Enquête
La ruée vers l'or...et ses problèmes
Melvynn Richardson, Julien Meyer, Aymeric Minne, Dika Mem, autant de noms qui vous sont familiers si vous avez suivi les différents championnats du monde de jeunes cet été, et qui pourraient révolutionner le handball français dans les prochains mois ou années. En cause ? Leur précocité et la volonté des clubs de haut niveau de compter dans leurs écuries ces pépites. Suite de l'enquête dont vous pouvez retrouver la première partie ici.
Dallard soulève un vrai problème
Si, sur la forme, la lettre des dirigeants toulousains (lisible ici) peut laisser dubitatif, en revanche sur le fond, on ne peut que reconnaître qu'elle appuie là où ça fait mal. "Si on me l'avait envoyée, je l'aurais signée car elle n'est que succession de bahharismes. Je suis tout à fait d'accord, il y a nécessité de réfléchir au statut du joueur en formation mais en concertation avec l'ensemble des acteurs dont le syndicat des joueurs et au sein des instances représentatives dont c'est la mission comme l'UCPH", reconnait Stéphane Cambriels, mettant de côté les querelles de clocher opposant les deux clubs. "Il y a une vraie réflexion à mener sur la formation, et les problèmes n'ont été que mis en lumière par le cas d'Aymeric Minne. Mais ils existent depuis bien longtemps". Et David Christmann d'aller plus loin : "Il faut que les instances légifèrent, que ce soit la FFHB, la LNH ou l'UCPH. Tout le monde doit s'asseoir autour d'une table pour discuter des améliorations qui peuvent être apportées à un système qui produit les meilleurs joueurs du monde".
Quelles améliorations ? "Le boulot des clubs de formation et pré-formation doit être réformé. Voilà ma seule position sur ce sujet", explique Eric Quintin qui demande à "ce qu'un club qui fait de la formation doit en retour en bénéficier. À l'image du football - dans une autre planète - qui indemnise les clubs détecteurs. Il ne faut pas oublier que Aymeric Minne n'est resté que peu de temps à Toulouse et Tournefeuille avant et ceux qui l'ont repéré et lancé doivent être remerciés, c'est une des grandes forces de la formation française". Elever les indemnités de formation ? Il en a couté à Aix 24 000€ pour racheter les deux premières années de formation d'Aymeric Minne, alors que les indemnités ont déjà été revalorisées l'été dernier, passant de 7 500 à 12 000€ l'année. "Il faut que les clubs qui font de la formation soient protégés, qu'on élève le plafond des indemnités. 12 000 euros par an, c'est une somme, mais c'est peu par rapport au bénéfice qu'on peut tirer d'avoir un joueur de classe internationale dans son effectif", admet Christmann. En clair, à ce prix là, le jeu en vaut la chandelle. Une avancée avait déjà été mise en place avec l'obligation pour un jeune joueur de signer un contrat pro avec son club formateur si celui-ci lui en offre un avant le 1er avril de chaque année. "Cela évite effectivement que les jeunes joueurs s'en aillent au plus offrant en fin de formation, mais il faut maintenant les empêcher de s'en aller en cours de route", souligne le technicien tremblaysien.
Une génération qui va tout changer
Quelles que soient les solutions trouvées par les instances fédérales, cette nouvelle génération de joueurs va changer la donne dans le milieu de la formation handballistique française. "Si le cas de Minne permet de faire évoluer les choses, tant mieux ! On a Fabregas qui est stagiaire pro, Melvyn a un contrat pro, Dika est pro...", énumère Quintin, en observateur averti de ces jeunes joueurs. "C'est une génération qui nous oblige à revoir le cadre de formation, dans le sens de l'intérêt général mais aussi des joueurs". Cette précocité n'est certes pas l'apanage de la majorité des jeunes pousses tricolores, mais le sujet risque bien de revenir sur le tapis à l'avenir. "Il faut savoir ce que l'on souhaite, si on veut un vrai sport professionnel ou non", se demande Stéphane Cambriels, dont le centre de formation a été labellisé élite il y a trois ans. "On met de plus en plus d'argent dans le handball, via les sponsors, via les télés, et je ne crois pas qu'il faille se plaindre de ça. Maintenant il faut encadrer, mettre des règles pour éviter que des clubs étrangers ne viennent en profiter." David Christmann renchérit, avant de conclure : "Il ne faut pas tarder avant de réglementer tout ça, car cette fois c'est Aix qui en profite mais la prochaine fois ce seront peut-être les clubs allemands qui viendront se servir chez nous. Il faut garder notre mode de fonctionnement, pour que demain, tous ces gamins ne s'envolent pas à l'étranger".
Kevin Domas