous les clubs connaissent des cycles faibles et à Brest, comme tout va très vite, quand il arrive, tu le prends fort. Une grande partie de moi est morte cette année. Je ne m’exempte pas de reproches, bien évidemment. J’essaie de progresser et je pense avoir progressé mais les responsabilités étaient partagées. Je l’ai très mal vécu sur le plan humain. »
La machine bien repartie, Brest était sur les rails pour jouer son premier Final Four au moment de l’arrêt des compétitions à la fin de l’exercice 2019-2020 et remet le couvert cette saison. Parti de la D2 avec le drapeau Gwenn ha Du sur les épaules, Laurent Bezeau pourrait le hisser sur le toit de l’Europe, avec Brest, avant de prendre ses fonctions à l’agence nationale du sport. Il s’est engagé dans l’équipe dirigée par Claude Onesta dans le but de développer la performance sportive pour les Jeux de 2024.
Maxime Cohen.
Programme du week-end à suivre sur Eurosport.fr : Brest - Györ 15h15 Vipers Kristiansand - CSKA Moscou 18h